vendredi 5 novembre 2010

Procès Federici: des témoins très mal à l'aise

Les témoins entendus lors de la troisième journée du procès d'Ange Toussaint Federici par la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône n'ont pas permis de déterminer avec certitude dans quel camp se trouvait l'accusé. Celui, pacifique, des clients assistant au match de foot Milan-Lyon, comme l'assure la défense? Ou celui, rageur, des assaillants qui firent irruption dans la brasserie comme le soutient l'accusation?


Le récit du patron, du serveur et des clients est donc essentiel pour savoir s'ils ont vu ou non l'accusé siroter son Vittel avant la tuerie. Avares de détails, les témoins racontent, embarrassés, la soirée qui a coûté la vie au caïd marseillais Farid Berrhama et à deux de ses proches, le soir du 4 avril 2006: une vingtaine de balles ont été tirées, avec deux pistolets automatiques, un fusil à pompe et une Kalachnikov.


Le soudain revirement de deux d'entre eux en faveur d'Ange Toussaint Federici, et la réticence de la plupart à s'exprimer, a donné l'occasion à l'accusation de dénoncer "les pressions" dont ils auraient été victimes. La défense, elle, fait allusion à des intimidations venue de l'autre camp, celui des Berrhama.


Kader, commerçant, client, blessé au pied dans la fusillade
"J'ai commencé à faire mes prières"


"Je suis allé au bar des Marronniers pour voir un match, croyant qu'il passait sur Canal+. M. Farid Berrhama est rentré. Il s'est assis derrière moi. Nous étions nuque à nuque. A un moment, il y a eu un but. J'étais en train de regarder le ralenti quand une fusillade a éclaté. J'ai plongé sous la table. Je suis rentré dans un endroit... tellement petit que je ne sais même pas comment j'ai fait pour y rentrer. J'ai vu des douilles de balles tomber. J'ai commencé à faire mes prières. Il m'est venu les images du Bar du téléphone [une fusillade dans cet établissement marseillais avait fait dix morts dans les années 1970 - NDLR].


Après, je suis sorti, j'ai rejoint un autre bar. C'est seulement à ce moment que je me suis rendu compte que je saignais à un pied. Je pense avoir été touché par un éclat. Je suis donc revenu [aux Marronniers].


Vers le fond, une personne saignait abondamment. M. Djendeli était dans les bras de son cousin. Il disait: "Je me sens partir". M. Berrhama, lui, était mort. Vous savez, moi, j'étais là par accident. J'ai des enfants qui font des grandes études aux Etats-Unis, à l'université de Standford [...] Bien sûr, c'est terrible. Tout le monde a eu peur. Moi peut-être un peu moins que d'autres: je reviens d'un cancer."


Moktar, au chômage, client
"Je ne suis pas là pour surveiller les entrées"


"Je faisais une partie de cartes. Vous savez, ça va très vite. Je me suis jeté derrière le comptoir le temps que ça se termine. Au premier coup de feu, je me suis jeté à terre. Je n'ai pas vu qui était là. Je suis client, je ne suis pas là pour surveiller les entrées et les sorties, même si à Marseille, tout le monde regarde qui sort qui rentre. Cette histoire ne me concerne pas."


Farhat, serveur
"Je crois que je lui ai servi un Vittel"


"Ce soir-là, c'est moi qui servait au bar. Je regardais le match. C'est le moment où il y allait avoir un but. Il me semble que ce monsieur [il désigne Ange Toussaint Federici dans le box] était dans le bar. Mais je ne suis pas certain à 100%. Si je disais à 100%, je serais menteur. Mais je crois bien que je lui ai servi un Vittel.


[Le président Deschamps, qui ne fait rien pour masquer son scepticisme, fait alors remarquer au témoin qu'il a livré une autre version au juge d'instruction: lorsqu'on lui a présenté la photo d'Ange Toussaint Federici, Farhat a affirmé n'avoir jamais croisé cet homme]


Je m'excuse M. le président! La photo qu'on m'a montrée était un peu floue. Mais à un certain moment, je me suis renfermé dans ma coquille, et j'ai repensé à la scène. C'était bien après ma rencontre avec le juge. Et j'ai repensé au Vittel que j'ai servi à ce monsieur."


Mohamed, le frère du serveur
"Jamais vu ce monsieur"


"Je suis allé au bar des Marronniers pour aller acheter un paquet de Marlboro. J'ai commandé un foetus [un petit whisky]. Il y avait dix personnes dans le bar. Je les connais toutes. [Et, parlant d'Ange Toussaint Federici, il ajoute, affirmatif] Je n'ai pas vu monsieur à l'intérieur du bar."


Nadia, surnommée "la blonde", cliente
Jamais de la vie, on m'a montré les photos"


"J'ai aperçu un tireur qui avançait près du poteau. D'autres étaient derrière lui, je ne sais pas combien au juste. [Elle se tourne vers Ange Toussaint Federici] Maintenant que je le vois, je me souviens qu'il était à l'intérieur du bar. J'en sais rien moi ce qu'il faisait. Je ne suis pas là pour surveiller les entrées! Oh, je vais pas scanner tout le bar quand même!


[Le président lui fait remarquer que le juge d'instruction lui a présenté sa photo d'Ange Toussaint Federici et qu'elle ne l'a pas reconnu. Elle s'indigne, monte sur ses hauts talons]


Jamais de la vie, on m'a montré ces photos! Je suis pas débile quand même! [Sur des écoutes, elle évoque un "pressing" effectué par "des Corses"] C'est parce que je voulais me la péter. Je voulais me rendre intéressante.


[On lui demande si elle a vu Ange Toussaint Federici dans le bar] Oui, vite fait. Est-ce que je parle sans haine et sans crainte? Haine de quoi? Crainte de qui?"


Tahar, patron du bar
"C'est fini là?"


"On a entendu des bruits de pétards. On pensait que c'était des gosses. Mais des gens sont tombés. Lorsque la police m'a montré les photos, je n'ai pas reconnu [Ange Toussaint Federici]. Les photocopies étaient pas trop belles. Il était tout noir l'album de photos! Et puis, lors de la première audition, j'étais totalement dépourvu de conscience. C'est traumatisant. C'est pas une scène à se remémoriser. C'est fini là?"




http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/proces-federici-des-temoins-tres-mal-a-l-aise_934048.html

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