vendredi 15 avril 2011

Ruiné par la fermeture du tribunal, l'avocat s'en prend à l'Etat

La réforme de la carte judiciaire exécutée par Rachida Dati refait parler d'elle... Pascal Le Bihan, 48 ans, avocat à Aubusson (Creuse) va demander au tribunal administratif de Limoges de reconnaître la responsabilité de l'Etat dans sa ruine consécutive à la fermeture fin 2008 du tribunal d'instance d'Aubusson.

Pascal Le Bihan, dont la mère est creusoise, était venu de Paris dans la Creuse en 1989 comme conseiller juridique. Puis il devient avocat en 1993 et s'installe à Aubusson en 1996, seul avocat dans cette juridiction qui abrite un tribunal d'instance, chargé des petits contentieux civils. Mais la réforme de la carte judiciaire, menée par Rachida Dati, va transformer sa vie, avec la fermeture du tribunal le 31 décembre 2008, alors que la plupart des autres tribunaux d'instance visés par la réforme ferment un an plus tard. Comme "le service engendre le contentieux", soupire l'avocat sans client, beaucoup de justiciables du sud de la Creuse renoncent alors à faire les 80 ou 100 km qui les séparent de Guéret, où la réforme les oblige à aller désormais. De même, les clients institutionnels, comme les banques ou organismes de crédit voulant recouvrer une créance, se mettent alors à prendre des avocats à Guéret plutôt que de s'adresser à lui. Et La crise économique n'arrange pas les choses.
Fermeture du cabinet
Résultat, l'avocat voit son chiffre d'affaires passer de 51.000 euros en 2008 à 36.000 en 2009 et 6.500 euros au premier trimestre 2010. Certaines charges étant intangibles, le bénéfice fond plus vite encore, passant de 23.000 euros en 2008 à 12.000 en 2010. Au premier trimestre 2010, l'avocat subit même une perte de 900 euros. Il ferme alors son cabinet, renonce à s'installer à Guéret, où cohabitent déjà 16 confrères, envoie 25 CV pour trouver une place de juriste dans une entreprise, sans succès, et vit depuis un an du RSA, soit 380 euros par mois. Voulant quitter Aubusson "pour des raisons psychologiques", il vend sa maison et réside désormais dans le Berry, à une centaine de kilomètres de là.

"Ce n'est pas très facile à vivre", raconte-t-il, se disant "d'autant plus amer que sa lettre du 20 octobre au premier ministre, transmise au ministère de la Justice le 8 novembre, n'a selon lui jamais reçu de réponse", ce qu'il voit comme "du mépris". Il évoquait dans ce courrier, "déprime, angoisse et anxiété" conjuguées à "la diminution de son train de vie", le tout engendrant "une fragilité morale et le développement récent d'une hypertension".
Jurisprudence
Il soulignait également "une discrimination" puisque la loi a prévu une indemnisation pour les avocats des juridictions de grande instance, et pas pour ceux d'instance. Pascal Le Bihan a demandé fin mars au tribunal administratif de trancher l'affaire, et de reconnaître "la responsabilité sans faute de l'Etat" dans ce qui lui arrive, et son préjudice financier et moral. Il a calculé le premier à 28.744 euros jusqu'au 30 septembre 2010, et à 1483 euros par mois entre cette date et celle où la justice tranchera, et le second à 50.000 euros.

L'avocat ruiné, qui essaie actuellement de développer des projets dans l'événementiel, estime que la jurisprudence est en sa faveur. La justice administrative a déjà indemnisé un pharmacien privé de clientèle par la destruction des tours HLM du quartier, ou un restaurateur de montagne implanté près d'un télésiège fermé par les autorités locales.

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