DECRYPTAGE - Le point sur les allégations de la juge…
Isabelle Prévost-Desprez, renvoyée en correctionnelle à Bordeaux pour « violation du secret professionnel » dans un volet de l’affaire Bettencourt, traîne une solide réputation de femme de fer. Juge à poigne, originaire de Lille, elle arrive à Paris en 1988 comme substitut du procureur avant de devenir juge d’instruction au pôle financier. C’est là qu’elle se fait la main sur des affaires médiatisées de premier plan, notamment celle de l’Angolagate qu’elle co-instruit avec Philippe Courroye, le future procureur de Nanterre avec qui éclatera un conflit ouvert.
« Off » rompu
C’est l’affaire Bettencourt qui va cristalliser les tensions entre les deux magistrats. Le procureur Courroye souhaitait à l’époque conserver sous sa main le dossier Bettencourt, gênant pour l’ancien président Nicolas Sarkozy, qui de son côté, le présentait comme « son » ami. Dessaisie du dossier, la juge Prévost-Desprez contre-attaquait en publiant un livre en 2010 Une juge à abattre (Fayard), rompant avec la tradition des discussions secrètes, « sous la foi du palais », et du « off » des magistrats.S’ensuit une traversée du désert. La tempête dans les couloirs du TGI de Nanterre. On lui reproche d’avoir tiré au flanc. « Tout le monde pensait qu’elle craquerait. D’ailleurs, la question c’était surtout de savoir quand », se souvient un ténor du barreau altoséquanais. La hiérarchie judiciaire ne s’émeut pas vraiment quand à l’été 2010, elle est mise sur écoute et ses relations téléphoniques avec les journalistes pointées du doigt, surtout celle avec son ami, Jacques Follorou, journaliste au Monde. Il lui est reproché de lui avoir trop parlé. Présentée comme hystérique par ses détracteurs, elle se défend d’avoir calomnié et se propose, indocile, en lanceuse d’alerte.
Discréditer la juge
Face au déchaînement de violence, la juge fait le dos rond et encaisse les coups. Un ancien collègue rapporte que les audiences de la 15e chambre du tribunal de Nanterre deviennent un véritable « supplice ». Les avocats de la défense menacent d’utiliser son nom pour des requêtes en suspicion dans les dossiers qu’elle traite. Aujourd’hui encore, un magistrat haut placé reconnaît que « les tentatives pour la discréditer ont été d’une rare violence ».Le changement de majorité en 2012 joue en sa faveur. Philippe Courroye est nommé avocat général à la cour d’appel de Paris. Sa mutation, qui a recueilli un avis favorable du conseil supérieur de la magistrature (CSM), détend l’atmosphère à Nanterre. Depuis, les relations entre les deux sièges sont apaisées.
Appréhension
Mais la juge continue d’inspirer une forme d’appréhension auprès des jeunes avocats. L’un d’entre eux, qui a récemment plaidé devant la 15e chambre, se souvient de sa sévérité. « J’avais l’impression de me faire engueuler par ma mère parce que j’avais mal fait mes devoirs », raconte-t-il. Une autre retient, certes la «dûreté» du personnage, mais aussi une certaine forme de «bienveillance». «Elle essaie de mettre à l'aise les prévenus et les parties civiles. Mais n'hésite pas à réprimander quand il le faut.»Ce lundi, à Bordeaux, Isabelle Prévost-Desprez va à son tour, chose rare, devoir rendre des comptes et se frotter au caractère de son juge.
http://www.20minutes.fr/societe/1625551-20150608-bettencourt-acte-iii-isabelle-prevost-desprez-juge-poigne-rompt
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