mercredi 23 mars 2011

Un associé très encombrant

Xavier Philippe, 53 ans, est un homme surprenant. Ex-propriétaire d’une pâtisserie réputée du quartier du Marais, à Paris, féru d’aviation de tourisme, collectionneur de sabres, de calibres 6.35, de gilets de costume et de condamnations pénales, il est, depuis le 17 mai 2005, dans le collimateur des enquêteurs de la Crim. Ce jour-là, le cadavre de Christophe Belle, 40 ans, est découvert dans un bois du Val-de-Marne, avec trois balles dans la tête. Curieusement, la victime, un boulanger, venait de contracter des assurances vie au nom de son associé, Xavier Philippe, qu’il soupçonnait, à juste titre, de malversations comptables. Trois ans après le crime, Xavier Philippe est confondu et condamné à trente ans de réclusion criminelle. Une peine confirmée en appel en juin 2010, malgré les dénégations de l’accusé qui a toujours nié avoir voulu se débarrasser d’un associé devenu méfiant.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Lors de leurs investigations, les enquêteurs de la brigade criminelle de Paris ont exhumé une curieuse procédure dans laquelle apparaît le même « client ». Le 28 avril 1998, soit sept ans avant l’assassinat du boulanger, un jeune homme tombe dans un guet-apens en rentrant dans l’appartement qu’il partage avec son compagnon, Tony Gomez, gérant du Banana Café, un bar gay et branché de la rue des Lombards. Grégory C. réussit à échapper à son agresseur, armé d’un fusil 22 long rifle, et s’en tire avec une blessure au coude.

Tueur à gages


Rapidement, Alain Samycia est appréhendé, dans un bar voisin. Selon l’accusation, cet ancien chauffeur routier originaire du Loiret serait le tireur, bien qu’il le conteste. Son téléphone portable est expertisé et, surprise, Samycia a appelé plusieurs fois, au cours de la soirée, un homme qu’il a rencontré lors d’un séjour derrière les barreaux : Xavier Philippe. Et, en cette année 1998, Xavier Philippe s’est racheté une conduite : il est le directeur financier de… Tony Gomez.

Tony Gomez et Xavier Philippe se connaissent, en réalité, depuis leur adolescence, passée à Orléans (Loiret). « Monté » à Paris pour se lancer, avec succès, dans le milieu de la nuit, Tony Gomez avait accepté d’aider Xavier Philippe à sa sortie de prison, en mémoire de Bertrand, le frère jumeau décédé de Xavier avec lequel Tony Gomez a entretenu une relation. Mais l’entente tourne court. Et, « le roi des nuits parisiennes », comme les policiers de la Crim, en est sûr : c’est lui qui était en réalité visé par le tueur à gages enrôlé par son associé.

C’est de cette tentative d’homicide, requalifiée en « complicité de violences volontaires », dont Xavier Philippe doit répondre, à compter de mercredi et jusqu’à vendredi, devant le tribunal correctionnel de Paris. Un procès qui avait été reporté, il y a un an, après la découverte d’une tentative de subornation d’un témoin. Ce témoin avait affirmé aux enquêteurs avoir vu, à plusieurs reprises, Alain Samycia s’entretenir avec « le tueur d’associé ». Avant l’audience, il avait reçu une lettre : « Tu corriges ta déclaration. Alain S. ne connaît pas Xavier. C’est tout. » A la barre, le témoin avait, de fait, tout oublié. Sauf la peur que lui inspire l’homme au gilet de costume, debout dans le box des prévenus.

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