vendredi 20 mai 2011

« Il était muet comme une image »

À l’en croire, Francis Thurnherr n’a rien compris à ce qui lui est arrivé le 17 novembre 2008, à Biesheim. M. Thurnherr, 48 ans, est la seconde victime de Dominique Mayer, jugé depuis mercredi à la cour d’assises du Haut-Rhin à Colmar, pour l’assassinat de Francky Stahl le 14 novembre 2008 et pour tentative d’assassinat sur Francis Thurnherr (L’ Alsace d’hier).
Dominique et Francis étaient collègues de travail depuis quelques mois à Algolsheim. Ce 17 novembre, le premier est passé tard à l’usine pour demander au second d’aller chez lui quand il aurait fini ses heures. Une fois sur place, toujours d’après la victime, Dominique lui a servi un verre et après quelques échanges professionnels, n’a plus rien dit. « Il était muet comme une image ! », a-t-il raconté. Et d’ajouter : « Il n’était pas dans un état clair, il avait bu et en plus, il fumait ses saloperies… Après, il est allé se changer et il m’a dit : ‘‘On y va !’’ Je lui ai demandé où et il ne m’a pas répondu. Je lui ai dit que j’étais fatigué et que je voulais rentrer. Mais j’ai trouvé un hic devant moi : la porte était fermée. »

« Il m’a dit d’appeler la police »

S’en suit la scène de violence que l’on connaît : des coups de poings et des coups de couteau. Mais Francis Thurnherr, sportif, se défend bien et convainc le jeune de lâcher le couteau. Et là, Dominique Mayer raccompagne sagement son hôte à la porte pour le laisser partir. « Après, il me dit : ‘‘Donne-moi des coups de couteau !’’ Je lui ai répondu : ‘‘T’es malade dans la tête !’’ Il m’a dit d’appeler la police. »
On sait qu’il appellera le Samu et déposera devant les gendarmes seulement le lendemain. Ce qui interroge encore aujourd’hui la justice. Pourquoi ne pas l’avoir fait tout de suite ? La victime raconte son séjour à l’hôpital, son interrogatoire par les gendarmes et sa mise en garde à vue. « Les gendarmes croyaient que je racontais des salades. Ils m’ont fait mijoter et après, ils m’ont parlé d’un cadavre. Ça m’a remonté là ! J’ai été libéré, l’histoire s’arrête là. »
Mais pour la présidente, Anne Gailly, l’histoire ne s’arrête pas là puisque l’accusé affirme, lui, avoir demandé à Francis de l’aider à se débarrasser du corps de Francky Stahl qu’il avait tué quatre jours plus tôt. Face à un feu nourri de questions, sur la défensive, la victime rescapée commence par répondre « Non » ou « C’est impossible », avant de reconnaître que, oui, Dominique lui avait demandé de l’aide « pour tabasser un gars », « le tenir pendant qu’il le couperait au visage ». Mais qu’« il n’a jamais donné suite », se bornant à lui répondre qu’il allait « réfléchir ».

« Je ne voulais pas le tuer »

Francis Thurnherr assure que le soir des faits, il ne lui a rien demandé de précis, contrairement à ce que prétend l’accusé.
Hier matin, en effet, Dominique Mayer a expliqué qu’il avait demandé à son collègue de l’aider à sortir le cadavre et que Francis avait répondu qu’il allait se coucher : « Sa réaction était complètement décalée. Je ne voulais pas le tuer, je voulais le mettre à terre pour comprendre sa réaction. Il me dit qu’il est fatigué alors que je veux lui parler du cadavre ! » L’avocate générale Madeleine Simoncello lui fait remarquer que ce n’est guère cohérent : « Je sais, c’est pas logique. Qu’est-ce que vous voulez, j’avais un corps chez moi. Vous ne pouvez pas comprendre. Moi-même, je ne comprends pas pourquoi j’ai agi de la sorte. »
Il a aussi précisé qu’il n’avait pas voulu donner des coups de couteau à son visiteur : « Je lui donnais des coups de poing, mais comme je tenais un couteau dans la main, cela l’a blessé sans que je le veuille. » Une thèse difficile à croire, mais qui n’a pas été démenti par l’expert légiste Maryelle Kolopp : « Les plaies de M. Thurnherr sont superficielles, tangentielles. Cela plaiderait pour des plaies faites par des mouvements. » Son collège le Dr Cerfon pencherait pour les traces « d’esquives ».
La journée s’est terminée avec le directeur d’enquête, Jean-Luc Franck qui a rappelé son premier contact avec l’accusé, suite aux déclarations de Francis Thurnherr : « On est allé chez lui. Il m’a fixé dans les yeux et m’a dit : ‘‘Oui, mais ce n’est pas ça le plus important. Le plus grave, c’est le cadavre de Francky dans mon domicile.’’ » Verdict ce soir. Dominique Mayer encourt la perpétuité.
http://www.lalsace.fr/actualite/2011/05/20/il-etait-muet-comme-une-image

Aucun commentaire: