vendredi 6 octobre 2017

L'avocat de Murielle Bolle : "Cette affaire Grégory est une machine infernale"


Retrouvez ici les sept révélations du JDD sur l'affaire Grégory

Pour les gendarmes, c'est une certitude, "Bernard Laroche a enlevé Grégory Villemin" et Murielle Bolle, sa belle-sœur, était dans la voiture…
Leur raisonnement repose depuis toujours sur des données inexactes. C'est une thèse, pas une démonstration.

Avez-vous eu Murielle Bolle au téléphone cette semaine? Reste-t-elle sur sa position?
Elle était en larmes lundi quand je lui ai parlé. Mais elle reste combative. Elle a un poids sur la conscience, celui de porter une responsabilité dans la mort de Bernard Laroche. Elle m'a dit que jamais elle ne se pardonnerait d'avoir cédé aux gendarmes les 2, 3 et 5 novembre 1984. Elle n'a aucune raison d'en varier.

Les "questions" de l'avocat sur le moment de l'enlèvement

Il y a le témoignage caché de Claude Colin, l'amant de la fermière, qui a croisé une voiture montant chez les Villemin, avec « une rousse » comme passager…
Il y a aussi au dossier le témoignage d'un autre Colin, Bernard Colin, celui qui promène son chien devant chez les Villemin entre 17 h 05 et 17 h 15 et qui dit formellement qu'il ne voit ni la R5 de Christine Villemin ni le petit Grégory. C'est le seul témoin oculaire de ce 16 octobre 1984. D'ailleurs, dans le rapport AnaCrim, les gendarmes notent aussi qu'il y a un problème sur la façon dont est garée la voiture de Christine Villemin. Une fois elle est dans le garage, une autre fois sur la route. Comme si elle avait bougé. Sur toute cette séquence de l'enlèvement, je continue à me poser beaucoup de questions.

"Deux collégiens l'ont vue monter dans une voiture, mais il y en a aussi d'autres qui l'ont vue monter dans le bus.
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L'ancien maire de Lépanges a déclaré que lui aussi pense que la fermière Marcelle Claudon a bien vu Laroche ce soir-là…
C'est toujours l'homme qui a vu l'homme. Tout cet épisode a démarré par les déclarations de Charlotte Conreaux, qui est celle qui a acheté la maison des Villemin, celle du crime, pour être au cœur de l'énigme. Elle s'est investie d'une mission divine, qui consiste à retrouver les assassins de Grégory, elle ne vit que pour ça. C'est un témoin très partial.

Le chauffeur de bus n'a pas vu Murielle monter dans le bus ce soir-là…
Le juge Lambert a démontré que le chauffeur de bus, qui est le chauffeur des mardis, a confondu le 16 et le 23 octobre. Il a déclaré que Murielle était là le 23, or elle n'y était pas! Je sais bien qu'il y a aussi dans le dossier deux collégiens qui l'ont vue monter dans une voiture, mais il y en a aussi d'autres qui l'ont vue monter dans le bus.

Murielle Bolle, une adolescente immature à l'époque des faits

Les gendarmes de 1984 disent tous que la garde à vue de Murielle Bolle s'est déroulée correctement…
Ce n'est pas contradictoire avec ce que je pense : à savoir que les gendarmes de 1984 ont suggéré à Murielle ses réponses et qu'elle ne s'est pas rendu compte, sur le coup, de la portée de ce qu'ils lui faisaient dire. Il y a aussi au dossier le témoignage d'un gendarme qui a raccompagné Murielle chez elle et qui dit que c'était une gamine. Elle riait alors qu'elle venait de faire des déclarations terribles… Ce gendarme décrit une adolescente dont l'immaturité sautait aux yeux.

L'infirmière de la famille Bolle, enregistrée par Jean-Marie Villemin en 2007, assure aussi que Murielle lui a fait des aveux…
En 1989, interrogée par le président Simon, cette infirmière n'avait pas dit cela sur procès-verbal. Pourquoi l'aurait-elle tu en 1989 et déclaré en 2007? Cet enregistrement n'est pas crédible. Pour moi, l'infirmière ment, et dans le dossier, elle a beaucoup menti.

"La confabulation, c'est quand le cerveau confond des images vécues avec des images imaginées
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Pourtant son mari déclare qu'elle lui a toujours dit que Murielle avait avoué sur la tombe de sa mère…
L'infirmière invente quelque chose dont elle est peut-être persuadée mais qui n'a jamais eu lieu. Chez le cousin qui s'est manifesté cet été, on assiste au même dysfonctionnement mental. Il n'était pas là chez les Bolle le soir de 5 novembre 1984, mais il est certain d'avoir assisté à la scène! Les experts appellent cela la confabulation. Quand le cerveau confond des images vécues avec des images imaginées.

La juge Claire Barbier suspecte la présence d'une deuxième équipe, qui après l'enlèvement aurait "récupéré" Grégory…
C'est une pure construction intellectuelle. Ils ont besoin d'une deuxième équipe, sinon cela ne marche pas. Ils font donc une analyse de caractère pour voir qui pourrait en faire partie et ils tombent sur les époux Jacob. Mais ce genre de raisonnement, ce n'est pas du droit pénal, c'est de l'enquête à la tête de l'emploi. Tout cela ne me paraît pas sérieux du point de vue de la procédure pénale. On ne condamne pas les gens parce que leur emploi du temps pourrait être compatible avec un assassinat, ce qui, si j'ai bien lu le dossier, n'est même pas le cas.

L'avocat de Murielle Bolle va déposer une requête en nullité

Et l'expertise graphologique disant que Jacqueline Jacob pourrait être l'auteure de deux lettres anonymes de 1983?
Dans ce dossier, j'ai vu 7 experts à la Cour de cassation venir dire à la barre de la cour d'assises de Dijon que Christine Villemin était l'auteure de la lettre de revendication du crime, celle du 16 octobre 1984. Restons prudents…

Toujours cette autre thèse sous-jacente. Si ce n'est pas Laroche, c'est Christine Villemin…
C'est vrai, il y a un fonctionnement pervers propre à ce dossier. Cette affaire est une machine infernale binaire. On se disculpe toujours en invoquant l'autre scénario. J'essaie de tomber le moins possible dans le piège.

"Depuis 2008, on utilise des pièces qui avaient précédemment été annulées, ce qui est strictement interdit.

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L'avocat de Marcel Jacob a demandé mercredi que l'enquête avance vite. Vous aussi?
Je vais déposer d'ici à la fin du mois une requête en nullité pour faire annuler une série de pièces, à commencer par les aveux de Murielle en 1984. J'ai aussi remarqué que depuis 2008 on utilise des pièces qui avaient précédemment été annulées, ce qui est strictement interdit. J'envisage donc de déposer un dossier devant le Conseil supérieur de la magistrature, puisque dans ce cas-là des poursuites disciplinaires sont prévues. J'estime aussi que la mise en examen de Murielle Bolle doit être annulée. Nous verrons bien. Sachant que dans cette affaire c'est la chambre de l'instruction de Dijon qui va devoir apprécier des actes commis par la chambre de l'instruction de Dijon, je ne me fais guère d'illusions. Nous irons ensuite devant la Cour de cassation. C'est là que tout se décidera. Si la Cour de cassation me donne raison, la cour d'appel de Dijon sera dessaisie.

Cela équivaudrait à un enterrement. Saura-t-on un jour qui a tué cet enfant?
Je vous réponds par la formule du juge Lambert : tant qu'on cherche dans la mauvaise direction, il y a peu de chances qu'on trouvé

  1. Société http://www.lejdd.fr/Societe


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