L'accusation a prêté main-forte à la défense au premier jour, lundi, du procès en révision de Loïc Sécher pour tailler en pièces l'enquête de gendarmerie qui a conduit en prison pour viol cet ancien ouvrier agricole de Loire-Atlantique. Sa condamnation à 16 ans de réclusion, prononcée en 2003 et confirmée l'année suivante en appel, a été annulée en avril 2010 par la Cour de révision.
"J'ai toujours clamé mon innocence" (Loïc Sécher)
En 2008, Émilie, la jeune fille qui l'avait accusé fin 2000 de viols et d'agressions sexuelles, très fragile, vivant un profond mal-être, s'est rétractée, avouant qu'elle avait menti et souhaitant désormais qu'il soit innocenté. "J'ai toujours clamé mon innocence", a rappelé à la cour d'assises de Paris Loïc Sécher, 50 ans, cheveux ras poivre et sel, blouson et pantalon noirs, défendu par le célèbre pénaliste lillois, Éric Dupond-Moretti, et un avocat du barreau de Genève, Me François Canonica. "Je vis cette nouvelle épreuve avec beaucoup d'émotion, surtout avec le rappel des faits", a-t-il ajouté en évoquant la mémoire de son père, décédé en début d'année, qui avait pleuré lorsqu'il avait été condamné.
Aîné d'une fratrie de quatre et issu d'une famille d'agriculteurs sans grands moyens, ayant "loupé son BEP", il a expliqué qu'il avait dû travailler à 18 ans comme ouvrier arboricole, saisonnier, puis qu'il avait été affecté à l'entretien d'un golf. Vers les années 2000, "j'ai ressenti de la fatigue, j'avais un problème d'identité sexuelle, j'avais de la peine à assumer mon homosexualité, a-t-il dit. Dans un milieu rural, ça ne passe pas toujours bien..." Il était dépressif, buvait trop, a fumé du cannabis. Puis, à la fin du mois de novembre 2000, a-t-il constaté, "le monde s'est écroulé autour de moi". Il a été interpellé, placé en garde à vue, écroué, condamné. "Alcoolisé, dépressif, homosexuel, ayant fumé des joints" : autant d'éléments de nature à alimenter une machine à "forger une culpabilité", a souligné Me Éric Dupond-Moretti.
Lacunes de l'enquête
"On s'est servi de tout ça, n'est-ce pas ?" a demandé l'avocat à Loïc Sécher. "Je cherche à comprendre", a simplement répondu son client. Le gendarme Olivier Rouault, qui était à l'époque directeur de l'enquête confiée à la brigade de Varades (Loire-Atlantique), a ensuite été placé sur le gril, non seulement par la défense, mais aussi par l'avocat général, François-Louis Coste. Celui-ci s'est dit "choqué" face à certaines lacunes de l'enquête : des témoins-clés des troubles psychiques de la jeune fille au sein de son collège, où elle faisait des malaises, ne mangeait plus rien, n'ont pas été entendus. De rares amies ont été entendues, ainsi qu'un seul garçon, alors que la commission de révision dira par la suite que l'adolescente avait subi "des humiliations, notamment de nature sexuelle, de la part de camarades du collège".
Me Éric Dupond-Moretti a, de son côté, crié au "scandale absolu" quant aux conditions dans lesquelles s'était déroulée la garde à vue de Loïc Sécher, "contraires au respect élémentaire des droits de la défense". Les parents d'Émilie ont également été brièvement entendus. "Nous sommes obligés de constater qu'elle a dit une chose à un moment et une autre aujourd'hui", a déclaré son père, Patrice Redureau, militaire de carrière. "Je ne peux pas dire si la vérité est celle d'il y a dix ans ou celle d'aujourd'hui", a-t-il ajouté. En matière criminelle, Loïc Sécher est depuis 1945 le septième condamné à avoir obtenu une révision de son procès. Les six autres ont tous fini par arracher l'acquittement. Le procès est prévu jusqu'à vendredi.
http://www.lepoint.fr/societe/proces-en-revision-de-loic-secher-accusation-et-defense-fustigent-l-enquete-20-06-2011-1344049_23.php
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