Le 2 juin 2005, vers 10 h 30, Nelly Cremel, une femme sportive de 39 ans, s’apprête à effectuer son footing quotidien comme elle le fait chaque matin. Le parcours qu’elle emprunte habituellement est une petite route sinueuse et peu empruntée entre son domicile de Reuil-en-Brie et le village voisin de Luzancy distant de 7 kilomètres. A 19 h 40 son époux, commandant de l'armée de terre à la DGSE, signale sa disparition. Très vite un dispositif de grande ampleur est déployé. Gardes républicains à cheval, maîtres-chiens et plongeurs, sondent sans relâche la zone où a disparu Nelly Cremel ; en tout près de 30 km2. Parallèlement, une cinquantaine d’enquêteurs interrogent les voisins et tous témoins susceptibles d’avoir croisé la route de la disparue. Un témoin déclare l’avoir vu rebrousser chemin au niveau du monument aux morts de Luzancy.
Pendant huit jours les recherches ne vont rien donner ; la jeune femme reste introuvable. Mais le 10 juin 2005, en fin d’après-midi, le pessimisme des enquêteurs va malheureusement se confirmer. Un collègue de travail de Christian Cremel qui participe officieusement aux recherches, découvre un corps dissimulé sous des branchages et des herbes dans un bois tout proche du village.
Aussitôt le périmètre est bouclé et les enquêteurs font les premières constatations. Le lendemain, une fois les résultats de l’autopsie connus, le procureur de la république de Meaux annonce à la presse les causes de la mort de la jeune femme. Elle est décédée des suites de "plusieurs coups de feu" et de "violents coups portés à la tête" et ne présente aucune trace de violence sexuelle. Son corps est extrêmement mutilé et seule son alliance permet de l’identifier formellement.
Ce même 10 juin au soir les gendarmes procèdent à l’arrestation d’une voiture. Serge Mathey est au volant en compagnie d’un couple d’amis. Le gendarme ne constate rien d’anormal et les laisse poursuivre leur route. Mais les deux passagers s’aperçoivent après coup que leur ami est livide au volant de sa voiture. D’ailleurs quelques instants plus tard il leur fait une terrible confession : « J’ai fait une connerie… ».
Dès le lendemain le couple se rend à la gendarmerie et le 12 juin les gendarmes procèdent, deux jours seulement après la découverte du corps, à l’interpellation de deux suspects dont l’un avoue être l’auteur du crime. Il s’agit de Serge Mathey, 26 ans, et jusqu'alors inconnu des services de police. Celui-ci raconte aux enquêteurs le déroulement des faits.
Le matin du drame il se trouve en compagnie de Patrick Gateau au volant de la Talbot Samba de celui-ci. Croisant la route de la joggeuse ils décident de l’agresser pour lui voler son walkman et ensuite la cambrioler. Sous la menace d’un fusil de chasse, ils la font monter de force dans la voiture et l’accompagnent jusqu’à son domicile de Reuil. Mais une fois sur place ils abandonnent leur projet en raison de la présence de voisins à proximité de la maison des Cremel. Ils se dirigent alors en direction du bois de Tartarel. C’est là que Serge Mathey explique aux gendarmes qu’il a porté les premiers coups de rondins sur Nelly Cremel afin d’éviter que Patrick Gateau ne la tue avec son fusil de chasse.
Il déclare ensuite que son complice a « terminé le boulot » en tirant deux coups de fusil et en s’acharnant sur la jeune femme à coup de rondins. Patrick Gateau, quant à lui est loin d’être un inconnu des services de police. Agé de 48 ans, cela fait trente ans qu’il cumule les condamnations pour des vols avec violence et un meurtre en 1984, celui de Jeanine Brendle, pour lequel il a été condamné à perpétuité. En décembre 2003, il est remis en liberté au terme de sa période de sûreté et vit de petits boulots en compagnie de son épouse en Seine et Marne.
