jeudi 28 avril 2011

Affaire Le Roux : Agnelet "ne mérite pas d'être en prison"

Sa condamnation définitive pour l'assassinat de sa compagne, Agnès Le Roux, en 1977, semblait avoir douché tout ses espoirs. Mais depuis quelques mois, Maurice Agnelet, qui a toujours clamé son innocence, espère à nouveau. Il espère décrocher la révision de son procès. Et, celà, Depuis l'intervention surprise d'un ancien truand marseillais, Jean-Pierre Hernandez, qui affirme que c'est un autre homme qui a commis le meurtre. Surnommé "Gros Pierrot", Jean-Pierre Hernandez sera entendu ce jeudi par la commission de révision. Première étape d'une éventuelle route vers la révision.
La disparition d'Agnès Le Roux, 29 ans, reste une énigme judiciaire, qui remonte à la Toussaint 1977. Ce week-end là, l'héritière du casino niçois Le Palais de la Méditerranée se volatilise après être partie avec sa Range Rover. Ni la voiture, ni le corps ne seront jamais retrouvés. Après avoir bénéficié d'un non-lieu en 1985, son amant, Maurice Agnelet, est finalement renvoyé devant les assises. On accuse cet avocat d'avoir voulu mettre la main sur la fortune de la jeune femme. Acquitté en 2006, il est condamné en 2007 à 20 ans de réclusion, une peine confirmée en cassation. Tout semble alors définitif.

Mais dans un ouvrage paru en mars dernier, intitulé "Confessions d'un caïd"*, Jean-Pierre Hernandez, 75 ans raconte son passé de truand, avec l'aide du journaliste François Mattei. Au gré de ses confidences sur le milieu marseillais, cet ancien de la French Connection rapporte une conversation qu'il aurait eue en 1986 avec un ami voyou, quelques mois avant sa mort. "Jeannot" Lucchesi lui aurait confié avoir tué Agnès Le Roux dans le cadre d'un contrat. C'est sur la foi de ces affirmations qu'une demande de révision a été déposée à la Cour de cassation.

TF1 News : Dans votre livre vous affirmez que ce n'est pas Jean-Maurice Agnelet qui a tué Agnès Le Roux, mais un certain Jean-Marie Lucchesi, un proche du clan Zampa, qui dominait le Milieu marseillais dans les années 70'. Qui est ce Jean-Marie Lucchesi ?
Jean-Pierre Hernandez : Jeannot ? Je le connais depuis les années 60'. C'était un très grand ami, c'était mon frère. On a fait des affaires ensembles. On a d'ailleurs été condamnés ensemble dans le célèbre procès de la French Connection. (ndlr : une vaste affaire de trafic d'héroïne entre la France et les Etats-Unis remontant aux années 70').

TF1 News : Dans quelles circonstances vous aurait-il fait ses confidences ?
J-P.H. : Il se trouve que moi, je suis resté pendant près de 13 ans en cavale, à partir de 1975. La disparition d'Agnès Le Roux a eu lieu en 1977. Quand je suis rentré en France, au milieu des années 80, je me suis installé dans le Nord. Jeannot a alors repris contact avec moi par l'intermédiaire de mon petit frère. Il me demandait si je pouvais descendre jusqu'à lui dès le lendemain, dans le Vaucluse. Arrivé là-bas, chez mon frère, un certain Marc Monge m'attendait. (ndlr : Marc Monge, qui contrôlait les machines à sous dans le Vaucluse, a été abattu le 8 janvier 2000 à Saint-Ouen). Il m'a emmené avec une amie à moi retrouver jeannot dans un restaurant sur la montagne. Tout s'est bien passé. Et à un moment, Jeannot a dit à mon amie 'excusez-moi madame, j'ai des révélations très graves à faire à Pierrot, nous nous retirons'. Nous sommes allés dans une autre salle et c'est là qu'il m'a dit que l'affaire de Nice c'était eux. Et voilà.

TF1 News : Qu'est-ce que cela veut dire : "c'était eux" et "et voilà" ?
J-P.H. : Cela veut dire que c'est une affaire qu'il n'a pas fait tout seul ! Il ne m'a pas vraiment donné de détails, mais il m'a dit que c'était lui qui l'avait tué, que c'était un contrat, qu'il ne l'avait pas fait tout seul et qu'il n'avait pas touché son argent. Il m'a dit aussi qu'il regretté un peu. Vous savez, mon Jeannot, il avait un gros défaut : il était influençable. Il s'est fait avoir. Il avait aussi un petit service à me demander. Une chose à vérifier. Une rumeur disait que, dix ans plus tard, la voiture d'Agnès Le Roux circulait toujours dans Marseille alors qu'il l'avait envoyé pour se faire broyer. J'ai obtenu la certification que la voiture avait bien été écrasée. Je lui ai dit. Et puis voilà, j'ai mis cela dans un coin de ma tête.

