jeudi 23 juin 2016

Coups de feu dans la baie vitrée à Monferrand-le-Château : «Je n’ai voulu tuer personne

Chemise noire, pantalon clair, le chef d’entreprise qui témoigne à la barre a l’air calme. Pourtant, il l’affirme : « Je revois les faits comme si c’était ce matin ».
Ce 30 septembre 2013, à 22 h 40, on sonne au portail. Lui rentre à peine du travail. « J’ai ouvert la baie vitrée et demandé qui était là. Une jeune fille m’a dit qu’elle venait d’emboutir ma voiture devant la maison, elle voulait entrer pour faire un constat. J’ai actionné la commande électrique d’ouverture du portail et j’allais à sa rencontre quand j’ai vu une ombre noire derrière elle, elle a déclenché les lumières du jardin. Un homme en noir, cagoulé, s’est précipité sur moi et m’a mis en joue. Je me suis enfui au salon, et j’ai voulu refermer la baie vitrée. Une balle a fait un trou dans la vitre, à 5 ou 6 cm de moi. Quelques secondes plus tard, il y a eu un deuxième tir, plus bas dans la vitre ». Lui descend les escaliers du sous-sol. Sa compagne courre se cacher, elle déclenche l’alarme. Son fils est dans la cuisine, il se protège derrière une porte de placard.

Beaucoup d’ADN

« J’ai vu un homme en noir, cagoulé, 1,80 m environ, mince ». Sa compagne donne la même description, l’adolescent, lui, l’a vu un peu plus grand, plus carré, avec un peu de ventre. La gendarmerie arrive immédiatement. L’agresseur et la jeune femme ont disparu. L’homme tente de comprendre. Il passe en revue les difficultés du moment : un divorce, un associé qui vient de lui céder ses parts… et le cercle des joueurs de poker. Lui a gagné 7 000 € la semaine précédente. Et 35 000 € quelques semaines avant. Est-ce que cela se sait ? Est-ce un mobile ? Tout n’a duré que trois minutes. Sur les bandes des caméras de surveillance apparaissent deux individus cagoulés et la jeune fille qui a sonné à la porte. Le lendemain, un automobiliste retrouve au lieu-dit La Belle Étoile, des gants, des menottes, un legging noir et deux armes, l’une neutralisée, sur le revolver deux munitions sont percutées.
L’ADN met à jour le profil génétique de Lucas Nasri et Houari Chaoui. Ils sont interpellés le 14 octobre. Leurs portables mettent les enquêteurs sur la trace d’une jeune fille mineure. Ses empreintes génétiques sont présentes sur l’interphone. Âgée de 15 ans au moment des faits, elle comparaîtra devant la cour d’assise des mineurs. Entendue, la jeune fille soutient que Lucas Nasri tenait l’arme. Subit-elle des pressions de la part d’Houari Chaoui, l’ami de sa sœur ? Les enquêteurs le pressentent, ils ne peuvent pas déterminer avec certitude qui tenait l’arme, l’ADN des deux compères étant présente sur les armes.
Dans le box des accusés, Houari Chaoui, aujourd’hui 27 ans, est seul. Lui fut placé en détention provisoire, Lucas Nasri, qui était sous surveillance électronique puis sous contrôle judiciaire, n’est pas venu à l’audience. C’est ensemble pourtant qu’ils devaient répondre de tentative de vol avec arme et tentative de meurtre précédé d’un autre crime.

L’intention de tuer ?

Depuis le début, Lucas Nasri nie avoir même été sur les lieux, il a « touché les armes dans une cave à Montrapon ». Houari Chaoui, aussi, aurait touché ces armes, à l’occasion. Lui reconnaît la tentative de vol et jure « qu’il n’a voulu tuer personne ». Pour la défense, Mes Pillot-Quenot et Schwerdorffer, tenteront de faire tomber l’inculpation de tentative de meurtre, considérant que les coups de feu visaient le système de vidéosurveillance, pas le propriétaire de la maison.
Reste que l’avocat général Vukadinovic note avec justesse l’inquiétante personnalité du prévenu. « Il présente une dichotomie radicale. C’est à la fois un personnage dont la vie est consacrée à la délinquance, et un personnage profondément blessé, fragile, qui se scarifie, fait des crises d’angoisse, pleure ». Effectivement, Houari Chaoui cumule 20 condamnations. Beaucoup de vols, de recels, d’extorsion. Mais son ex-petite amie et la mère de celle-ci racontent à la barre, avec tendresse et spontanéité, combien il est aussi doux, généreux, timide et réservé. Le jeune homme oscille entre ces deux réalités. De Lucas Nasri, 21 ans aujourd’hui, la cour apprend par l’enquêteur de personnalité que l’enfance choyée a sombré au départ de la mère, en 2008. Femme battue, elle quitte alors enfants et mari. Lui se suicide en 2010. Depuis, Lucas Nasri a multiplié les bêtises. Hier, son frère a expliqué : il a disparu parce qu’il était menacé. Il a en prime tenté de lui fournir, bien tardivement, un alibi. Personne n’est dupe.
http://www.estrepublicain.fr/edition-de-besancon/2016/06/23/coups-de-feu-dans-la-baie-vitree-a-monferrand-le-chateau-je-n-ai-voulu-tuer-personne

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