jeudi 22 décembre 2016

Correctionnel à Montpellier : il siphonnait les assurances-vie

U n ex-mandataire financier de 54 ans détournait l'argent de ses clients. Pas moins de 290 000 € en quatre ans.
"Où est passé l'argent ?, s'interroge encore le procureur de la République, Yves Micolet. 294 000 € même sur quatre ans, ça fait plus de 75 000 € par an, ça fait beaucoup. Je veux bien que vous ayez eu des dettes et quelques sorties mais c'est le triple de votre salaire ! Il y a là une mauvaise foi gênante."

Le pot aux roses est découvert en décembre 2012 

Face à lui, un ancien mandataire financier de la société Intuitu Patrimonia, gestionnaire de portefeuilles, en l'occurrence de contrats d'assurance-vie, poursuivi notamment pour abus de confiance et escroquerie. Le pot aux roses est découvert le 20 décembre 2012, lorsqu'un octogénaire dépose plainte auprès de la gendarmerie de La Grande-Motte. Ce veuf avait souscrit un contrat d'assurance-vie BNP Cardif en 1993, en espérant, à échéance, se constituer un complément de retraite. Un pécule géré par l'intermédiaire du prévenu, via sa propre société.
Quatre mois plus tôt, l'octogénaire, veuf, avait sollicité un rachat partiel de 6 000 € sur ses avoirs. Ne recevant pas un centime, il interroge directement l'assureur, Cardif. Oh surprise, il lui indique que son contrat est vide ! Pire, les documents signés sont en réalité des faux. "Dans un courrier, on lui a signifié qu'il ne restait plus que 166 € dessus alors qu'il devait contenir 196 166 € au relevé d'octobre 2012", relate Philippe Reynes, le président du tribunal correctionnel.
Intuitu Patrimonia est entendu. Il ne peut que constater les très nombreux retraits. Plus de 170 000 € en deux ans. Les enquêteurs remontent la piste des virements jusqu'à un compte appartenant au prévenu. Placé en garde à vue en janvier 2013, le Girondin, âgé de 54 ans, commence par nier. Puis admet la fraude au juge d'instruction, en révélant d'autres détournements relevant de l'escroquerie.

Il a floué son propre beau-père

Au préjudice de son propre beau-père par exemple. Titulaire lui aussi d'une assurance-vie auprès d'Intuitu Patrimonia et dont il a ponctionné sans vergogne 15 000 €. Un proche doublement humilié pour avoir fait innocemment la promotion des prouesses financières exceptionnelles de son gendre auprès de ses amis.
Un troisième s'est vu dépouiller de 26 000 €. La méthode : les chèques que le client confiait au prévenu pensant abonder son assurance-vie étaient en fait libellés à l'ordre de la société du mandataire. Pour une quatrième victime, c'est un total de 40 000 € qui est parti en fumée. Une cinquième, partie civile au procès, a ainsi perdu 1 800 € détournés d'une assurance-vie Generali Patrimoine.
"Il est machiavélique, il a utilisé des moments de grande faiblesse"
Reçus par le même mandataire puis versés sur un troisième compte à son nom. "A quel moment ça vous a pris de rentrer dans cette logique ?", interroge le juge. "J'avais pas mal de dettes depuis de nombreuses années, les huissiers me couraient après", répond-il. Pire, devenu le "confident" de l'octogénaire floué, auquel il aurait "rendu des services", il a trouvé logique de demander un retour d'ascenseur. Une version contestée par le fils de l'intéressé, aujourd'hui décédé. "Il est machiavélique, il a utilisé des moments de grande faiblesse. En 2011, j'ai perdu ma femme", témoigne une autre victime à la barre.
"Quand on prend de l'ordre de 70 000 € en une année, comment on peut espérer les rembourser ?", l'interroge, sceptique, le président. "Je n'ai pas de compte à l'étranger, je n'ai pas mené la grande vie. Ce n'est jamais allé au-delà de mes comptes, j'ai une voiture, une famille à nourrir, un loyer, je n'ai pas mené grand train de vie !" Il évoque l'achat d'une voiture, des frais de bouche.
Sans compter une dette de 140 000 € auprès d'huissiers. N'empêche, ajouter 100 000 € de plus à ses revenus en 2011, « on change de train de vie !", insiste le magistrat. "Je suis tombé dans une spirale je savais que je me ferai prendre tôt ou tard, j'essayais de repousser l'échéance", se défend-il.

Deux ans de prison ferme

Un engrenage qui ne date pas d'hier puisqu'il s'était déjà fait prendre pour abus de confiance en 2000. Ce que le gérant de la société-mère, Intuitu Patrimonia, ignorait visiblement, lui aussi partie civile. Pour Me Gérard Danglade, avocat de la défense, la situation n'est que le fruit d'une "défaillance des contrôles" de la part de ce cabinet. Me Cyril Malgras, celui qui demeure le plus lésé dans cette affaire est bien son client, le gérant d'Intuitu Patrimonia, dans un premier temps soupçonné de complicité.
Outre des rémunérations perdues, son client invoque la perte de confiance de ses partenaires assureurs qui refusent de retravailler avec lui. Le procureur de la République, Yves Micolet, remarque que les victimes n'ont toujours pas été indemnisées par le prévenu depuis 2013.
Le tribunal a suivi le parquet et prononcé quatre ans de prison dont deux avec sursis avec une mise à l'épreuve de trois ans. Il n'a désormais plus le droit d'exercer dans le domaine bancaire ou de la gestion de patrimoine. Parmi les parties civiles indemnisées, Intuitu Patrimonia recevra plus de 16 000 € de dommages et intérêts. Elle en demandait 50 000 €.

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