TF1News : C'était votre "ami", votre "frère", pourquoi ne vous en a-t-il pas parlé plus tôt ?
J-P.H. : Comme je vous l'ai dit, j'ai été en cavale pendant de longues années. Je passais six mois en Espagne, six mois en Allemagne. On s'appelait régulièrement pour prendre de nos nouvelles. Mais il est évident que l'on ne pouvait pas parler de ce genre de choses par téléphone. Vous savez, on est tous allés en prison à cause du téléphone.

TF1 News : Vous dites que cette confidence vous a été faite en 1986. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour parler à votre tour ?
J-P.H. : Dans cette affaire, il y avait déjà eu un non-lieu. Quand je l'ai vu acquitté en 2006, je n'ai pas bougé. Et puis il y a eu cette condamnation à 20 ans en 2007. Vous savez, honnêtement, Agnelet, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, mais il ne mérite pas d'être en prison. Et puis moi, vous savez, je suis âgé, j'habite un petit village, et à ce moment là, pour vous dire la vérité, j'étais en train de me tuer moi-même. J'ai eu de gros problèmes de santé, je suis resté 18 jours en soins intensifs, et je n'arrivais pas à me sortir cette histoire de la tête. Certains ont dit ' le voyou devient sensible'. Ce n'est pas le problème. Je tournais en rond avec ce très gros soucis. Fallait-il que je le dise ? Car je savais que cela allait faire scandale. Même ma femme en a eu marre de me voir tourner en rond et elle est partie après onze ans de vie commune. J'ai finalement appelé un ami avocat. Je lui ai dit et j'ai aussitôt ressenti un immense soulagement, comme une explosion, car enfin je n'étais plus seul à porter ça. Cet avocat a averti celui d'Agnelet. Je n'ai pas de regret. Jeannot est mort il y a 23 ans maintenant et je pense qu'il aurait fait exactement là même chose si cela avait été moi.


TF1 News : Vous savez déjà ce que vous allez dire au juge ce jeudi ?
J-P.H. : Je ne leur dirai que la vérité. Je dirai tout ce que je sais. Vous savez il y a encore beaucoup d'autres gens qui connaissent eux-aussi la vérité sur cette machination. J'aurais d'ailleurs bien aimé que certains me donnent un coup de main dans ma démarche, notamment une personne, toujours vivante, mais qui ne s'est pas encore manifestée. Cette affaire, c'est une affaire de voyous. C'est une guerre de mafia. C'est uniquement le résultat de la guerre des casinos.
TF1 News : La veuve de Jeannot Lucchesi a remis sévèrement votre parole en doute, disant qu'elle ne vous a pas vu depuis 1977. Tout comme la famille Zampa, qui a porté plainte pour diffamation. Et Jean-Charles Le Roux, le frère d'Agnès Le Roux, n'y crois pas non plus, rien n'étant vérifiable.
J-P. H. Concernant Christiane, la femme de mon ami, cela me fait vraiment de la peine pour elle. Mais est-ce que vous croyez vraiment qu'un homme raconte tout à sa femme ? Est-ce que vous croyez vraiment qu'un Jeannot Lucchesi, un Gaetan
Zampa ou moi-même, on racontait tout à nos femmes ? Concernant madame Zampa, elle peut m'attaquer tant qu'elle veut, y compris par les journaux, je lui répondrai tant qu'il faut et on verra qui sera le plus fort. Je m'en fou de Gaetan Zampa. Peut-être que s'il n'y avait pas eu Gaetan Zampa, cette affaire ne serait jamais arrivée. J'ai fait cela pour régler ma situation. J'ai réglé mes affaires avec mes enfants par le livre, j'ai réglé mes affaires avec mes femmes par le livre et j'ai réglé l'affaire Agnelet par le livre. J'ai mis ma vie au clair et jeudi, lorsque je sortirai du bureau du juge, je vous garantie que ce sera l'un des plus beaux jours de ma vie.
Confessions d'un caïd
Jean-Pierre Hernandez, avec François Mattei
mars 2011, editions du Moment
16,5 euros

Aucun commentaire: