"J'ai envie de rétablir la vérité parce que mon nom a été traîné dans la boue depuis deux ans (...). Je n'ai pas envie de payer pour un système que je n'ai pas mis en place et surtout que l'on me dépeigne comme quelqu'un de machiavélique qui aurait voulu faire sauter la banque. Mon seul objectif était de faire entrer un maximum d'argent dans cette banque". L'ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, qui s'exprimait ainsi il y a quelques jours sur TF1*, comparaît à partir de ce mardi devant le tribunal correctionnel de Paris, accusé d'avoir provoqué une perte de près de 5 milliards d'euros début 2008. Un procès que le jeune homme de 33 ans n'entend pas suivre passivement. Un procès au cours duquel il entend bien pointer la folie d'un système qu'il refuse d'assumer seul.
Pendant trois semaines, les avocats de la Société Générale, partie civile, vont quant à eux batailler pour que les rôles ne soient pas inversés : ce n'est le procès ni de la banque, ni des marchés financiers et de la spéculation débridée, disent-ils, mais d'un employé indélicat qui a menti et mis son entreprise en péril. Selon l'accusation, Jérôme Kerviel a outrepassé son mandat dans d'énormes proportions, en prenant sur les marchés financiers, à l'insu de sa hiérarchie, des positions spéculatives qui ont atteint des dizaines de milliards d'euros. Il a enregistré des opérations fictives pour dissimuler ses engagements réels, et déjoué les contrôles à l'aide de fausses explications et de faux documents.
Au terme de l'instruction menée par les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset, il a été établi que Jérôme Kerviel avait fait exploser les limites tout au long de 2007. Mais ce n'est qu'en janvier 2008 que la banque dit avoir découvert le pot-aux-roses : près de 50 milliards de positions prises sur des indices boursiers européens, qu'elle a dû solder dans l'urgence et dans un contexte défavorable, résultant dans la perte sans précédent qui a conduit le trader devant la justice.
Une pratique courante dans la banque ?
Un assistant trader a été mis en examen, puis blanchi. Un courtier a été soupçonné, plusieurs supérieurs hiérarchiques du trader ont été licenciés, et la Société Générale a été sanctionnée par la commission bancaire, d'une amende de quatre millions d'euros, pour les défaillances de son système de contrôle. En effet, pas moins de 72 alertes lancées en l'espace de 18 mois sur des actions financières faites de Jérôme Kerviel n'ont suscité aucune réaction de la part de la hierarchie de la banque. Mais au final, Jérôme Kerviel, qui a passé 35 jours en détention préventive, est seul poursuivi au pénal, ce qu'il affirme ne pas comprendre. S'il reconnaît avoir eu recours à des opérations fictives, il jure que c'était une pratique courante dans la banque. Il admet aussi avoir perdu le sens des réalités. Mais il dit et répète que sa hiérarchie était au courant de tout et laissait faire, dès lors qu'il gagnait de l'argent. Restera une autre question à éclaircir lors de ce procès : qu'est-ce qui a motivéle jeune trader à prendre de tels risques, alors qu'il est avéré qu'il n'y a eu aucun enrichissement personnel ?
Au coeur d'une tempête médiatique mondiale, le jeune homme a successivement engagé puis congédié pas moins de six avocats, pour s'arrêter finalement sur Me Olivier Metzner, qui passe pour le meilleur spécialiste français du pénal financier. Ce dernier promet des révélations à l'audience. Il affirme notamment avoir trouvé dans des scellés non exploités durant l'instruction la preuve que tout ce que faisait Jérôme Kerviel était visible. Sur la quarantaine de témoins qui viendront témoinger au cours du procès, la défense en a cité 33 (traders, hiérarchie de Jérôme Kerviel, comptables,
juristes...). La Société Générale est la principale partie civile, mais il y aura aussi six petits porteurs face au prévenu.
Poursuivi pour faux, usage de faux, abus de confiance et intrusion frauduleuse dans un système de traitement automatisé des données, Jérôme Kreviel encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende. Il n'aspire qu'à une seule chose aujourd'hui : gagner son procès et retrouver une vie plus calme, en province, loin des sphères financières et de l'agitation médiatique.
http://lci.tf1.fr/biographies/jerome-kerviel-4883875.html
http://lci.tf1.fr/france/justice/2010-06/kerviel-l-heure-des-comptes-est-arrivee-5876017.html
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