vendredi 9 avril 2010

La dernière carte d'Omar Raddad

Omar Raddad

"Je ne vous demande pas grand chose, je veux un deuxième procès, toute la France le demande. Je sais que je pourrais être condamné à perpétuité, mais c'est moi qui prends le risque."

En 1994, Omar Raddad avait été condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de sa patronne Ghislaine Marchal, une riche veuve de 65 ans. Une inscription en lettres de sang, "Omar m'a tuer", trouvée près du cadavre avait mis les enquêteurs sur sa trace.
Ce dossier a donné lieu à une énorme mobilisation médiatique. Des intellectuels et même le roi du Maroc ont pris fait et cause pour le jardinier marocain qui de son côté a toujours clamé son innocence. Les scénarios les plus fous ont été proposés dans de nombreux ouvrages mais aucun n'a conduit à une piste sérieuse.
En 1998, le Président, Jacques Chirac accorde même sa grâce présidentielle ce qui permet à M.Raddad d'être libéré mais néanmoins, elle n'efface pas sa condamnation.
Au mois de septembre 1998, lorsque M.Raddad retrouve la liberté, il a déjà effectué sept ans de prison. En janvier 1999, il dépose une requête en révision espérant ainsi, obtenir un nouveau procès, seul susceptible de le réhabiliter.


Les éléments nouveaux.
Toute la difficulté pour son avocat, Maître Vergès sera de convaincre les magistrats que de nouveaux éléments sont apparus depuis son procès de 1994 et qu'ils sont " de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné ".
Les deux éléments nouveaux présentés par la défense étant des expertises graphologiques ainsi qu'une analyse génétique.
Les expertises graphologiques concernent les célèbres accusations posthumes trouvées dans le sous-sol de la villa "Omar m'a tuer" et "Omar m'a t" écrites avec le sang de Mme Marchal.
Ici, deux thèses s'affrontent :
Pour les enquêteurs, dans un dernier sursaut, la victime aurait voulu avant de mourir désigner son assassin alors que pour la défense, le véritable meurtrier aurait utilisé la main de Mme Marchal pour faire accuser le jardinier.
D'où l'importance de connaître le véritable auteur du message :
De nombreuses expertises ont déjà eu lieu. Les premières estimaient mais avec une probabilité de deux-tiers, que l'auteur du message était bien madame Marchal. Les dernières experts ont déclaré quant à eux, qu'il était impossible d'identifier le véritable auteur de ces inscriptions.
Quant à l'analyse génétique, elle n'avait pas été utilisée lors de la découverte du corps de Mme Marchal puisqu'en 1991, cette technique n'en était alors qu'à ses premiers balbutiements.
En décembre 2000, le laboratoire de police scientifique découvre que près des inscriptions sanglantes, il y a deux ADN masculins inconnus qui ne sont pas ceux d'Omar Raddad. Pour Maître Vergès, c'est la preuve de l'innocence de son client et de la présence d'un tiers, au moment du crime.
Mais en fait, rien ne prouve que ses traces soient vraiment celles de l'assassin. Elles peuvent fort bien avoir été déposées avant ou après le meurtre. Les portes ont été manipulées de nombreuses fois et ont même été présentées devant les jurés de la cour d'assises. Quant aux traces d'ADN trouvées sur le chevron, elle ne sont pas identifiables.

