samedi 30 septembre 2017

Une expertise qui crée la controverse

« Amateurisme », « manque de professionnalisme » : c’est ainsi que les avocats de Murielle Bolle qualifient l’expertise psychologique de leur cliente dont certaines conclusions valent effectivement le détour.
En attendant le retour des investigations que Claire Barbier, la juge d’instruction, a demandé aux gendarmes concernant le témoignage de ce cousin qui affirme avoir été témoin des violences reçues par Murielle Bolle le 5 novembre 1984, alors que l’ado âgée de 15 ans venait d’accuser son beau-frère Bernard Laroche de l’enlèvement de Grégory, c’est l’heure des expertises psychologiques.
Placé sous contrôle judiciaire en Haute-Marne, entre Joinville et Chaumont, Marcel Jacob, 72 ans, mis en examen le 16 juin pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention suivi de mort », a rallié ce jeudi la cour d’appel de Dijon pour y être examiné par un psychologue. Les conclusions seront connues dans plusieurs semaines.
Celles de l’expertise psychologique de Murielle Bolle sont désormais au dossier et L’Est Républicain a pu les consulter. L’ex-adolescente, aujourd’hui âgée de 48 ans, a été examinée le 15 juillet dernier, alors qu’elle était incarcérée, par une psychologue clinicienne experte près la cour d’appel de Dijon.
En découvrant l’expertise, Me Jean-Paul Teissonnière, l’un des deux avocats de Murielle Bolle, avait estimé que la culpabilité était « tenue pour acquise, c’est caractéristique de ce dossier ».
Le conseil songeait très certainement à cette quatrième question posée à la psychologue : « Les dispositions de la personnalité ou des anomalies mentales ont-elles pu intervenir dans la commission de l’infraction et quels sont les éléments factuels et biographiques qui l’ont conduite au passage à l’acte ? ».

Vous aimez l’histoire-géo ?

Une telle formulation pourrait effectivement faire penser à un parti pris de la magistrate, censée instruire à charge et à décharge, mais, renseignement pris auprès de professionnels, elle correspond à ce qui se fait quand un expert psychologue est mandaté : « Oui. On demande toujours si les traits de personnalité ont pu conduire à la commission de l’infraction pour laquelle la personne est mise en examen », explique ainsi cet ancien juge d’instruction nancéien. « Mais force est de reconnaître que la formulation est un peu maladroite ».
« Moi, j’ai quand même vu des questions plus objectives », relève Me Christophe Ballorin, l’autre avocat de Murielle Bolle, qui assure que sa cliente « a eu l’impression que l’expert tentait davantage de la faire avouer plutôt que de comprendre qui elle était. On a donc encore eu un missi dominici qui venait au service de la nouvelle vérité de ce dossier, à savoir la participation de Murielle Bolle à l’enlèvement du petit Grégory. Par ailleurs, il nous apparaît quand même, et cela va faire l’objet d’une lettre d’observations que l’on va déposer en début de semaine à Madame Barbier, que cette expertise est extrêmement dirigée ».
L’avocat argumente : « Cela commence par les questions posées et cela finit par le fait, qu’en cinquième question, quand la juge demande à l’expert les éléments favorables à une insertion ou à une réinsertion, on n’a tout simplement aucune réponse… ».
Certaines interprétations laissent par ailleurs littéralement songeur. Murielle Bolle, dont on apprend que le QI est de 90 – « une intelligence dans la norme basse », n’aimait trop pas l‘école, et surtout pas l’histoire géographie, ce qui fait dire à la psychologue que « classiquement, on reconnaît que les enfants qui rejettent cette matière ont été confrontés à des histoires dans leur famille ».

Dessine-moi un arbre

Plus loin, c’est le « test de l’arbre ». Comme son nom l’indique, Murielle Bolle doit dessiner un arbre. Jusque-là, c’est simple. Ensuite, cela se complique. Car l’expert cogite dur. Très dur : « La présence d’une zone oblongue sur la surface du tronc peut attester, d’après l’index de Wittgenstein, d’un événement majeur, traumatique qui serait survenu dans la vie de l’intéressée entre 13,4 et 16,2 ans ». Nébuleux et diablement précis… Sans compter qu’il n’y a pas besoin de « l’index de Wittgenstein » pour savoir que la vie de Murielle Bolle a été bouleversée lorsqu’elle avait 15 ans.
« Pour nous, ce document est d’une pauvreté intellectuelle incroyable », réagit Me Ballorin. « Le tronc oblong, l’histoire-géo, le traumatisme avant 16,2 ans… C’est un truc de fou. On ne peut pas imaginer un seul instant que le traumatisme pourrait consister à avoir été emportée dans le maelström d’une affaire judiciaire hors-norme qui l’a broyée ? Nous dénonçons une absence de professionnalisme et l’amateurisme de ce rapport… ».
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