samedi 23 juillet 2011

Deux Congolais assassinés : trois accusés aux assises, dix ans après

Chasse-sur-Rhône. Coup d’État, trafic d’uranium, un affairiste belge qui se dit espion, un décorateur monégasque et le milieu lyonnais en toile de fond. L’affaire qui a affolé la justice.
Plus de dix ans de procédure, cinq juges d’instruction successifs - trois à Vienne, deux à Grenoble. L’affaire a affolé les compteurs judiciaires. Au bout du compte, trois hommes sont renvoyés aux assises de l’Isère, accusés d’avoir ourdi l’exécution de deux ressortissants congolais, le 29 décembre 2000 à Chasse-sur-Rhône (Isère). Un ultime recours est examiné cet été par la chambre de l’instruction. Sauf retournement de situation, le procès devrait se tenir l’année prochaine.
« On n’y croyait plus, c’est l’aboutissement d’une bataille à la durée extravagante, les proches veulent entendre la justice se prononcer » réagit Frédéric Lalliard. L’avocat lyonnais est constitué partie civile pour la famille d’une victime, disséminée dans le monde entier. Aimé Atembina, 40 ans, Philémon Naluhwindja, 43 ans, ont été tués de deux balles dans la nuque, carbonisés sur le siège arrière d’une Renault Scenic, abandonnée dans un champ. Le premier, ancien capitaine de Mobutu, animait un mouvement de résistance au nom de la tribu Maï Maï. Le second était dirigeant d’une société minière. Réfugiés en Belgique, les deux hommes semblaient fomenter un complot contre Laurent-Désiré Kabila, président congolais assassiné en janvier 2011. Le dossier d’instruction a permis de saisir des documents dans lesquels apparaît l’organigramme d’un état-major de putschistes. Il est aussi question d’achat d’armes à Belgrade, de trafic d’uranium. Un témoin entendu en Allemagne affirme que Naluhwindja était impliqué dans une transaction d’uranium avec Al Qaïda.
Au-delà de multiples activités nébuleuses, plus ou moins consistantes, l’enquête des gendarmes de la section des recherches de Grenoble a retracé les ultimes heures de l'emploi du temps des victimes. L’un partait de Bruxelles, l’autre de Dysneyland à Marne-la-Vallée, pour un rendez-vous à la gare de la Part Dieu. Selon l’accusation, Benoit Chatel, 47 ans, Belge au passé africain, serait au centre du mortel traquenard. Pour des motifs aux versions variables. Peur de représailles dans un méli-mélo politique ? Dette fatale sur fonds de commerces illicites ? L’homme d’affaires multicartes, condamné à plusieurs reprises pour escroquerie, s’est dit agent de la Direction générale des services extérieurs (DGSE). Il a évoqué une enveloppe qui devait être remise aux opposants congolais. Puis une rencontre qui aurait complètement dégénéré sans qu’il soit au courant. Un officier de la DGSE a relativisé son rôle d’espion présumé. Quelle qu’en soit la raison, le Belge a sollicité un de ses amis, Alain Dévérini, 59 ans, décorateur à Monaco, associé dans plusieurs affaires au Congo. Il lui aurait fait part de ses ennuis. Comme au jeu du Mistigri, Dévérini aurait ensuite chargé un troisième personnage de faire peur aux méchants congolais, contre une enveloppe de 200 000 F (30 000 euros). Il aurait recruté un certain Domenico Cocco, 59 ans, connu pour de solides connections dans la région lyonnaise où il a laissé un nom dans les fichiers. Un Cocco en affaire avec le décorateur autant qu’efficace dans le recouvrement de créance. Ce dernier a bien confirmé l’existence d’un rendez-vous à la Part Dieu. Il a évoqué deux inconnus qui auraient malheureusement outrepassé leur mission.
Les trois accusés ont été remis en liberté depuis plusieurs années. Ils contestent toute intention homicide. La cour d’assises de l’Isère va avoir du pain sur la planche.
http://www.leprogres.fr/rhone/2011/07/21/deux-congolais-assassines-trois-accuses-aux-assises-dix-ans-apres

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