Interrogé par les enquêteurs il reconnaît avoir braqué Nelly Cremel mais nie être l’auteur des coups de rondins et de fusil. Depuis leur arrestation les deux complices se rejettent la responsabilité des faits. Ce drame relance le débat sur la libération de détenus dangereux en France et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, annonce dans ce contexte dramatique des propositions contre la multi récidive.
Scène de crime
Patrick Gateau et Serge Mathey, accusés d'avoir enlevé et assassiné sauvagement le 2 juin 2005 Nelly Crémel à Reuil-en-Brie, ont donné mardi leurs versions du crime, discordantes et lacunaires, au deuxième jour de leur procès devant la cour d'assises de Seine-et-Marne.
Conformément au dernier récit qu'il avait fait au juge d'instruction, Serge Mathey, 28 ans, a reconnu avoir tiré deux coups de fusil sur cette mère de famille de 39 ans, avant de lui asséner plusieurs coups de rondin sur la tête. Il a expliqué avoir agi dans un état d'"hypnose", "terrorisé" par Gateau qui "hurlait" et lui pointait une arme sur la tempe.
Gateau, 51 ans, a démenti avoir incité Serge Mathey à agir de la sorte: "Je n'ai jamais voulu faire de mal à Mme Crémel", a-t-il répété, sans parvenir toutefois à s'expliquer sur plusieurs points embarrassants soulevés par le président ou les avocats.
Au départ du drame, selon les deux hommes, la volonté de faire un cambriolage. Serge Mathey ajoute "ou de braquer une femme", ce que dément Gateau.
Tous deux partent ce jeudi 2 juin 2005 sur les routes du nord de la Seine-et-Marne, dans la voiture de Gateau. Dans le véhicule, un pistolet à grenailles et un fusil de chasse au canon scié, appartenant à Gateau, que ce dernier a pris soin de prendre.
Au cours de leur vagabondage, dit Mathey, Gateau lui tend deux pilules censées "lui donner la pêche", mais qui le mettent en réalité dans un état second. Gateau réfute ce détail, communiqué par Mathey après la clôture de l'instruction.
Ils rencontrent sur le trajet Nelly Crémel faisant son jogging.
Selon Mathey, Gateau aurait dit "c'est elle qu'on va enlever". L'intéressé dément, mais reconnaît avoir participé à l'enlèvement: "Je l'ai menacée avec l'arme (...) elle est montée dans la voiture".
Les deux hommes se dirigent vers la maison des Crémel pour la cambrioler, y renoncent en raison du voisinage.
"Je voulais qu'on la relâche loin pour qu'on puisse partir tranquillement", soutient Gateau. "Il m'a demandé de trouver un coin tranquille (...) il m'a dit qu'il fallait qu'on s'en débarrasse", le contredit Mathey.
Gateau donne le fusil à Mathey. "Il m'a dit c'est toi qui vas la tuer. Il m'a mis le pistolet sur la tempe (...) Là j'ai tiré sur Mme Crémel". Un premier coup de feu la touche au ventre, Gateau hurle "encore il y a deux gâchettes", raconte Mathey. Deuxième coup de feu, la victime pleure. "Patrick Gateau hurlait +fais la taire, fais la taire+, je l'ai frappée à la tête trois fois avec le canon du fusil".
Gateau reconnaît avoir donné le fusil. "Je ne sais pas pourquoi je lui ai tendu l'arme. Je pensais qu'il voulait juste lui faire peur. Je ne l'ai jamais menacé pour tirer sur Mme Crémel". Puis: "C'est l'affolement. Nous avons constaté que Nelly Crémel était morte".
Les deux hommes déplacent le corps, le couvrent de branchage, Gateau couvre le tout d'un pneu.
Le président Yves Jacob s'étonne: "Je suis surpris qu'à aucun moment vous n'ayiez passé une avoinée à Mathey pour ce qu'il avait fait".
A Gateau, Me Thierry Lévy, l'avocat de Mathey que son entourage décrit comme un être faible, influençable et non violent, demande : "Pourquoi ne l'avez-vous pas empêché ?". "Je n'arrive pas à l'expliquer depuis le départ", répond Gateau.
article AFP
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