Jérôme Kerviel est-il le trader fou qui a perdu le contrôle ou la victime d'un système bancaire qui encourage à toujours plus de gains? Toute la bataille judiciaire qui oppose le trader à la Société générale se jouera sur cette question.
Dès le premier jour de son procès à Paris, Jérôme Kerviel, qui est accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la banque, a tout fait pour montrer qu'il n'était pas seul responsable et que son ancien employeur connaissait ses agissements. Le jeune homme de 33 ans encourt cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende et des dommages et intérêts à hauteur de la perte monumentale subie par la banque début 2008.
«Tout se voit, tout s'entend» dans une salle de marchés, a déclaré à ses juges l'ancien trader en costume gris sombre sur chemise blanche et cravate rose.
«Les encouragements journaliers de mes supérieurs ne m'ont pas freiné»
«Les encouragements journaliers de mes supérieurs ne m'ont pas freiné, ils m'ont plutôt encouragé» à continuer à prendre des risques, a-t-il poursuivi.
Etait-il «possible qu'un Kerviel solitaire» passe des ordres pour des milliards d'euros sans que personne ne sache rien ? Pour l'ancien trader, cela est «impossible, pas pendant plus d'une journée en tout cas».
Le jeune homme a pourtant admis avoir commis des erreurs et perdu le sens des réalités. Il reconnaît aussi avoir enregistré des opérations fictives pour camoufler des engagements réels, mais assure que c'était monnaie courante et surtout que ses supérieurs savaient. Son avocat Olivier Metzner a d'ailleurs montré un extrait du fichier dans lequel étaient enregistrées les opérations des traders de la Société Générale, y voyant la preuve que les engagements de Kerviel étaient facilement repérables.
Une fraude complexe
Pour Claire Dumas, adjointe au directeur des «risques opérationnels» de la Société générale, ce n'était pas aussi simple. Elle a expliqué qu'en janvier 2008, il avait fallu «40 personnes pendant 48 heures» pour identifier la «fraude», preuve de sa complexité selon elle.
Selon l'accusation, Jérôme Kerviel a pris des positions spéculatives exorbitantes sur les marchés financiers à l'insu de sa hiérarchie, en déjouant les contrôles à l'aide d'opérations fictives et fausses déclarations.
Une enquête a démontré les carences des contrôles, mais l'instruction n'a pas établi de complicités de la part de la Société générale.
Faut-il citer Daniel Bouton comme témoin ?
Un autre point a opposé les deux parties. L'ancien PDG de la banque, Daniel Bouton, doit-il être cité comme témoin ? Un représentant des petits actionnaires l'a demandé. L'intéressé a envoyé une lettre au tribunal, doutant de l'intérêt pour la justice de l'entendre, mais se disant prêt à venir si on le lui demande. L'avocat de la Société générale Me Jean Veil se lève alors. «Sauf à organiser le cirque Barnum», l'avocat estime «ridicule» de le faire venir, mais souligne qu'il n'entend pas «se retrancher derrière quoi que ce soit».
Le président Pauthe, se comparant à un Monsieur Loyal, en conclut qu'il en décidera au vu des débats.
Quelque 90 médias, dont un tiers d'étrangers, ont été accrédités pour ce procès au retentissement international. Face à un essaim de caméras, il a fallu 13 minutes à Jérôme Kerviel et son avocat pour parcourir les 200 mètres les conduisant à la salle d'audience. «Il n'y aura aucune déclaration avant», exhortait en vain Me Metzner, espérant que «la vérité ne sera pas obstruée par la Société Générale comme elle l'a fait pendant deux ans».
http://www.leparisien.fr/faits-divers/societe-generale-jerome-kerviel-mouille-ses-superieurs-08-06-2010-956058.php
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