mercredi 22 juin 2011

Les larmes de Loïc Sécher, l'humiliation d'Emilie

Au deuxième jour du procès de Loïc Sécher, accusé de viols sur mineure, la victime présumée est apparue pour la première fois en public. La Cour d'assises de Paris s'est penchée sur la genèse de ses déclarations, rétractées depuis.
Le mot "viol" a circulé sur toutes les lèvres: enseignants, parents, gendarmes, médecin, tous en ont parlé. Au fond, une seule personne semble ne jamais l'avoir prononcé: la victime, elle-même. Lors de ses premières déclarations, Emilie, alors âgée de 14 ans, n'aurait pas explicitement affirmé avoir été abusée sexuellement. Lorsque ses professeurs lui ont posé la question, en novembre 2000, elle s'est contentée d'acquiescer. Sans plus de précision. De même, quand ses parents suggèrent le nom de Loïc Sécher, la jeune fille approuve. Ses confessions ricochent d'un interlocuteur à l'autre, le fil de la parole serpente entre les non-dits pour, finalement, aboutir à des confidences livrées à demi-mots. Cela sera néanmoins suffisant pour lancer la machine judiciaire. Suffisant pour condamner Loïc Sécher à seize ans d'emprisonnement.
Lors de ce second jour de procès, mardi, la Cour d'assises cherche donc à comprendre, en essayant de remonter à la source de ces accusations. Voyage dans le temps, dix ans auparavant, dans le petit collège d'Ingrandes (Maine-et-Loire) où l'histoire se noue.
A l'époque, les enseignants de l'établissement s'interrogent sur le brusque changement de comportement de l'adolescente. A la barre, sa frêle professeure de physique, Karine Etévenard, décrit, d'une voix timide, une jeune fille "triste", "introvertie", "qui a peur de rentrer à la maison". Elle souffre d'anorexie, "se mutile plus ou moins" et fait des malaises en classe. "Je la voyais décliner progressivement. C'est terrible quand vous avez devant vous un enfant qui va si mal", complète, Michaël Deshaies, son collègue de français.
Le temps s'est figé sur Emilie
L'équipe pédagogique prend alors les choses en main. Le samedi 25 novembre 2000, ces deux enseignants se réunissent dans une salle du collège avec Emilie et une amie à elle, Elodie. La rencontre dure deux à trois heures. L'adolescente est en pleurs. Elle indique avoir été victime d'abus sexuels. Aucun nom ne filtre, seulement une vague description qui rappellera aux parents, leur voisin, Loïc Sécher. "Elle ne m'a jamais dit: 'je me suis fait violée.' Elle m'a dit qu'on lui avait fait du mal", souligne sa camarade Elodie, une jolie blonde en jeans, aujourd'hui âgée de 24 ans.
Le contraste entre les deux anciennes amies de classe est saisissant. Le temps semble s'être figé sur Emilie, assise sur le banc des parties civiles. Dix ans après les faits, on entrevoit toujours l'adolescente fragile de l'époque. Enveloppée dans un survêtement rose-bonbon, elle fait figure d'éternelle collégienne. Durant cette audience qui prend des allures de réunion des anciens du collège d'Ingrandes, la jeune fille ploie. La tête entre ses mains, et les yeux rivés au sol, elle peine à maîtriser sa jambe qui sautille d'angoisse.
Les souvenirs douloureux ne lui sont pas épargnés. Notamment ce cours d'histoire en classe de 5e où Emilie masturbait l'un de ses camarades dans la pénombre d'une projection vidéo. Me Eric Dupond-Moretti, l'avocat de Loïc Sécher, tempête: "C'est un rapport forcé!" De son côté, le jeune homme impliqué déclare: "C'est un peu bête, c'était un jeu."
Larmes
Puis, dans l'intimité du huis clos, demandé par son avocate, Me Cécile de Oliveira, l'audience bascule, selon les personnes présentes. Confrontée à cet ancien camarade, Emilie s'exprime pour la première fois devant le tribunal et revient sur son mal-être. Elle s'était déjà rétractée dans une lettre en 2008. "On a vécu un grand moment d'audience où tous les jurés regardaient la jeune femme, des larmes dans les yeux", raconte Me Eric Dupond-Moretti. "Elle a expliqué avoir vécu un moment humiliant avec des garçons de l'école. Lorsque ses parents ont lâché un nom, elle a approuvé et a été incapable de revenir en arrière. Elle était prisonnière de son mensonge. Aujourd'hui, elle est soulagée d'avoir pu se libérer."
En entendant les confessions de la jeune femme, Loïc Sécher aurait fondu en larmes. On l'avait presque oublié cet homme, fantôme de son propre procès lors de cette journée où son nom n'a même pas été évoqué. Désormais, les dés de l'innocence semblent être jetés mais le procès doit se poursuivre pour que "la justice soit rendue dans les formes", rappelle Me Cécile de Oliveira.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/les-larmes-de-loic-secher-l-humiliation-d-emilie_1004849.html

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