dimanche 27 septembre 2015

Avocate agressée : «Même si ça choque, on doit tout dire»

Jeudi matin, l'avocate Laetitia Pinazzi prend la parole, devant la chambre de l'instruction, à la cour d'appel, dans une affaire sensible de viol. Elle défend son client et poursuit sa plaidoirie. D'un seul coup, elle est agressée par une jeune fille de 17 ans, partie civile, qui est sortie de ses gonds. Blessée au visage, l'avocate raconte.
Que s'est-il passé lors de votre plaidoirie ?
Il était environ 11 h 15, jeudi. Sans rentrer au fond du sujet, car je suis tenue au secret professionnel, je venais de terminer ma plaidoirie lorsque la partie civile a fondu sur moi et m'a assené un coup de poing au visage. En quatre ans de barre, c'est la première fois que cela m'arrive. La personne a été interpellée et placée en garde à vue. Je souffre d'une déviation de la cloison nasale. J'attends de savoir si cela nécessite ou pas une opération.
Que vous inspire cette agression ?
La partie civile a sans doute été choquée par les propos tenus. Mais je n'ai fait que mon travail en défendant la partie adverse. Je condamne ce geste. Et à travers lui, c'est l'ensemble de ma profession et de toutes les personnes chargées d'une mission de service public qui est aussi touché. Cela aurait pu arriver à un juge ou à un policier. Même si je peux comprendre une telle réaction, je ne peux que la condamner.
Ce type de violence est rare ?
Au pénal, on côtoie une population souvent en difficulté sociale ou en détresse psychologique. Il y a une violence latente. Cela marque aussi qu'il y a moins de respect aujourd'hui pour l'institution judiciaire tout entière.
Cette affaire va-t-elle modifier votre façon de plaider ?
En tant qu'avocate, cela ne changer en rien ma façon de travailler. Et je continuerais comme je l'ai toujours fait. C'est notre travail d'avocat de dire des choses qui peuvent parfois être désagréables ou choquantes. Il faut prendre en compte l'intérêt de notre client. Les choses sont trop graves pour ne pas utiliser ce que l'on peut. Lorsqu'une personne est jugée, en quoi devrait-on modérer nos propos ?
On doit pouvoir tout dire ?
En principe, on ne fait pas de cadeau à la personne que vous défendez. La partie adverse doit pouvoir dire ce qu'elle veut, même si les propos peuvent paraître crus. Cette jeune fille va être défendue pour ce qu'elle a fait, par un de nos confrères, et c'est tout à normal.
Et si c'était à refaire ?
Je plaiderai de la même manière. L'avocat dit ce qui est dans l'intérêt de son client. Mes confrères feraient de même.

http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/27/2185463-avocate-agressee-meme-si-ca-choque-on-doit-tout-dire.html

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