samedi 7 février 2015

Franche-Comté : l'assureur renverse un cycliste et et l’abandonne sur la route

«UN CONCERT FAMILIAL sordide et machiavélique… À la première lecture, c’est ce que l’on peut voir », convient Me Lionel Gatin, du barreau de Mulhouse. Il parle encore de ses clients comme de « personnes parfaitement insérées qui, un jour, empruntent les chemins de la délinquance… »

Un terrible engrenage...

Ce jour-là, c’est le 18 juillet dernier. Il est 18 h 30. Laurent, 54 ans, roule au volant de sa Peugeot 207. Gérant de trois agences d’assurance à Mulhouse, il rentre chez lui à Saint-Julien-lès-Montbéliard. Arrivé à hauteur de Raynans, il grille un stop et percute un cycliste. Au lieu de s’arrêter, il fuit, abandonnant sa victime à son triste sort. L’état du blessé est grave : traumatisme crânien, pneumothorax, jambe droite fracturée en divers endroits (fémur, cheville). Sans l’intervention d’un autre automobiliste, il aurait pu agoniser longtemps.
Pendant ce temps, le chauffard rentre chez lui et appelle sa compagne. Il lui montre la voiture au pare-brise enfoncé et étoilé. Il dit avoir eu un accident « avec quelqu’un ». Il reconnaît ne pas s’être arrêté. C’est à partir de là qu’un terrible engrenage se met en place. Le couple raconte la mésaventure à la fille de madame et à son ami. Et que décident-ils ?
« D’aller manger une pizza à Montbéliard et d’élaborer un plan pour dissimuler les preuves », synthétise le président Troilo. Le chauffard élude d’emblée sa responsabilité en évoquant « le contexte. Je vivais une semaine d’enfer ». Et d’évoquer ses soucis professionnels, la santé de sa compagne, le licenciement de cette dernière. « Ce n’est pas un délit de fuite réfléchi ni choisi », prolonge le quinquagénaire qui se retranche derrière « un choc émotionnel, comme me l’a dit le psychiatre ».
Le président recadre : « Ce n’est pas un chevreuil que vous avez percuté, mais un être humain. On peut entendre que sur le moment vous avez eu un trou noir, mais après... À aucun moment vous ne faites marche arrière. Au contraire, vous allez au restaurant et vous échafaudez votre stratagème. Ce n’est pas compatible avec la panique évoquée ».

La compagne du chauffard : « J’ai honte ! »

Après la pizzeria, vers 23 h, il est décidé d’emmener la voiture accidentée loin des regards de Saint-Julien. À Uffholtz, très précisément, où l’ami de la fille a une entreprise. Sans le témoignage de deux villageois, surpris de voir le prénommé Laurent au volant de la 207 déglinguée, le chauffard aurait-il seulement été identifié un jour ?
« Et personne n’a la présence d’esprit d’appeler les secours », s’étonne encore Alain Troilo, qui analyse plus en avant : « Il y a l’émotion du moment mais aussi le bon sens. Et le civisme. Le plus grave, c’est le comportement de l’entourage ».
Le président cible notamment la fille, 32 ans, professeur des écoles, censée inculquer certaines valeurs aux enfants dont elle a la charge. C’est finalement la compagne du chauffard qui est la plus prolixe : « C’était panique à bord. On a perdu tout bon sens ».
Elle parle de son ami : « d’ordinaire, il a le sens des responsabilités. Ce n’était plus le même. Ce n’était plus l’homme avec lequel je vis depuis dix ans. Il s’est écroulé. Le restaurant ? C’était notre fuite à nous. Faire disparaître la voiture, c’était faire disparaître le problème. J’ai honte ! »

Le procureur : « Ils sont inexcusables »

Lionel Pascal, au ministère public, décortique méthodiquement le dossier et appuie là où ça fait mal : « Avant d’aller au restaurant, on bâche le véhicule. Pourquoi ? Le seul souci c’est que le voisinage ne se rende compte de rien. C’est édifiant ! » Le procureur entrevoit l’architecture de la cellule familiale, torpillée dès lors que l’homme de la maison, celui sur lequel on se repose, est soudainement « incapable de prendre une décision. Il est prostré dans le noir. À aucun moment, les trois autres ne prennent le parti de penser à la victime. Ils sont inexcusables ! »
L’avocat de la défense s’attache à atténuer un tableau sérieusement noirci. « Ce jour-là, Laurent a été fuyant. Au quotidien, c’est lui le guide, c’est lui qui porte la famille… J’ose espérer que le tribunal aura compris qu’il n’a pas affaire à des bandits de grands chemins… »
Le tribunal a tranché. Le chauffard est condamné à un an de prison avec sursis (contre six requis par le procureur). Son permis de conduire est annulé avec interdiction de le repasser avant un an. Quant au trio, il est logé à la même enseigne : 1.500 € d’amende.
Reste Eric, le cycliste, pour qui les séquelles physiques sont loin d’être soldées.

http://www.estrepublicain.fr/justice/2015/02/06/le-chauffard-et-sa-famille

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