lundi 17 mai 2010

Affaire Grégory : comment les gendarmes mènent l'enquête

Les époux Villemin espèrent encore que l'ADN va parler.

Lorsqu'ils ont appris, la semaine dernière, que la première campagne d'expertises génétiques s'était révélée vaine, les différents protagonistes de l'affaire Grégory se sont efforcés de balayer leur déception. Sans attendre, les époux Villemin ont annoncé leur intention de formuler plusieurs demandes d'actes. De leur côté, les gendarmes entendent bien mettre à profit le travail d'analyse approfondie conduit, ces derniers mois, sur les 2 500 pièces du dossier, pour poursuivre les investigations sous l'autorité du juge Pontonnier.

Initialement saisis d'une commission rogatoire dite «technique» en novembre dernier, les enquêteurs de la section de recherches de Dijon ont en fait mené un véritable travail d'archéologues dans le maquis de cette volumineuse procédure. Chargés d'identifier les «propriétaires» des traces ADN mises au jour sur une lettre, un timbre et une cordelette exhumés parmi les vieux scellés, ils se sont notamment attachés à retracer le cheminement de ces diverses pièces à conviction au cours des vingt-cinq dernières années. Certains de ces objets, notamment les corde­lettes, ont en effet été «descellés» à plusieurs reprises afin d'être soumis à des analyses scientifiques. Un examen minutieux de chaque cote du dossier a permis d'identifier une soixantaine d'anciens gendarmes, policiers, greffiers, magistrats ou laborantins qui, dans le cadre de leurs fonctions, ont pu avoir à les manipuler. Parallèlement, des analystes criminels ont reconstitué les arbres généalogiques des principales familles - les Villemin, les Laroche, les Bolle, les Jacob… - qui formaient, en octobre 1984, l'entourage de l'enfant. Enfin, une trentaine de villageois qui résidaient à Lépanges-sur-Vologne et pouvaient se trouver en contact avec la famille de Grégory ont été recensés.

Au total, les gendarmes ont ainsi établi une liste de 186 personnes, qu'ils ont contactées afin de les soumettre à un prélèvement biologique. «Il nous a suffi d'expliquer clairement la procédure en cours pour que les gens acceptent de s'y plier», raconte une source proche de l'enquête. Pour établir l'empreinte génétique de Bernard Laroche, qui fut un temps inculpé avant d'être remis en liberté puis abattu par Jean-Marie Villemin, les gendarmes ont fait analyser les vêtements qu'il portait le jour de sa mort. Par ailleurs, les descendants de 35 personnes disparues après 1984 ont été priés de se soumettre à un test ADN.

Si elle n'a pour l'heure livré aucun résultat probant, cette lourde procédure pourrait ne pas avoir été totalement vaine. «En reprenant ainsi le dossier de A à Z, nous avons établi une liste de profils intéressants sur laquelle nous comptons bien nous appuyer pour mener les investigations à venir» , relate un haut magistrat.

Dès à présent, les parents de Grégory envisagent de solliciter de nouvelles recherches d'ADN sur les scellés, ainsi que sur un cheveu qui a été découvert en contact avec les vêtements de l'enfant. «L'emploi de la technique LCN (low copy number), qui est à la fois plus efficace et plus intrusive que les méthodes classiques, pourrait livrer des résultats intéressants», espère Me Thierry Moser, conseil des époux Villemin. L'analyse des traces de foulage détectées sur une lettre revendiquant le crime pourrait également être demandée, de même que l'expertise des enregistrements vocaux attribués au mystérieux corbeau. S'agissant de ces dernières investigations, toute comparaison paraît cependant hasardeuse, dans la mesure où les cassettes sur lesquelles avaient été enregistrées les voix des principaux protagonistes de l'affaire ont, depuis lors, été égarées.

Le Figaro



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