samedi 16 juillet 2011

Le juge Marc Trévidic: "J’ai envoyé un innocent en prison"

"Je sortais de l’Ecole nationale de la magistrature et je ­venais d’être nommé juge d’instruction au tribunal de Péronne, dans la Somme. C’était mon premier poste. Je devais avoir 25 ans. C’est un petit tribunal où il y a beaucoup d’affaires de drogue et d’inceste. Un jour, je reçois la plainte d’une jeune femme de 19 ans qui accuse son frère de 28 ans de l’avoir violée. Tous les deux habitaient chez leurs parents. L’accusatrice paraissait crédible, d’autant plus qu’elle avait pris un avocat et s’était constituée partie civile. Même s’il niait tout, le frère m’avait fait mauvaise impression, je le trouvais agressif. Après avoir interrogé tout le monde, j’ai laissé le frère libre, mais sous contrôle judiciaire. A peine sorti de mon bureau, il est allé “casser la gueule” de sa sœur. Je l’ai donc placé en détention pour violation de son contrôle judiciaire. Quelques jours plus tard, les expertises psychiatriques venaient corroborer mes premières impressions : pas de mythomanie chez la sœur, une incapacité à tolérer la frustration chez le frère.

La preuve d'un viol

A ce moment-là, l’affaire ne faisait pour moi pas de doutes. Puis la sœur m’a appris qu’elle était enceinte et qu’elle comptait avorter. Pour elle, c’était la preuve du viol, puisqu’elle disait n’avoir eu aucun rapport sexuel, hormis celui subi avec son frère. Je lui ai donc proposé de faire un test ADN sur l’embryon pour obtenir la preuve absolue. C’était une nouveauté à l’époque. J’étais alors très confiant : le test devait confirmer le viol. Mais, après quelques semaines, coup de théâtre : le laboratoire scientifique de Lille m’apprend que le frère n’est pas le père. Ce que confirmera une contre-expertise. Celui-ci a été ­libéré après trois mois et demi de prison. Je me suis pris une vraie “claque dans la gueule”. J’ai ­appris que, devant un juge, vous avez des gens qui présentent bien et d’autres qui ne savent pas se défendre. Ce n’est pas pour ça qu’ils sont coupables. Aujourd’hui, dans une instruction, je me méfie toujours des éléments subjectifs, des impressions. Je me concentre sur les faits."
Cette histoire est aussi racontée dans le livre de Marc Trévidic « Au cœur de ­l’antiterrorisme », paru aux éditions JC Lattès
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Politique/Actu/Le-juge-Marc-Trevidic-J-ai-envoye-un-innocent-en-prison-313431/

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