Les débats sont clos dans l'affaire Dupet, ce beau-père accusé de viols sur cinq enfants. Le verdict est attendu ce soir. Vingt-cinq ans de réclusion criminelle ont été requis à son encontre.
Comment défendre un pédophile, récidiviste de surcroit ? Comment atteindre les jurés après le passage à la barre des cinq petites victimes ? Comment convaincre que cet homme, qui a présenté pendant une semaine dans le box des accusés le visage de l'arrogance, est torturé par ses pulsions ? « Mon client n'est pas le monstre que certains ont voulu voir, a martelé Me Herman, avocat de Didier Dupet. On dit qu'il manipule la Cour. Or, l'expert psychiatre a répondu « Non » quand je lui ai demandé si Didier Dupet structurait son attitude pendant les débats. Alors c'est vrai qu'il ne montre pas d'émotion apparente. Mais ça, c'est parce qu'on lui a volé ses larmes il y a bien longtemps. »
Revenant sur le passé de Didier Dupet, orphelin de père très jeune, se prostituant à l'adolescence pour survivre dans la rue , Me Herman a tenté d'apporter des explications aux manques de repères de son client.
Avant de poser le problème concrètement : « Monsieur Dupet est pédophile. Qu'est ce qu'on en fait ? » « Il a déjà reçu une condamnation très lourde par la Cour d'Assises : dix huit ans de réclusion en 1988. Il en a fait douze. Au cours de sa détention, il n'a vu que trois ou quatre fois un psychologue. Ensuite, c'est la sortie sèche. Voilà comment il s'est retrouvé, après une condamnation très lourde, sans aucun repères et sans aucun soutien. » Une façon de pointer les défaillances du système sociojudiciaire et de redonner un visage humain à son client, en écho aux propos des avocats des parties civiles.
« Au bout d'un moment, Outreau ça va bien »
En effet, Me Vignon et Duflot, qui représentaient les cinq enfants, ont brossé le portrait d'un prédateur sexuel, d'un parasite vivant aux crochets des femmes qu'il rencontrait. Des femmes qui toutes avaient des garçonnets. « Là, sa compagne avait quatre enfants. Quatre enfants, cela fait quatre victimes ! Quatre victimes auxquelles on rajoute le camarade de l'un des enfants », a tonné Me Vignon, revenant sur l'ignominie racontée tout au long des débats. Les avocats ont également développé le côté pervers de l'accusé, le présentant comme un homme dangereux et incurable. « Le pervers est effrayant. La perversion est une structure de la personnalité qui ne se soigne pas », a lancé Me Vignon. « Didier Dupet connait parfaitement le système. Il se présente ici comme un pédophile, habité d'une force à laquelle il ne peut résister. Il présente son enfance horrible, en disant que tout vient de là. Mais c'est un pervers sadique. Quand il a demandé pardon aux enfants, c'est la Cour qu'il a regardé, avec un petit sourire glacial », a enchainé Me Duflot.
L'avocat général Olivier Hussenet a requis 25 ans de réclusion, avec une période de sûreté des deux tiers. Il a
écarté le spectre d'Outreau et d'une éventuelle machination des enfants. « Au bout d'un moment, Outreau ça va bien. On n'est pas victime d'Outreau trois fois de suite , a-t-il lancé, faisant référence aux précédentes condamnations prononcées à l'encontre de Didier Dupet. Vous n'avez pas posé les bases d'une vérité totale. Il est plus raisonnable de penser que les 5 enfants ont été victimes de viols plutôt que un ou deux seulement. » (NDLR : Jusqu'au bout Didier Dupet a nié les sodomies sur les trois plus jeunes, tout en reconnaissant les fellations).
Quant à la mère des enfants, elle est restée affalée sur sa chaise tout au long des réquisitions ( la privation de ses droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans pour non dénonciation de crime et atteinte sexuelle). Son avocat, Me Gounkanou Toma, a insisté sur son important retard mental.
« Je demande pardon aux chtiots », a -t-elle marmonné avant la suspension de l'audience.
"ON VEUT QUE CA SE SACHE"
Ce procès devait initialement se dérouler à huis clos, à l'instar de nombreuses affaires similaires. Mais à la demande des enfants, Me Antoine Duflot ne l'a pas souhaité.
« C'est vrai qu'initialement je voulais un huis clos, précise-t-il. Mais les enfant m'ont dit : « Non, nous ne le souhaitons pas. Nous voulons que ça se sache, parce que ça nous est arrivé. » »
« C'est vrai qu'on leur dit toujours de dénoncer ce type de faits et d'en parler, de ne surtout pas les garder pour eux, au travers de campagnes de prévention contre l'inceste ou le viol, poursuit l'avocat. Et finalement, après, ces faits sont jugés à huis clos, comme si c'était honteux et qu'il fallait que rien ne filtre de la salle d'audience. Ce n'est pas cohérent. »
A la barre mercredi, chaque enfant, questionné par l'avocat sur l'importance de la parole, a affirmé que dire les faits et les dénoncer était salvateur. Même s'il leur reste encore du chemin à parcourir sur la route ardue de la reconstruction, ils ont déjà posé et sorti des mots sur une partie de leur souffrance.
http://www.aisnenouvelle.fr/index.php/cms/13/article/520551/ASSISES_DE_L_AISNE_____Il_est_pedophile_On_en_fait_quoi___
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