La décision favorable de la commission de révision
Le 25 juin 2001, la commission chargé de filtrer les demandes, avait décidé de saisir la cour de révision au motif que la présence sur les lieux du crime "d'un ADN masculin différent de celui d'Omar Raddad" constituait un élément nouveau. Toutefois, elle remarquait que ces ADN masculins pourraient très bien être ceux des "enquêteurs, experts et journalistes" qui ont manipulé les portes portant les traces sanglantes durant l'enquête et le procès.
Quant aux conclusions des expertises en écriture, la commission relevait que ces dernières sont très souvent fluctuantes dans les dossiers criminels.
Quant aux autres arguments présentés par la défense, ils ont été définitivement écartés par la dite Commission. Il s'agissait des mises en cause par Maître Vergès de proches de la victime, notamment du fils de Mme Marchal suspecté d'avoir de mauvaises relations avec sa mère. Il a été mis hors de cause, les magistrats estimant alors que le seul témoignage apporté dans ce sens était contredit par "l'ensemble des autres témoignages".
Ils ont également écarté, comme élément nouveau, la mise en cause de l'employée de maison de la victime. Enfin, la commission de révision a estimé qu'il n'y avait aucune incertitude nouvelle quant à la date exacte du meurtre et sur la possibilité de barricader de l'intérieur la porte de la chaufferie.

La synthèse présentée à la Cour
Ce dossier simple au démarrage est devenu très compliqué voire très obscur au fil du temps. Une synthèse en a été présentée à la cour par le conseiller rapporteur, Yves Corneloup.
Selon ce dernier, il apparaît que le dimanche 23 juin 1991, Ghislaine Marchal qui vivait seule dans sa villa La Chamade, sur les hauteurs de Mougins dans les Alpes-Maritimes, s'apprête à aller déjeuner chez des amis voisins M. et Mme Koster.
A 11 h 48, elle termine une conversation téléphonique avec une de ses amies qui doit venir lui rendre visite le lendemain.
A 13 h 30, s'interrogeant sur son retard, les Koster passent un coup de fil à la villa mais le téléphone ne répond plus. Le lendemain, le corps de Ghislaine Marchal est découvert dans la chaufferie du sous-sol.
Les dernières heures de Mme Marchal fourniront les premiers éléments essentiels de ce dossier. Les examens des légistes concluent à une mort intervenu le dimanche 23.
La veille au soir, Omar Raddad avait changé son emploi du temps. Le dimanche 23, il travaillait chez Madame Pascal, dans une propriété voisine. Ce changement de planning n'était connu que de lui et de son autre patronne. Censé ne pas être dans les parages, on voit mal comment l'assassin aurait pu savoir qu'il pouvait compromettre Omar Raddad et organiser une mise en scène susceptible de le faire accuser.
Enfin, l'alibi présenté par le jeune Marocain - un retour chez lui pour déjeuner - n'a pas été confirmé par les différents témoins.
Suite aux constatations faites dans la cave et sur le corps de Mme Marchal, les experts estiment que celle-ci a connu une agonie, d'" au moins quinze à trente minutes ". Ce laps de temps aurait été suffisant pour écrire à deux reprises avec son sang, les deux messages accusateurs : " Omar m'a tuer " et " Omar m'a t ".
Et, enfin avant de mourir, elle se barricade afin d'empêcher tout retour de son agresseur en bloquant la porte de la cave avec un lit de camp et une barre de fer. Là encore, et toujours, selon les experts, ce dispositif n'a pas pu être mis en place de l'extérieur. En outre, lors des diverses reconstitutions, personne n'a jamais pu sortir du sous-sol après avoir mis en place le même système de blocage de la porte. Ce qui tenterait à exclure toute mise en scène et qui prouverait que madame Marchal était effectivement seule lorsqu'elle a écrit " Omar m'a tuer ".


