lundi 18 avril 2011

Disparus de Mourmelon : Et si Pierre Chanal n'avait pas agi seul ?

Ce n'est pour l'instant qu'une lueur dans la nuit. Mais pour Monique Dubois, cette petite flamme est une nouvelle raison d'espérer. Dans sa maison de briques rouges, à Prouvy (Nord), cet agent hospitalier griffonne des numéros de téléphone sur des enveloppes blanches et guette les visiteurs. Derrière la porte, il y aura peut-être quelqu'un qui pourra lui expliquer la vérité sur la mort de son frère Patrick, disparu pendant son service militaire quelques semaines après son incorporation, il y a trente et un ans.
Patrick, un jeune homme réservé et passionné par le maquettisme, est le premier des « disparus de Mourmelon », ces huit appelés qui se sont évaporés dans la nature, entre 1980 et 1987, dans la Marne. Une affaire close brutalement avec le suicide de l'adjudant Pierre Chanal pendant son procès aux assises en octobre 2003. Malgré l'étroite surveillance de trois gardes, il avait mis fin à ses jours dans sa chambre à l'hôpital de Reims en se tranchant l'artère fémorale à l'aide d'une lame de rasoir. « Une fois qu'il était mort, c'était fini, enrage Monique Dubois. Sa mort arrangeait beaucoup de monde. » L'adjudant comparaissait devant les juges pour le viol et l'assassinat de trois jeunes conscrits.

Course contre la montre

Privée de procès, Monique Dubois ne baisse pourtant pas les bras. Il reste encore deux ans pour demander la réouverture de l'enquête avant la prescription. Elle vient de rencontrer des proches de deux autres conscrits disparus. « Nous n'avons pas de corps, pas de réponse à nos questions. On veut savoir ce qui s'est passé et on a l'espoir de retrouver quelque chose, pour pouvoir enterrer Patrick à côté de ses parents », martèle-t-elle, la voix hachée par l'émotion. La sœur de Patrick se cramponne à son canapé beige car elle sait que son vœu pourrait faire l'effet d'une bombe.
L'adjudant Pierre Chanal, condamné pour le viol d'un auto-stoppeur hongrois, est devenu, après son suicide, innocent pour l'éternité. « Mais les enquêteurs étaient partis sur l'idée d'un prédateur unique, souligne l'avocat Guy Paris, proche du dossier. C'est une thèse susceptible d'exploser. Ce n'est pas possible que Pierre Chanal ait agi isolé. » Me Jérôme Crépin renchérit : « Il semblerait que l'ambiance particulière de Mourmelon ne soit pas uniquement de son fait, mais plutôt de pratiques collectives ».

Des témoignages anonymes

Si les avocats ont du grain à moudre, c'est qu'un livre (*), paru le mois dernier, jette le trouble sur le climat dans le camp militaire de Mourmelon. L'auteur, Eric Bellahouel, y reproduit des témoignages glanés sur Internet qui font état de violences, notamment sexuelles. Il livre également les révélations d'un homme qui assure avoir recueilli les dernières confidences de Pierre Chanal. Avant sa mort, l'adjudant aurait indiqué ne pas avoir agi seul. Seul problème : ces témoignages sont tous anonymes. « C'est suffisamment précis pour que l'on s'interroge », rétorque Me Jérôme Crépin. Même constat pour Monique Dubois, qui estime la nouvelle hypothèse tout à fait plausible. « Maintenant, les gens peuvent parler, ils ne craignent plus rien », espère-t-elle. La sœur de Patrick se tait soudainement. Elle attend son prochain visiteur pour en dire plus. Celui qui, peut-être, sera le témoin permettant de déclencher une nouvelle enquête.
(*) Les Disparus de Mourmelon. Tout n'a pas été dit, Eric Bellahouel, éditions Jacob-Duvernet
http://www.francesoir.fr/actualite/faits-divers/disparus-mourmelon-et-si-pierre-chanal-n-avait-pas-agi-seul-92750.html

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