dimanche 19 septembre 2010

Les propositions d'Hortefeux en matière pénale hérissent les magistrats

Les propositions du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, d'élire les juges d'application des peines ou d'introduire des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, qui interviennent après de tragiques fait divers, suscitent la colère des organisations syndicales de magistrats qui les qualifient de "démagogiques" et de "populistes".
Dans un entretien à paraître samedi dans le "Figaro magazine", le ministre de l'Intérieur propose rien de moins que de modifier la composition des tribunaux correctionnels en élisant les président de tribunaux correctionnels et en y introduisant des jurés. Il suggère également que soient élus les juges d'applications des peines qui se prononcent sur les libérations conditionnelles.

Depuis plusieurs semaines, les organisations syndicales de policiers, les membres de l'exécutif et le chef de l'Etat se sont émus, voire ont ouvertement critiqué des décisions judiciaires. La remise en liberté du second braqueur présumé du casino d'Uriage dans l'Isère a provoqué de vives tensions avec la magistrature. Et l'assassinat d'une jeune femme, pour lequel un récidiviste remis en liberté conditionnelle est soupçonné, a ravivé le débat.

"Quelle que soit la déontologie des magistrats, que je ne mets aucunement en cause, je ne crois pas qu'ils puissent toujours se substituer à l'expression directe de la volonté populaire", affirme M. Hortefeux qui rappelle que "la justice est rendue au nom du peuple français".

Le président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Christophe Régnard, qualifie de "niveau zéro de la réflexion" et de "populisme exacerbé" les propositions du ministre. "La stigmatisation des magistrats est un vieux cliché", a-t-il déclaré à l'AP. "Nous sommes conscients que cela va durer jusqu'en 2012 (NDLR: l'élection présidentielle) et qu'il va falloir trouver des boucs émissaires. Les juges sont tout désignés", pronostique-t-il.

"C'est fait pour flatter ce que M. Hortefeux croit être les bas instincts du peuple français mais il prend le peuple pour un imbécile", considère le secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM, minoritaire), Mathieu Bonduelle. "Que l'institution judiciaire soit critiquée en démocratie n'est pas choquant. Là, on n'est plus dans la critique, on est dans une stratégie d'opposition entre le peuple et les juges", analyse-t-il.

En évoquant l'introduction de jurés dans les tribunaux correctionnels, M. Hortefeux reprend une proposition avancée la semaine dernière par le chef de l'Etat devant des parlementaires UMP. En juin, la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie avait envisagé de supprimer les jurés populaires en première instance des cours d'assises. Les deux syndicats regrettent l'absence de réaction de la Chancellerie.

Le porte-parole du ministère, Guillaume Didier, joint par l'AP, a déclaré: "Le ministre de l'Intérieur peut avoir des idées, le ministre de la Justice a les siennes, appuyées par ses précédentes fonctions à la Défense et à l'Intérieur". Le porte-parole précise que la ministre présentera en tout début de semaine des "améliorations à la procédure de libération conditionnelle".

M. Hortefeux souhaite également modifier la possibilité d'aménagement de peine pour les personnes condamnées jusqu'à deux ans d'emprisonnement, une disposition votée dans la loi pénitentiaire mais dont les décrets d'application n'ont toujours pas été adoptés. Donc aucun condamné n'a pu bénéficier de cette mesure.

Le ministre demande en outre l'abaissement du seuil de la rétention de sûreté applicable à des peines de 10 ans, contre 15 aujourd'hui. La rétention de sûreté est une mesure qui permet de maintenir enfermé un détenu jugé dangereux après l'expiration de sa peine. Le SM et l'USM rappellent que les parlementaires UMP ont voté ces deux textes. Celui sur la rétention ne peut s'appliquer que pour les personnes condamnées après 2008.

"Il y a zéro personne en rétention de sûreté et une personne en surveillance de sûreté", précise Mathieu Bonduelle. "Ce qui se joue, ce n'est pas la lutte contre la délinquance mais la communication du gouvernement et de M. Hortefeux", ajoute-t-il.

Le ministre demande par ailleurs que le placement en détention provisoire soit effectué par une formation collégiale. La commission parlementaire après le drame d'Outreau l'avait déjà formulé. Elle figure dans le projet de réforme de la procédure pénale concocté par la Chancellerie. AP
http://www.ap.org/termsandconditions

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