lundi 25 juillet 2011

Amanda Knox, une coupable trop idéale

Celle que ses matons italiens surnomment tendrement "Bambi", vient de fêter ses 24 ans. C’est le 4ème anniversaire qu’Amanda Fox célèbre derrière les barreaux. A 10.000 kilomètres de chez elle, dans la prison des femmes de Capanne, près de Pérouse, cette petite ville médiévale du centre de l’Italie où elle était venue en échange universitaire. Mais à Seattle, sa ville natale, le sort de l’étudiante américaine - condamnée à 26 ans de réclusion criminelle pour l’assassinat en 2007 de sa colocataire britannique Meredith Kercher, retrouvée à demi-nue, la gorge tranchée, dans leur appartement -, était dans tous les esprits ce 9 juillet. Un concert avait même été organisé en son honneur par un comité d’amis, de proches et de riverains, unis dans leur indéfectible soutien. "Nous ferons tout pour la ramener à la maison", affirme son père Curt Knox, qui avec son ex-femme, Edda, a tout sacrifié pour la défense de leur fille. "Tant que nous n’aurons pas entendu le juge prononcer le mot "innocente", nous continuerons à nous battre", assure l’inspecteur comptable de l’Opéra de Seattle, dont tous les biens ont du être hypothéqués pour couvrir les frais de ce combat juridique, outre-Atlantique.
La soirée des amis d’Amanda, relayée par une page Facebook, était doublée d’une collecte de fonds. Car Amanda, qui n’a jamais cessé de clamer son innocence, ne désespère pas de recouvrer la liberté. Avec son ex-petit ami italien Raffaele Sollecito, rencontré à un concert Schubert six jours avant les faits et condamné à 25 ans de prison pour le même meurtre, elle a entamé une procédure d’appel en novembre dernier. Et de l’avis de plusieurs journalistes américains, un véritable revirement est entrain de s’opérer en faveur de ceux que la presse italienne a baptisé "Les diaboliques de Pérouse".

Absence de motif, de témoin et d’élément de preuve

Deux experts médico-légaux indépendants nommés par le juge ont rendu leurs conclusions fin juin. Un rapport de 145 pages, accablant pour l’accusation, qu’ils défendront lundi devant la Cour. Leur contre-expertise conclut à l’irrecevabilité des éléments de preuve, les traces ADN ayant été contaminées suite à de nombreuses négligences lors de leur collecte et manipulation, et leur quantité étant trop faible aux yeux des normes internationales pour ne pas risquer une analyse erronée. "Si les laboratoires se mettent à accepter d’analyser une si petite quantité d’ADN au titre d’élément de preuve, nous devenons tous des suspects potentiels !", ironise Greg Hampikian, directeur de l’Idaho Innocence Project, l’un des 50 centres aux Etats-Unis dont la mission depuis 1992 est de démontrer, via des tests ADN, l’innocence de personnes condamnées à tort. Cet expert médico-légal et un ancien du FBI, Bruce Bardowle, qui ont travaillé pro bono pour les avocats d’Amanda en 2009, étaient parvenus aux mêmes conclusions mais le procureur avait refusé de les joindre au dossier.
"La bonne nouvelle pour la défense", explique la journaliste italo-américaine Candace Dempsey, auteur de l’un des huit ouvrages publiés sur l’affaire, "c’est que le président de la cour d’appel est réputé intègre". A contrario du procureur Giuliano Mignini, inculpé dans le cadre d’une autre affaire pour conduite professionnelle inappropriée, dont fuites à la presse et mise sur écoutes de journalistes hostiles. Selon le juriste italien, connu pour voir l’œuvre de Satan partout, le meurtre de Meredith a suivi une nuit d’orgie, d’alcool et de drogue qui a mal tourné. La belle "ingénue" américaine, éduquée chez les jésuites, est entrain de payer cher sa naïveté, relevait le mois dernier le magazine Rolling Stone. Sous ses airs d’hippie au visage d’ange, son comportement déluré a été jugé "inapproprié" par la police locale, dont la presse à scandale s’est vite fait l’écho. Six jours après les faits, et en dépit de l’absence de motif, de témoin et d’élément de preuve quant à la présence d’Amanda et de Raffaele sur les lieux du crime, le procureur décrétait le dossier "clos".

"Une honteuse mascarade"

L’arrestation deux semaines plus tard du suspect n°1, un petit dealer de drogue ivoirien dont la salive, les empreintes digitales et le groupe sanguin ont été identifiés parmi les traces ADN collectées, n’a rien changé. Rudy Guede a vu sa peine réduite de 30 à 16 ans en appel, après avoir affirmé qu’Amanda et Raffaele étaient les auteurs du meurtre. "Une honteuse mascarade" , lâche Michael Heavey, dont la fille aînée était au lycée avec Amanda. Ce juge de la Cour supérieure du comté de King, à Seattle, a écrit en juin en sa qualité de simple citoyen à Barack Obama pour l’alerter sur les 7 violations des droits de la jeune Américaine commises par la justice italienne, dont le refus de lui accorder l’assistance d’un avocat et d’un interprète après son arrestation. Des manquements, qui selon Michael Heavey, auraient du interpeller l’ambassade américaine à Rome. "Nous faisons de notre mieux", a répondu le département d’Etat. En Italie, un groupe de 11 parlementaires a appelé le ministre de la Justice à ouvrir une enquête, et le directeur de l’association Italie/USA a écrit au président italien pour lui signifier son inquiétude. Giorgio Napolitano a répondu qu’il suivait de près "les développements de cette affaire complexe", dont le verdict devrait être connu à l’automne.

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