jeudi 30 septembre 2010

"Comment le voleur de votre carte bancaire a-t-il pu en deviner le code secret ?"

L'escroquerie n'a pas de sexe. En cet après-midi d'automne naissant au tribunal correctionnel de Paris, trois femmes se succèdent à la barre pour répondre de ce type d'infraction.


La première a utilisé une carte volée pour acheter des vêtements à son petit ami et passer la soirée dans diverses boîtes de nuit en consommant sur le crédit de la carte. Cela lui a coûté quatre mois de prison avec sursis, une peine notamment justifiée par son casier vierge.


La deuxième, Amélie B., avait trouvé la parade pour digérer ses dettes de jeu en déposant plainte à deux reprises au commissariat pour vol de sa carte bancaire suivi de deux débits frauduleux de 4 000 et 6 000 euros dans les distributeurs de deux cercles de jeux. Seul hic, elle n'avait pas compté avec la mémoire des établissements qui avaient enregistré sa présence à l'heure même des retraits prétendument frauduleux. La jeune femme, portant un tailleur sombre et ramenant sans arrêt en arrière ses cheveux noirs et lisses, reconnaît une partie des faits.


"Comment le voleur de votre carte bancaire a-t-il pu en deviner le code secret ? doute la procureure. Comment un escroc, muni de vos papiers d'identité volés, aurait-il pu tromper la personne du guichet dont le métier est précisément de vérifier à la loupe l'identité des joueurs ?" Tenant compte de sa qualité de primo-délinquante, la magistrate demande quatre mois de prison assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve, une sanction couvrant à la fois la dénonciation mensongère d'un délit et l'escroquerie au préjudice des salles de jeux.


- Les faits ne sont pas si frauduleux que ça... nuance l'avocat. Ma cliente est une joueuse compulsive, elle ne s'est tout simplement pas souvenue d'être allée jouer le jour où les retraits ont été enregistrés et elle est sincère. La preuve, elle a immédiatement demandé à sa banque de rembourser les salles de jeux.


- Le jeu n'est pas fait pour moi, confesse Amélie. Je suis en train de monter un institut d'esthétique, pour penser à autre chose...


Le tribunal la condamnera à six mois avec sursis.


Arrive une femme en pleurs. Dévorée par la honte d'avoir escroqué une personne âgée et handicapée de surcroît. Mademoiselle D., employée d'une mairie parisienne dépêchant des aides à domicile auprès de personnes vulnérables, a dérobé la carte bleue de la dame en fauteuil roulant dont elle s'occupait depuis trois ans. Les achats effectués à l'aide de la carte se déclinent en une liste à la Prévert : télévision, bagues, bracelets, pull-overs, téléphone portable, etc.


La procureure déplore le geste. "Elle n'était même pas dans un état de nécessité, si encore c'était pour manger ou nourrir ses enfants ! Non, c'était pour le plaisir et l'envie de luxe. Il est même surprenant que l'employeur ne se soit pas séparé d'elle. Je pense qu'elle n'est plus apte à travailler pour l'association municipale ou pour tout type de collectivité s'occupant de personnes handicapées (...)." Elle requiert six mois de prison assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve et de l'interdiction de poursuivre son activité d'aide ménagère auprès de personnes vulnérables.


- Aujourd'hui, ma cliente a honte de son geste et elle le montre ouvertement, assure son avocat. Elle a eu un accident de parcours qu'elle-même n'arrive pas à expliquer. Il faut savoir que ses employeurs ne tarissent pas d'éloges sur ses qualités. On la qualifie de gentille, de consciencieuse et de patiente, des qualités indispensables dans ce métier. C'est ce qui fait qu'elle n'a pas perdu la confiance de son employeur, lequel n'a pas mis fin à son contrat malgré cet incident. Je pense que, dans cette affaire, il faut taper là où ça fait mal, c'est-à-dire au porte-monnaie. Ma cliente s'est engagée à rembourser intégralement la victime et d'ailleurs la mairie prélève chaque mois sur son salaire une somme de 1.000 euros à cet effet. Je vous demanderai donc un ajournement de peine, et ce, jusqu'à l'apurement complet de la dette. Mais de grâce, ne l'amputez pas de son travail (...).


Elle écopera de six mois de prison assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve, à savoir, l'obligation de rembourser intégralement la victime. Mais ne sera pas déchue de son emploi. En tout cas, pas cette fois.
http://www.lepoint.fr/chroniques-ete-carnets-justice/comment-le-voleur-de-votre-carte-bancaire-a-t-il-pu-en-deviner-le-code-secret-30-09-2010-1243160_195.php

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