lundi 25 juillet 2011

Un an après, la vérité avance dans l'affaire Cottrez

Jeudi dernier, à la prison de Sequedin où elle est écrouée depuis le 29 juillet 2010, Dominique Cottrez apprenait la prolongation de six mois de sa détention provisoire, au terme d'une audience d'une heure par visioconférence face au juge des libertés et de la détention.

Ultime épisode judiciaire en date d'un travail d'instruction mené dans le huis clos du cabinet de la juge Céline Marilly, à Douai. Depuis un an et les terribles aveux de l'aide à domicile aujourd'hui âgée de 46 ans, la jeune juge fait face à une femme mise en examen pour homicides volontaires sur mineur de moins de 15 ans. Une femme qui depuis un an, d'après Me Carlier, son avocate avec Me Berton, « travaille à la bibliothèque du centre de détention, a perdu 25 kilos et commence à accéder au remords et à la prise de conscience » de la gravité des faits.
Le tournant du 2 février
Avec un tact et une patience qui contrastent avec la montée de fièvre médiatique des premiers jours de cette affaire d'infanticides, probablement la plus importante jamais connue en France, la juge Marilly, aidée d'experts psychiatriques reconnus comme Roland Coutanceau, est parvenue à se faire livrer des clés pour comprendre l'incompréhensible. Notamment au cours d'une audition, le 2 février dernier, qui a marqué un « véritable tournant », aux yeux de Me Carlier. Ce jour-là, Dominique Cottrez révèle avoir été violée par son père. Un inceste qui aurait débuté à ses huit ans et qui se serait prolongé très tard, dans le cadre de relations cette fois « librement consenties » , au-delà du mariage de Dominique Cottrez, en 1985. « On le pressentait, explique Me Carlier. Les psychologues qui l'avaient vue avant cette révélation ne l'écartaient pas. Et les psychiatres qui l'ont vue après estiment que les faits commis peuvent être liés à cela ». Aucun élément n'est toutefois venu corroborer cette version, et les analyses ADN ont montré que tous les nouveau-nés étaient bien les enfants de Pierre-Marie et Dominique Cottrez.
Reste que pour la défense, ce contexte ouvre de nouvelles perspectives. « Cela explique son rapport au corps, qui est crucial pour comprendre cette affaire », insiste Me Carlier. « C'est une femme qui souffre d'une extrême obésité, près de 150 kilos. Elle se cachait dans un corps qu'elle n'accepte pas et qui était devenu un objet pour les autres, son père et son mari. Tout le monde l'a exploitée. Or on le sait, l'obésité peut être un moyen d'échapper aux hommes. D'ailleurs, elle l'a dit pendant une de ses auditions : "Si je n'avais pas été obèse, j'aurais été une femme normale " ». Une femme qui ne se considère pas comme une femme, « humiliée » par des médecins au cours de ses deux premières grossesses , et qui en conserve le traumatisme au point de ne pas s'imaginer mère lors des huit suivantes. Tout converge pour expliquer le drame selon Me Carlier.
Zones d'ombre
Pour autant, toutes les zones d'ombres n'ont pas été levées pendant cette instruction. D'abord, on ignore toujours l'identité de la personne qui a enterré les deux premiers cadavres. Durant ses auditions, cette dernière a affirmé que ce n'était pas elle et n'a jamais dit que c'était son père qui habitait là, bien que celui-ci était « au courant de la présence de deux sacs au grenier ».
Plus grande encore est l'incertitude autour du rôle exact de Pierre-Marie Cottrez. En tout cas aux yeux d'Éric Vaillant, procureur de la République, qui a réclamé à quatre reprises sans succès sa mise en examen pour recel de cadavre et non-dénonciation. Dès le début de l'affaire, le parquet s'est toujours montré sceptique sur le fait que l'époux n'ait rien vu ni rien senti, alors que certains cadavres étaient entreposés un temps dans la chambre conjugale. « Ces quatre refus de la juge nous confortent, estime Pierre-Jean Gribouva, avocat de Pierre-Marie Cottrez. Le transport sur les lieux a montré qu'il était possible de n'avoir rien vu. Les psychologues le disent aussi. Et l'affaire Courjault a démontré aussi que le père pouvait ne rien savoir ». Au demeurant son client, dit-il, « est un homme qui par caractère se laisse un peu vivre. Il va travailler et délègue beaucoup d'aspects de la vie domestique et intime à sa femme ». Dominique Cottrez a toutefois laissé entendre qu'elle doutait que son mari n'ait pu rien voir. Quoi qu'il en soit, c'est aussi un des motifs du maintien en détention provisoire de Dominique Cottrez : empêcher que les deux époux se concertent.
De son côté, Éric Vaillant a fait appel de la décision de ne pas mettre en examen le mari. « Il est important de laisser éventuellement à la cour d'assises la possibilité de voir comparaître tous les protagonistes », insiste le procureur. Une manière pour le représentant de la société d'éviter un éventuel procès tronqué par l'absence sur le banc des accusés d'un personnage clé de l'affaire. La chambre de l'instruction examinera cet appel mi-septembre. Le temps de l'instruction touche à sa fin, mais il reste encore un bout de chemin à parcourir pour accéder à une forme de vérité dans cette affaire décidément « hors norme ». http://www.nordeclair.fr/Actualite/2011/07/25/un-an-apres-la-verite-avance-dans-l-affa.shtml

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