jeudi 9 juillet 2015

Nancy : un couple accusé à tort de maltraitance

Angiœdème héréditaire. Derrière ce nom barbare, se cache une maladie génétique rare aux symptômes ambigus. Cela entraîne des gonflements de différentes parties du corps. Avec parfois une coloration rouge de la peau. Ce qui peut donner l’impression qu’il s’agit d’ecchymoses et que le patient a été frappé.
C’est exceptionnel. Mais cela arrive. Sabrina Dietsch en sait quelque chose. Cette jeune femme de 22 ans, originaire des Vosges, fait des crises depuis toute petite. Sa fille, Louna, née en octobre 2011, avait une chance sur deux d’y échapper. L’enfant n’a finalement pas tiré le bon numéro à la grande loterie génétique. Elle est aussi atteinte d’angiœdème héréditaire. Sa mère et son père, Yoan Bombarde, un ex-disc-jockey de 26 ans, l’ont découvert à leurs dépens en 2012, alors qu’elle avait 3 mois. Le couple vit alors à Saint-Max, en périphérie de Nancy.
Le 2 février, leur petite fille est somnolente et refuse de téter. Inquiets, ils l’emmènent chez le pédiatre qui la fait hospitaliser. « Car elle était fébrile et ne répondait pas aux stimuli. Rien d’autre », se souvient le père de Louna.
Mais à l’arrivée du bébé à l’hôpital des enfants de Brabois, des bleus et des hématomes commencent à apparaître sur son corps. « Il y avait surtout un méga hématome recouvrant la moitié du visage », précise le père. Très (trop ?) vite, cela semble suspect aux médecins et l’un d’eux fait un signalement de maltraitance à la Justice.
Cuisinés en garde à vue
« J’ai pourtant dit que j’avais une maladie génétique orpheline mais on ne m’a pas écouté à l’hôpital », témoigne la mère de Louna. Elle et son mari perdent la garde de leur enfant qui est, aujourd’hui encore, placée chez une assistante maternelle. Le couple se retrouve aussi en garde à vue à l’hôtel de police de Nancy. « Les policiers nous ont bien cuisinés. Nous avons eu droit au gentil flic et au méchant, mais aussi à des pressions pour que l’on s’accuse mutuellement », racontent les parents. Tous deux ressortent libres, mais plus suspects que jamais. Ils sont mis en examen par un juge d’instruction.
Ils ont beau clamer leur innocence, personne ne les entend, personne ne les croit. Les apparences sont contre eux. Et une expertise de deux médecins de Strasbourg enfonce le clou. Les deux experts excluent l’hypothèse de la maladie et concluent à des violences sur le bébé. Le couple se bagarre pour démontrer le contraire. Malgré « l’opposition des services sociaux », ils font réaliser une analyse de sang à leur petite fille, lors d’une garde de quelques heures. Résultat : elle est bien atteinte d’angiœdème héréditaire. Les parents alertent ensuite un centre national spécialisé dans cette maladie, le CREAK, à l’hôpital de Grenoble. En mai dernier, l’une des pédiatres du centre, le docteur Pagnier, signe un rapport clair et net qui innocente les parents. Pour ce médecin, leur bébé a été victime, non pas de violences, mais d’une crise d’œdèmes déclenchée par une infection.
« Un massacre familial »
Grâce au diagnostic de cette spécialiste, le père et la mère ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Nancy, il y a quelques jours. Un soulagement qui n’efface pas plus de trois années de cauchemar. « Cela n’aurait jamais dû durer aussi longtemps. Le principe de précaution par rapport aux violences sur mineur a montré sa limite dans cette affaire. Cela a débouché sur un massacre familial », commente l’avocate du couple Me Strohmann.
Les parents qui se sont installés à Rambervillers et ont eu un autre enfant, envisagent d’attaquer les services sociaux et le CHU de Brabois. Mais l’essentiel est ailleurs, comme le rappelle la maman de Louna : « On nous a privés des premiers mots et des premiers pas de notre fille et tant qu’elle ne sera pas de retour chez nous, l’histoire ne sera pas finie

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2015/07/08/nancy-un-couple-accuse-a-tort-de-maltraitance

Aucun commentaire: