mardi 23 janvier 2018

Assises à Perpignan : «J’ai envie de me souvenir de mon père quand il était heureux»

Assassinat. Sa fille et son ex-épouse ont livré hier leurs souvenirs de Laurent Boury, exécuté en septembre 2014.


« Mon père, il a beaucoup de défauts mais il reste mon père. Il ne méritait pas ce qui lui est arrivé ».
Lundi, à la barre de la cour d’assises des P.-O., avec un courage et une bienveillance admirables, la fille unique de Laurent Boury, ancien directeur commercial de NRJ assassiné en 2014 à Espira-de-l’Agly, a oscillé entre présent et imparfait. Comme pour garder un peu plus longtemps encore la mémoire de ce « papa » dont elle ne cherche pas à dissimuler les failles mais dont elle ne veut pas oublier les moments de bonheur.

Elle avait 10 ans quand ses parents se sont séparés. « Un divorce très difficile, raconte ce petit bout de femme de 23 ans, étudiante en communication à Bordeaux. Ça s’est très mal passé. Je voyais mon père un dimanche sur deux de 10 h à 17 h. Il avait des problèmes d‘alcoolisme, les relations étaient compliquées car je ne comprenais pas les choses qui le tourmentaient. Quand il était avec sa compagne, qui avait le même penchant, ça ne se passait pas toujours très bien. Je ne passais pas des moments très agréables. Un jour, j’ai coupé les ponts pour mon bien-être. De 16 à 20 ans, silence radio. Mais j’ai eu la chance de revoir mon père à deux reprises. On avait prévu de se rencontrer à nouveau mais c’était compliqué, je voulais prendre mon temps. On était quand même en contact sur Facebook, il m’envoyait des messages auxquels je répondais quasi systématiquement. J’avais envie de croire qu’il allait mieux. Je suis très heureuse de lui avoir parlé avant qu’il se passe tout ça. Et j’ai envie de me souvenir de mon père à l’époque où il était heureux, où il m’a appris à faire du vélo ou à jardiner, ce qu’il adorait faire. Je sais qu’il va me manquer surtout dans les moments importants de ma vie. Il ne pourra pas m’emmener à l’autel le jour de mon mariage. »

« C’était quelqu’un de bien »

Dans la même dignité, la mère de la jeune femme a tenu à venir rappeler à son tour le temps de « la belle vie » avec celui est resté son mari pendant 17 ans. « Il a gravi très vite les échelons au niveau professionnel. Il avait une bonne situation, moi aussi. Il était brillant, très apprécié par sa hiérarchie, ses collègues. On avait une grande maison. Des amis. Ensuite il a enchaîné les dépressions. On l’a diagnostiqué bipolaire. Et, à la mort de sa maman, il a ajouté aux médicaments l’alcool et c’est devenu insupportable à vivre. Il a enchaîné les cures, il a perdu son emploi, il s’est lancé dans un magazine qui ne marchait pas très bien. Il faisait du chantage au suicide. Plusieurs fois nous avons eu les pompiers et les gendarmes à la maison. L’alcool détruit une famille. J’ai fui le domicile conjugal avec ma fille. Il était hospitalisé et c’est là qu’il a rencontré sa compagne avec qui il a eu une relation amoureuse et qu’il a installée dans notre maison. Ils étaient tous les deux très alcoolisés, et il y avait des bagarres. À partir de là, je n’ai plus eu aucun contact avec Laurent mais j’avais des nouvelles par mes amis. J’ai su qu’il n’avait jamais rebondi. Il a eu un magasin où il vendait du jambon, ça a été un échec. En septembre 2014, ma fille m’a appelée pour me dire que son père avait disparu. Nous sommes allées à l’appartement récupérer le chat et ensuite à la gendarmerie. Puis, les gendarmes sont venus m’apprendre qu’ils avaient retrouvé un corps à Espira-de-l’Agly et nous avons appris qu’il avait été assassiné. C’était quelqu’un de bien. Je me dis que c’est dommage, il avait tout pour être heureux...»

Plaidoiries, réquisitions et verdict attendus aujourd’hui mardi.


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