mercredi 18 mai 2011

Dix ans pour le mendiant violeur

Le ressortissant roumain jugé à Colmar a été condamné, hier, à dix ans de réclusion. On lui reprochait le viol d’une jeune fille âgée de 18 ans au moment des faits, dans des conditions sordides, près du centre de Sélestat, en octobre 2009 («L’Alsace » d’hier).
Le défenseur mulhousien du mendiant roumain accusé de viol, incarcéré depuis l’automne 2009, a essayé de semer le doute, hier, dans l’esprit des jurés de la cour d’assises de Colmar. M e Ange Bujoli a pointé du doigt, selon lui, les contradictions de ce dossier, tout en reconnaissant qu’en temps que défenseur, il « partait avec un lourd handicap : l’image néfaste » de son client, « celle de voleur de poules ; c’est un gitan… Mais il bénéficie de la présomption d’innocence ! ».
Pour la cour, la culpabilité de son client pouvait paraître comme « évidente. Mais elle n’est pas si évidente ! ». Et de tenter de démontrer ces contradictions : « Quelqu’un qui est poursuivi pour viol ne retourne pas sur son lieu de mendicité l’après-midi même, ni quelques jours plus tard, alors qu’il avait un titre de transport pour repartir en Roumanie. »
L’avocat dit avoir relevé d’autres anomalies concernant la victime. « Les passants, les commerçants à proximité n’ont rien vu d’étrange. Imaginez ce couple, ce mendiant que tout le monde connaît dans le centre de Sélestat, avec cette jeune fille proprette bras dessus bras dessous ; ça peut paraître invraisemblable », et donc attirer l’attention. Ce ne fut pas le cas.
Le défenseur l’affirme : pour lui, « Nous sommes dans le cadre d’un quiproquo. Il n’avait aucune intention de la violer. La victime n’avait aucune intention de faire l’amour avec ce monsieur ; mais elle s’est laissée faire sans broncher, volontairement. »

« Le monde à l’envers »

L’avocate générale, Marie-Claude Weiss, s’insurge : « L’accusé dit que la victime n’a pas crié, ne s’est pas défendue, pas débattue : donc il ne l’a pas violée ! C’est une version simpliste. » La représentante du ministère public évoque également la personnalité de la jeune femme : « Il n’y a pas de place pour du mensonge chez cette jeune fille. Elle est simple, elle dit les choses comme elles viennent, sans arrière-pensées. » Impossible donc qu’il y ait une once de consentement de la part de la victime dans l’esprit de l’avocate générale : « Est-ce cet endroit-là qu’une jeune fille consentante choisirait pour perdre sa virginité ? ».
Tout comme la présidente de la cour d’assises, l’avocate générale revient également sur l’incongruité de la prétendue séduction de la victime avancée par son agresseur, dans un échange verbal d’une demi-heure selon lui, alors qu’il ne parle, en cet automne de 2009, que quelques mots de français. « Ce n’est pas crédible », martèle l’avocate générale.
M e Olivier Pernet, pour la partie civile, assure que l’accusé « ne vit que dans le mensonge », mettant en avant la tentative de suicide de sa cliente en mars 2010.
L’avocate générale revient sur le positionnement des parties : « On est en présence d’un accusé non coupable et d’une victime qui culpabilise : c’est le monde à l’envers ! ». Pour la magistrate, il faut faire prendre conscience à l’accusé « de ce viol, en le condamnant ». Et de requérir une peine de 13 années de réclusion criminelle, ainsi qu’une interdiction définitive du territoire français.
Mais pour l’avocat de la défense, qui trouve « ces réquisitions assez lourdes », il y a bien un doute. « Il n’y a pas eu volonté délibérée de violer ; il n’est pas pervers, l’expert l’a dit. Et la moindre des choses, s’il y a un doute, c’est qu’il bénéficie à l’accusé. Si vous le condamnez, c’est que, vraiment, il a une sale tête ! ».
Les jurés ont condamné l’accusé à dix ans de réclusion criminelle, ainsi qu’à dix années d’interdiction de territoire français. Il sera également inscrit au fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles. Il devra verser notamment 2 000 € de dommages et intérêts à sa victime, ainsi que 13 000 € au titre du préjudice moral.
http://www.lalsace.fr/actualite/2011/05/18/dix-ans-pour-le-mendiant-violeur

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