L'avocat général ne croit pas à l'innocence d'Omar Raddad.
L'avocat général, Laurent Davenas a écarté successivement les éléments apportés par la défense car ils ne permettent pas selon lui, de douter de la culpabilité du Marocain.
En ce qui concerne les traces d'ADN masculin retrouvées sur la porte, et qui ne sont pas celles d'Omar Raddad, il admet qu'elles "constituent un fait nouveau inconnu de la juridiction au jour du procès mais il considère que "le demandeur ne peut pas en tirer profit".
Le magistrat précise qu'ils "ne sont pas la signature de l'innocence d'Omar Raddad. Ils ne sont que la trace d'une 'contamination' par des personnes étrangères à l'affaire qui ne peut pas faire naître de doute sur les charges (…) tant les charges pesant sur Omar Raddad continuent de peser".
Quant aux expertises graphologiques, l'avocat général a estimé que " Si intrinsèquement elles font naître un doute, ce doute est effacé si on le confronte aux éléments de l'enquête, de la procédure et du débat ".
Vous noterez dit-il en s'adressant à la Cour "que si les deux experts affirment qu'il n'est pas possible d'identifier le scripteur (...) ils n'ont jamais exclu que la victime puisse être le scripteur". En outre, il a rappelé que l'incertitude des expertises graphologiques avaient déjà fait l'objet de discussions lors du procès en 1994.
Le magistrat a ajouté que "S'il ne suffit pas à l'accusation de poser un postulat de culpabilité pour accuser, il ne suffit pas davantage de poser un principe d'innocence pour être innocenté".
M. Davenas a affirmé avoir la conviction "qu'Omar Raddad n'a pas été la proie idéale d'une cour d'assises, qu'Omar n'est pas la construction d'un coupable", avant d'ironiser sur un dossier dans lequel la Cour est confrontée "à un salmigondis d'expertises privées aux affirmations approximatives, contradictoires ou erronées mais toujours péremptoires".
L'avocat général a conclu qu'"Au bénéfice d'Omar Raddad, il n'y a pas d'éléments nouveaux convaincants. Contre Omar Raddad, il y a des charges. Je vous demande le rejet de la requête" .

Les parties civiles demandent le rejet de la demande.
La famille de la victime reste convaincue de la culpabilité de M.Raddad. "Si on croit en l'innocence d'Omar Raddad, on croit en une mise en scène machiavélique", a estimé Me George Kiejman, le défenseur de la famille de Mme Marchal. Selon l'avocat "les expertises génétiques sont moins nouvelles que ce que Me Vergès a bien voulu nous faire croire". L'Ancien Ministre présenta devant une cour attentive, le scénario de ce dimanche 23.
Ce dimanche matin, Ghislaine Marchal est encore en peignoir lorsqu'elle descend régler dans sa cave, le dispositif d'entretien de sa piscine. Elle y est surprise par son jardinier qui lui réclame une fois de plus, une avance sur salaire. Sa patronne refuse, le ton monte, peut-être même l'insulte-t-elle. Sous l'effet de la colère et de l'humiliation, Omar Raddad frappe. D'abord avec un chevron trouvé sur place, puis avec une lame effilée, un couteau qui ne sera jamais retrouvé.
La défense souligne également que des témoins ont attesté qu'Omar Raddad s'était vu refuser avant le crime, une avance d'argent ce qui donna lieu à un violent échange verbal entre eux. L'enquête a montré également qu'Omar Raddad avait besoin d'argent pour rencontrer des prostituées et pour jouer au casino des sommes relativement importantes que ses faibles revenus ne lui permettaient pas toujours.
Me Georges Kiejman a également brocardé les "diversions, fantasmes, approximations, effets de manche, manoeuvres odieuses" de maître Vergès. "Assez de poudre aux yeux. Soit on croit possible une mise en scène, soit on ne la croit pas possible et on doit s'incliner devant l'accusation terrible de la victime qui a consacré ses dernières forces à désigner son assassin."
Il a souligné également qu'à aucun moment de l'enquête, du procès ou de la procédure de révision, il n'avait pu être démontré qu'il était possible de mettre en place de l'extérieur le dispositif utilisé pour barricader la porte.
Pour Maître Kiejman la victime a donc désigné elle-même son meurtrier : "Si on tient pour définitivement acquis que le meurtrier n'a pas pu barricader la porte et sortir, cela ferme la voie à toute tentative de révision. Est-ce qu'on a besoin d'expertises pour avoir la conviction profonde que seule madame Marchal a pu dénoncer son assassin ?" a-t-il demandé aux magistrats.
"La cour d'assises des Alpes-Maritimes ne s'est pas trompée lorsqu'elle a condamné Omar Raddad" a insisté l'avocat en soulignant qu'il n'était "pas facile de s'opposer à une innocence si tapageusement démontrée".

