lundi 21 septembre 2015

Par dépit, elle avait jeté des habits sur des bougies : 24 morts dans l'incendie

Condamnée à 3 ans de prison à la suite de l'incendie d'un hôtel parisien qui avait fait 24 victimes en 2005, une femme sera rejugée à partir de demain par la cour d'appel de Paris.
Ce soir-là, à l'hôtel Paris-Opéra, son compagnon veilleur de nuit ne lui prêtait pas attention. Énervée, Fatima, 31 ans, avait jeté des vêtements sur des bougies, en partant…
Son geste a entraîné la mort de vingt-quatre personnes, dont neuf femmes et onze enfants. La Cour d'appel de Paris rejuge à partir d'aujourd'hui celle qui est à l'origine de l'incendie le plus meurtrier dans la capitale depuis la Libération.
En première instance en 2014, le tribunal correctionnel avait condamné la responsable du sinistre, Fatima Tahrour, à trois ans de prison ferme pour «homicides et blessures involontaires», allant au-delà des réquisitions du procureur qui avait réclamé trois ans, dont deux fermes, à son encontre.
Lors de la nuit du drame, il y a dix ans, dans cet hôtel occupé par des familles étrangères et précaires, la jeune femme, compagne du veilleur de nuit Nabil Dekali, avait quitté le Paris-Opéra, énervée qu'il ne lui prête pas attention après l'avoir fait venir, préférant boire avec des clients et prendre de la cocaïne. En partant, elle avait jeté des habits sur des bougies placées au sol, dans la «salle des petits-déjeuners» où le couple s'installait la nuit sur une couche improvisée.
À leur arrivée sur place vers 02 h 30, les pompiers ont plongé dans «un véritable cauchemar». Un responsable des secours décrira «une scène de guerre, une pluie de corps qui s'était abattue sur la voie publique, des gens paniqués (qui) jetaient des enfants par la fenêtre».

À cause de l'alcool et de la drogue, il avait tardé à appeler les secours

À l'audience, Fatima Tahrour a reconnu avoir déclenché l'incendie, évoquant «un acte irréfléchi» dont elle n'avait pas mesuré les conséquences. Elle a affirmé n'avoir appris le drame que le lendemain. Si elle a exprimé regrets et remords, survivants et procureur ont déploré qu'elle n'ait jamais fourni d'explication «claire et honnête» sur sa responsabilité.
«Il vous était quasiment impossible de méconnaître le risque incendie» et «il est extrêmement probable qu'à tout le moins vous avez eu connaissance du départ du feu», lui avait lancé le président du tribunal le jour du jugement.
Pour son avocat Me Philippe Blanchetier, sa cliente devait certes «répondre de son acte mais dans la mesure de ses responsabilités» et ne pouvait «pas être la seule à répondre de ce drame épouvantable».
Dans cette affaire, le veilleur de nuit a également été condamné à deux ans de prison dont un avec sursis : sa prise d'alcool et de drogue avait, selon le tribunal, «altéré ses réflexes» et «fait perdre un temps précieux à l'arrivée des secours» qu'il n'avait pas immédiatement appelés, «aggravant ainsi les conséquences de l'incendie».
Son père, Rachid Dekali, gérant de l'établissement, a, lui, écopé de trois ans de prison dont un avec sursis, le tribunal estimant qu'il était parfaitement au courant de la suroccupation de l'hôtel, et même qu'elle était «volontaire» et «recherchée» dans «un but lucratif». Les deux hommes n'ont pas fait appel du jugement.
Le Paris-Opéra était occupé par des familles placées notamment par le Samu-Social. Soixante-dix-sept personnes étaient présentes dans les lieux pour une capacité d'accueil fixée à 62 personnes. Cependant, ni les pouvoirs publics ni les acteurs sociaux n'ont vu leur responsabilité engagée.

Un mois après l'incendie de la rue Myrha

Hasard du calendrier judiciaire, le procès se tiendra moins d'un mois après un autre incendie. Celui de la rue Myrha, qui a fait huit morts dans un immeuble du nord de la capitale. Il s'agissait de l'incendie le plus grave à Paris depuis 2005.
Cet incendie récent et l'émoi qu'il avait provoqué pourraient peser sur la décision du juge et donc, sur le verdict qui sera rendu lors du procès en appel de Fatima Tahrour.

http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/21/2181385-depit-avait-jete-habits-bougies-24-morts-incendie.html

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