lundi 31 janvier 2011

"Quand Jean-Michel m'a appris la mort de Bernadette, j'étais anéanti"

Durant cette quatrième semaine de procès, la cour va se pencher sur la personnalité des trois accusés, Jean-Michel Bissonnet, Amaury d'Harcourt et Meziane Belkacem. Ce matin, place au profil singulier du vicomte.


9 h 30 - Début de l'audience.
Me Vérine, conseil de Jean-Michel Bissonnet, prend la parole. Il revient sur la communication téléphonique qu'aurait échangé son client avec Amaury d'Harcourt le 9 mars 2008 (soit trois jours avant l'assassinat de Bernadette) d'un restaurant du Gard. Selon Me Vérine, le numéro mentionné vendredi dernier n'est en rien le numéro de cet établissement situé à Ferrières-les-Verreries.


9 h 40 - 10 h 10 - Le vicomte


est appelé à la cour.
Le président M. Mocaer demande à l'accusé de retracer sa vie sociale, affective et professionnelle.
Amaury d'Harcourt : "Je suis né à Paris en 1925. Mon enfance s'est passée moitié à la campagne, moitié à Paris." D'une voix calme, il raconte comme il a traversé la seconde guerre mondiale avec sa famille.
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A la barre, l'homme explique qu'il est parti pour l'Afrique en 1947 : Sénégal, Tunisie, Algérie, Egypte, Liban...
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"Mes parents étaient très stricts, ils voulaient que je travaille, que j'ai une vie très bien réglée. Toute ma vie, j'ai eu un besoin d'action. Durant toute cette période de guerre, j'ai eu peu de temps libre."
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L'homme est un voyageur. Il parle lentement de son expérience aux côtés du peuple arabe.
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En 1961, il retourne dans l'Yonne, dans la maison familiale. Quand il quitta ses parents, il n'avait que deux ou trois sangliers. A son retour, il en compta près de 25 sangliers. "C'est là que j'ai eu l'idée de monter un élevage de sanglier".
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"En 1970, je pars pour la Lozère. Dans un petit village, j'ai acheté une maison et 150 hectares pour très peu cher." Le vicomte y installa son élevage de sangliers. "Au bout de deux ans, je m'y suis installé. Entre temps, je faisais la navette entre l'Yonne et la Lozère. Cinq ans après, j'ai créé un restaurant dans ce village." Très vite, Amaury d'Harcourt se sentit débordé entre l'élevage de sangliers et le restaurant. D'où son retour dans l'Yonne.
(...)
Peu de temps après, la fille de sa seconde épouse a eu un grave accident de la route. Suite à cet évènement, l'homme prit à sa charge les deux enfants de sa belle-fille.


10 h 15 - M. Mocaer : "Qu'est-ce que ça signifie d'appartenir à la famille d'Harcourt ?"
M. d'Harcourt : "Ma famille remonte à 956. Il y a deux branches dans cette famille, une en France, une autre en Angleterre. Etre d'Harcourt, c'est être militaire. Pendant plusieurs générations, il y a eu beaucoup de militaires dont deux maréchaux."
M. Mocaer : "Que faisait votre père ?"
M. d'Harcourt : "Il ne faisait rien."
M. Mocaer : "Et votre mère ?"
M. d'Harcourt : "Ma mère non plus."
M.Mocaer : "Quelle était la situation financière de la famille ?"
M. d'Harcourt: "Très modeste, nous avions tout perdu après la révolution."
M. Mocaer : "Votre mère est issue d'une famille fortunée ?"
M. d'Harcourt : "Mon père était un très mauvais gestionnaire. A son décès, les deux-tiers de la fortune de ma mère avaient disparu. Dans notre famille, c'est l'aîné qui récupère" une large partie de l'héritage. Aujourd'hui, son neveu détient le château de la famille, le vicomte vit, pour sa part, dans une des petites dépendances de ce château.
M.Mocaer : "Avez-vous été décoré pour vos faits de guerre ? Quelle médaille avez-vous reçu ?"
M.d'Harcourt : "La médaille du mérite national."


10 h 25 - Zoom sur les chasses présidentielles
M. Mocaer : "Qu'en est-il des chasses présidentielles ?"
M. d'Harcourt : "Je ne m'occupais pas des chasses à proprement parler. Je fournissais uniquement du gibier à Chambord."
M.Mocaer : "Votre famille était-elle proche de celle de l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing?"
M. d'Harcourt : "Non pas du tout."
M. Mocaer : "Et Madame Claude, vous la connaissiez ?"
M. d'Harcourt : "Je ne la connais pas. Je ne sais même pas à quoi elle ressemble !"