Le doute doit profiter à l'accusé
Maître Vergès est revenu longuement sur les failles et les insuffisances de l'enquête : "Si on croit en l'innocence d'Omar Raddad, on croit en une mise en scène machiavélique" a-t-il plaidé en expliquant à la Cour à quel point la vision des portes ensanglantées avait fait basculer le procès en 1994. "Omar Raddad veut un nouvel examen, il ne vous demande pas de l'innocenter" a rappelé Me Vergès. Il a tenté de démontrer l'intérêt des nouvelles expertises et notamment de celles concernant l'inscription en lettres de sang dont on n'est plus certain qu'elles émanent de la victime : "Qui a écrit le message? Est-ce la mourante ou est-ce un manipulateur qui a voulu égarer la justice?" demande-t-il. Il évoque également, les traces d'ADN trouvées sur les lieux du crime mais qui n'appartiennent pas à son client en faisant remarquer que le fait qu'Omar Raddad se soit soumis à une expertise génétique est un élément plaidant en sa faveur.
L'avocat a réclamé un supplément d'information pour savoir si l'ADN ne pouvait pas provenir des magistrats, experts, avocats ou journalistes qui ont pu manipuler ces portes : "Les certitudes sur lesquelles la cour d'assises à fondé sa condamnation n'existent plus. Le doute doit profiter à l'accusé et remplacer la pseudo-certitude" a estimé Me Vergès, qui a délaissé les accusations qu'il proférait à l'encontre du fils de la victime.
Quant à Omar Haddad, âgé aujourd'hui de 39 ans, il s'est longuement exprimé devant la cour se disant " prêt à mourir pour la vérité " et rappelant qu'il " avait fait 45 jours de grève de la faim qu'il avait tenté de mettre fin à ses jours en avalant des rasoirs. Puis il a présenté à la cour de façon un peu théâtrale la photo des portes : "On a dit que celui qui a fait ça devait être très fort. Oui, il est très fort. Il a tué Mme Marchal et il m'a tué moi-même et toute ma famille" a-t-il lancé. " Je vous le jure sept fois, ce n'est pas moi qui ai tué Mme Marchal. Je vous le jure que je ne suis pour rien dans cette affaire" a-t-il déclaré en levant la main droite. "Je ne vous demande pas grand chose, je veux un deuxième procès, toute la France le demande. Je sais que je pourrais être condamné à perpétuité, mais c'est moi qui prends le risque."
La décision de la Cour devrait être connue le 20 novembre prochain. Mais elle n'est pas chargée de dire si Omar Raddad est coupable ou innocent, mais simplement s'il existe un nouvel élément suffisant pour justifier un nouveau procès.
Elle peut également refermer définitivement le dossier ou encore décider d'un supplément d'enquête. Maître Vergès semblait jeudi décidé à préparer une nouvelle procédure. Il a annoncé à l'audience son intention de saisir la Cour européenne des droits de l'homme.

2 commentaires:

Beb'R a dit…

"Omar l'a tuée ; Vérités et Manipulations d'opinions" du Capitaine Georges CENCI sur http://omarlatuee.free.fr

Anonyme a dit…

Omar est innocent, c'est cruel de blamé un homme innoncent, la justice est corompu, vous avez détruit la vie d'Omar et sa famille. par contre Omar vous devrier passer a autre chose et ''vivre'' enfin votre vie. Je crois que vous ne devriez pas faire un 2e proces. Faites votre vie enfin, respirez le bonheur si possible avec votre famille, écoutez le chant des oiseaux, promenade dans la nature. Passez a autre chose.