L’ex-juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière avait arrêté et renvoyé devant le tribunal l’assassin du Premier ministre iranien.
La justice, si elle libère Vakili Rad, condamné en 1994 à perpétuité, obéit-elle à une décision politique?
A ma connaissance, non. C’est au juge d’application des peines chargé de ce dossier de prendre la décision ou non de libération conditionnelle au terme d’un processus judiciaire normal. S’il est libéré, il sera automatiquement expulsé. Si cette libération intervient, elle sera nécessairement assortie d’une expulsion.
Quel rôle avait joué Vakili Rad?
C’est lui qui avait étranglé l’ancien premier ministre du Shah le 7 août 1991, dans le cadre d’une opération très audacieuse montée par les services secrets iraniens. Chapour Bakhtiar craignait pour sa sécurité et sa protection était assurée par les Renseignements généraux. Les services secrets iraniens, pour faire le coup, avaient retourné le propre chef de la sécurité de Bakhtiar! La surveillance extérieure était assurée par des policiers français, mais Chapour Bakhtiar leur avait demandé de rester dehors. Ce jour-là, le chef de la sécurité, accompagné de Vakili Rad et d’un autre, avait rendez-vous avec l’ancien Premier ministre, au motif de préparer un attentat en Iran! Ils venaient soi-disant chercher son approbation. A trois, ils l’ont finalement étranglé, et achevé, ainsi que son secrétaire particulier, avec des couteaux de cuisine. Les trois tueurs sont repartis tranquillement et l’alerte n’a été donnée qu’une dizaine d’heures après…
Comment avez-vous remonté la piste du commando?
Pour la première fois dans une enquête de ce genre, nous avons utilisé systématiquement les écoutes et les relevés de dizaines de cabines téléphoniques en France. Après l’assassinat, le commando s’est éparpillé et il devait gagner la Suisse. Autant le coup lui-même avait été très bien préparé, autant la phase d’exfiltration était un peu bancale. Les gars ne parlaient ni français ni anglais, simplement le farsi. Ils ont beaucoup téléphoné, et ils ont paniqué. Grâce aux cabines, on est remonté sur des numéros de téléphone suspects en Turquie et on a pu les suivre à la trace. On les a ratés de peu dans un hôtel en Suisse, puis le chef du commando nous a échappé et a été exfiltré en Iran, mais Vakili Rad était arrivé en retard au rendez-vous et a raté son équipe de secours. Il a été cueilli par la police suisse, errant au bord du lac Léman ne sachant plus trop où aller… Quand je suis allé perquisitionner l’appartement d’Istanbul, où était installé le QG de l’opération, il n’y avait plus personne… Globalement, toute l’affaire avait nécessité une dizaine d’agents, en France, en Turquie, en Grande-Bretagne, ainsi qu’en en Californie, où vivait une communauté iranienne importante.
Les Iraniens vont-ils faire de Vakili Rad un héros national à son retour?
A mon sens, non. Ils n’ont pas d’intérêt politique aujourd’hui. Et puis, à l’époque d’ailleurs, les Iraniens ne se sont jamais vraiment préoccupés de Rad. C’était un agent pris en opération, point final. Rad n’était ni un intellectuel ni un politique, c’était juste un homme de main sans grande envergure. Au début, il nous a sorti une salade selon laquelle il avait été menacé de mort par les autres… Et puis il avait tout avoué.
Jdd.fr
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