lundi 9 février 2015

Verdun : « On ne baissera pas les yeux »

«C’est une image gravée à vie ». Il était 3 h et demi du matin le 18 juin 2012. Françoise et Patrick Champlon ouvrent la porte de leur pavillon de Belrupt à côté de Verdun. Le maire du village et un gendarme sont là. « J’ai compris tout de suite. J’ai dit : la petite est morte ! », déclare Françoise Champlon.
Quelques heures plus tôt, à Collobrières dans le Var, le 17 juin vers 22 h 30, leur fille Alicia, 29 ans, adjudant de gendarmerie accompagné de sa collègue Audrey Bertaud, 35 ans, maréchal des logis chef, intervenaient au domicile d’Abdallah Boumezaar et d’Inès Fahrat à la suite d’un cambriolage et de violences. « Collobrières n’existe plus sur la carte pour nous », confie Françoise. Impossible même de regarder un panneau routier indiquant la localité.
Selon l’enquête Abdallah Boumezaar était parvenu a s’emparer de l’arme d’Audrey Bertaud. L’auteur présumé des faits tirait alors sur la militaire, la tuant sur le coup. Alicia Champlon était extraite de l’appartement de Boumezaar par un témoin. L’auteur présumé la poursuivit dans la rue, tira dans sa direction trois fois à deux reprises puis tira à nouveau trois fois sur elle alors qu’elle se trouvait derrière des véhicules en stationnement. Alicia Champlon décédait sur place. Abdallah Boumezaar comparaîtra pour homicide volontaire et pour assassinat. Inès Fahrat pour complicité d’homicide volontaire aggravé en récidive et dissimulation de preuves.
« Son dernier regard a été pour lui. Est-ce qu’elle a souffert ? On a que ça en tête », soufflent les parents. « Que veux-tu qu’on vive maintenant. Pour qui ? Pour quoi ».
La famille est dévastée par la douleur. Dans toutes les pièces, des photos d’Alicia sont accrochées aux murs, posées sur des meubles, « il n’y en a pas une où elle ne sourit pas ». Sur la table de la salle à manger : des photophores, « j’allume des bougies et je lui dis : comme ça, je te réchauffe là-haut ».

« Il faut qu’ils payent cher »

De voir la date du procès se rapprocher, Françoise Champlon en fait des cauchemars. « On attendait tellement cette date-là. On n’a pas peur. On a de l’appréhension de les voir arriver et de voir comment ça va se passer. On est stressé ».
Hier, les parents d’Alicia sont partis pour le Var, accompagnés par la tante maternelle et l’oncle de la gendarme. « Heureusement qu’on est soudé tous les quatre. Et puis, on est tout le temps entouré par la gendarmerie », déclare la mère d’Alicia qui regarde sa main : « Je ne quitte pas les bagues de ma Nénette ».
Des contacts, ils en ont aussi avec les parents d’Audrey Bertaud : « Que de vies gâchées. Audrey avait deux petites filles. Quand la fête des mères et des pères arrivent ou Noël, c’est terrible. Il n’y a plus de fête ». Le couple est aussi soutenu dans leur milieu professionnel.
« Nous n’avons pas d’enfant. C’était comme notre fille », ajoute sa tante. « Pour celui qui partira le dernier, il n’y aura plus personne… »
Harry, le chien d’Alicia saute sur les genoux de Patrick Champlon. « On l’emmène dans le Var. Ce sera un réconfort de le voir le soir. C’est l’héritage de notre fille. On a que ça ». Tous les jours il accompagne ses maîtres sur la tombe d’Alicia, « il connaît le parcours, il va directement sur sa tombe ».
Pendant ce procès-fleuve de neuf jours avec 46 témoins et 16 experts qui défileront à la barre, la famille Champlon est sûre d’une chose : « Il faut qu’ils payent cher. Qu’ils ne le relâchent pas. Et on ne baissera pas les yeux », assure Françoise Champlon. « Je veux m’adresser à eux en fin de procès. Pourquoi tant de violence ? Je veux leur dire tout le mal qu’ils nous font. Qu’ils ont gâché notre vie. Et j’ai un souhait : qu’il rencontre notre regard et qu’il baisse les yeux ».
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2015/02/09/on-ne-baissera-pas-les-yeux

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