10 h 35 - Le vicomte d'Harcourt et l'association IVI (Invitation à la vie)
Me Chalié, avocate des enfants et du père de Bernadette Bissonnet : "Vos rapports difficiles avec votre fille ne seraient-ils pas dûs à votre appartenance à l'association IVI ?"
M. d'Harcourt : "Oui, on peut dire cela."
Me Vérine, avocat de Jean-Michel Bissonnet : "Concernant IVI, vous deviez avoir un poste important pour vous occuper de toute l'Océanie ?"
M. d'Harcourt hausse les épaules et tente de répondre. "Non, pas vraiment..."
Me Vérine : "Plusieurs personnes disent que vous êtes un homme à femmes ?"
M. d'Harcourt : "J'ai plus d'amies femmes que d'amis hommes."
Me Leclerc, avocat de Jean-Michel Bissonnet, revient sur la conversation de la fille du vicomte, Diane d'Haremberg, avec sa mère. Au cours de cette écoute téléphonique, la cour a pu entendre Diane d'Haremberg consternée d’apprendre que les psychiatres ne considèrent pas son père comme sénile.
M. d'Harcourt : "Je l'ai vécu, j'en ai souffert. Elles disent des choses vraies, mais il y en a d'autres complètement fausses."


10 h 45 - 11 h 20 - Catherine Jehl, enquêtrice judiciaire, s'approche à la barre. Elle dresse un portrait du vicomte.
D'un ton monotone, elle cite devant la cour les propos qu'elle a recueilli au cours de son enquête. Parmi les personnes qu'elle a interviewées figurent la fille du vicomte, ainsi que ses trois ex-épouses.
"Amaury d'Harcourt est issu de la noblesse française. Ses parents a eu trois enfants. Amaury d'Harcourt est le benjamin de la famille. Au cours de l'enquête, on le décrit comme quelqu'un d'actif mais aussi d'émotif."
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"Jean-Michel Bissonnet était invité une fois par an dans l'Yonne. Il y avait une réelle amitié entre eux deux."
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"Il est arrivé à Amaury d'Harcourt de braconner dans sa jeunesse pour avoir un peu d'argent de poche."
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"Ses parents semblaient bien s'entendre. D'après Amaury d'Harcourt, ils étaient très complémentaires. Avec ses frères et soeurs, petit, il a été pris en charge par des nurses."
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"Il a quitté la maison de Saint-Eusoge en 1944, à l'âge de 19 ans." Au cours de la seconde guerre mondiale, il a été blessé d'un éclat d'obus.
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"Après la guerre, il a souhaité changer de vie, et est parti pour Brazzaville, au Congo". Il reviendra en France dans les années soixante.
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"Amaury avait besoin de vivre dans l'action, selon son ex-épouse (mère de Diane d'Haremberg). Elle le décrit comme inconséquent. Aujourd'hui, elle le perçoit comme un vieillard."
(...)
L'enquêtrice judiciaire relit les déclarations de la fille du vicomte."C'est un homme séduisant, charmeur et narcissique. Très vite, il est entré dans l'association IVI avec son épouse. Pour lui, c'était bien car c'était un vivier de femmes. (...) Ce qui est certain, c'est qu'il ne supporte pas la solitude."
(...)
L'enquêtrice revient sur l'épisode relaté par Ghislaine de Montangon, l'ex-épouse de M.d'Harcourt. Au cours de son audition, elle avait déclaré que Jean-Michel Bissonnet lui avait fait part de son envie de tuer Bernadette. "On ne le prenait pas au sérieux. Pour nous, il s'agissait d'une boutade."
(...)
"Amaury d'Harcourt a été conseiller lors des chasses présidentielles et fournissait le gibier. Ce qui l'a amené à voyager en Europe de l'Est."
(...)
Catherine Jehl explique que le vicomte est en rupture avec l'église catholique suite à un évènement malheureux avec un prêtre à Brazzaville. "Il a trouvé à IVI un esprit de tolérance."
(...)
Selon plusieurs personnes interrogées par l'enquêtrice, Amaury d'Harcourt est très généreux, poli, actif, toujours aidant et cherchant à rendre service.


11 h 25 - "Quand Jean-Michel Bissonnet m'a appris la mort de Bernadette, j'étais anéanti."
Au cours de ses discussions avec Catherine Jehl, Amaury d'Harcourt a expliqué qu'il "était hanté par la mort" de Bernadette Bissonnet, qu'il ne trouvait plus le sommeil depuis le drame. "Quand Jean-Michel Bissonnet m'a appris la mort de Bernadette, j'étais anéanti. Depuis, je vis dans une espèce de brouillard. Je n'arrive pas à comprendre comment j'ai pu me retrouver dans une telle situation. C'est le jardinier qui dit la vérité. Je pense que Jean-Michel s'est servi de moi pour cacher l'arme car il n'avait pas totalement confiance en M. Belkacem."


11 h 35 - M. Mocaer : "Vous avez eu plusieurs entretiens avec les personnes interrogées ?"
Mme Jehl : "Oui. Il faut réussir à créer une relation de confiance avec la personne que vous interrogez pour obtenir des informations. C'est comme si vous écriviez une biographie."
M. Mocaer : "Vous avez rencontré M. d'Harcourt trois fois."
Mme Jehl : "Oui, la première fois que je l'ai rencontré, au palais de justice d'Auxerre. Il était très pâle et ne répondait pas. Du coup, je lui ai proposé de l'interroger à son domicile (à Saint-Eusoge, NDLR)."
M. Mocaer : "Comment M. d'Harcourt en est arrivé à vous livrer des propos sur le déroulement des faits, propos qu'il n'avait jamais tenu avant ?"
Mme Jehl : "Ca s'est fait progressivement car j'ai réussi à instaurer un climat de confiance. Peut-être avait-il besoin de libérer sa conscience."
M. Mocaer : "Quels sont les éléments dont vous disposez quand vous allez l'interroger ?"
Mme Jehl: "J'avais plusieurs éléments dont les auditions des trois accusés."
M. Mocaer : "Est-ce que vous vous êtes servis de ces éléments lors de votre enquête ?"
Mme Jehl : "Servis, non, mais je les avais en tête."
M. Mocaer l'interroge sur l'échange téléphonique qu'elle a eu avec la fille du vicomte suite à l'enquête. "Mon métier est de prendre en charge les victimes. Cette femme était très déprimée. Elle pensait que son père était devenu fou, qu'il avait un début d'Alzheimer."


11 h 50 - "J'avais peur qu'il mette fin à ses jours"
Me Phung, avocat du frère de Bernadette Bissonnet : "Le 16 juillet 2008, M. d'Harcourt vous fait des déclarations sur le déroulement des faits. Que faites-vous ?"
L'enquêtrice : "J'appelle la permanence du parquet. Au téléphone, j'ai la substitut du parquet. Elle me dit qu'il faut voir avec le juge d'instruction de Montpellier."
Après avoir interrogé M. d'Harcourt ce jour-là, Mme Jehl est rentrée chez elle. C'est à son domicile qu'elle a pris contact avec Diane d'Harembert, fille du vicomte. Me Phung l'interroge sur cet appel. "En tant qu'enquêtrice de personnalité, pourquoi appeler un proche de M. d'Harcourt ?"
Mme Jehl : "J'ai l'habitude de travailler avec humanité." Elle explique qu'elle avait peur qu'il mette fin à ses jours.


12 h - Me Chalié, avocate des enfants et du père de Bernadette : "Vous souvenez-vous d'une longue conversation de 19 minutes avec Diane d'Haremberg le 9 juillet ? Vous y évoquez que M. d'Harcourt n'a pas tout sa tête, qu'il est particulièrement entouré par des membres de l'association IVI."


L'avocate relit les propos que l'enquêtrice a tenu au cours de cette conversation téléphonique. A Diane d'Haremberg, elle aurait dit : "C'est comme s'il était sous l'emprise de Bissonnet". "Vous pouvez m'expliquer ce propos ?", lui demande Me Chalié.
L'enquêtrice : "C'était une possibilité. C'était mon raisonnement."


12 h 10 - Suspension d'audience de 10 minutes.


12 h 20 - Reprise de l'audience.
Me Gérard Christol, avocat de M. Belkacem, note que Catherine Jehl a obtenu des aveux que M. d'Harcourt n'avait pas admis lors de sa garde à vue ou devant le juge d'instruction. "Nous savons que ce monsieur vit dans la séduction, et qu'il n'est pas insensible à la séduction des autres. (...) A quel moment, dans quelles conditions, comment avez-vous pu faire avouer M. d'Harcourt alors que les gendarmes n'y sont pas arrivés ? Comment M. d'Harcourt a pu livrer ses propos très graves ?"
L'enquêtrice : "Je pense que j'ai pu entrer en résonance avec sa spiritualité. Il est à la fin de sa vie, il est profondément croyant. Alors qu'il va bientôt touché la mort, comment partir l'esprit libre ? J'ai eu face à moi quelqu'un qui s'en voulait beaucoup. Le mensonge est un pêché, quand on est catholique."


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