mardi 19 juillet 2011

Un salarié licencié gagne en appel

Quatre années dans un établissement de luxe du Sud de l'Aisne l'ont brisé. Après une longue procédure, l'ancien chef de rang vient d'obtenir réparation.

AU sein de l'hôtel-restaurant du Sud de l'Aisne Le Château de Fère, les clients reçoivent un accueil quatre étoiles. Pour certains salariés, le traitement est loin d'être aussi luxueux.
Après 4 ans de procédure, Sumith Amarasinghe, ressortissant Sri-Lankais, respire enfin. Il vient d'obtenir gain de cause dans le conflit qui l'opposait à cette prestigieuse enseigne. Le licenciement de cet ancien salarié a été jugé « dépourvu de cause réelle et sérieuse » par la cour d'appel d'Amiens. Par ailleurs, l'établissement a été condamné à lui verser des « dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ». Malgré notre sollicitation, ni la direction, ni le propriétaire de la société n'ont souhaité apporter de commentaires au jugement.


Insultes et brimades
Pour Sumith Amarasinghe, l'embauche au Château de Fère était avant tout un aboutissement. Marié à une Sud-axonaise, il vient s'installer en France en 1999. « Je ne parlais pas très bien français à ce moment, mais maîtrisais parfaitement l'anglais. Auparavant, j'avais travaillé dans plusieurs palaces dans mon pays », indique-t-il avec un fort accent. D'une nature besogneuse, l'homme se familiarise avec la langue de Molière dans de « petits » établissements de la région parisienne et du secteur.
En 2002, il est engagé en qualité de commis de cuisine par la société le Château de Fère. « Nous étions très organisés pour assurer le " standing " du service en salle. Tout se passait bien. » Deux ans plus tard, un nouveau maître d'hôtel prend la tête de l'équipe du restaurant. « Petit à petit, c'est devenu l'enfer… », commente Sumith Amarasinghe. Les choses empirent encore lorsqu'il est promu chef de rang le 1er octobre 2005.
Le maître d'hôtel, puis la directrice ont un comportement inapproprié envers leur subordonné. La cour d'appel a évoqué des courriers du salarié, dénonçant notamment les insultes proférées par ses supérieurs : « macaque, babouin, rastaquouère », pour l'un, « fainéant, nègre, incapable » pour l'autre.


Dépression sévère
Le propriétaire de l'établissement, résidant au Japon, est avisé, mais renouvelle sa confiance dans la direction. « Il n'a, à aucun moment, envisagé de procéder ou de faire procéder, en raison de son éloignement géographique, à la moindre vérification sur les dénonciations », relève la cour d'appel. Trois salariés, dont Sumith Amarasinghe, pointent du doigt les entorses de la direction à législation du travail. Depuis les faits, il est nécessaire de préciser que l'équipe dirigeante a subi des changements au cours du deuxième semestre 2010.
L'ancien employé d'origine étrangère fait état d'autres brimades. Des congés accordés puis refusés au dernier moment, des pauses pour les repas qui sautent, des heures non comptabilisées… « Ils n'admettaient sûrement pas qu'un homme de couleur soit à ce stade dans la restauration », explique le secrétaire de l'union local CFTC Noël Vacaresse. Le représentant syndical s'est penché sur le dossier au moment où Sumith Amaringhe se trouvait au fond du trou. En juillet 2006, le trentenaire craque. Il souffre d'une « dépression qualifiée de sévère », par le médecin-conseil de l'assurance-maladie et « réactionnelle à problématique professionnelle avec blessure narcissique », par un autre expert. La pression de la direction ne se relâche pas pour autant. Pendant son arrêt maladie, au mois de février 2007, l'homme reçoit trois lettres de mises en demeure pour justifier de son absence. Alors que le salarié a, selon la juridiction amiénoise, transmis les pièces en temps et en heure.


La justice lui donne raison
Le 5 mars de la même année, il est convoqué à un entretien préalable au licenciement. « Il était en miettes lorsque nous l'avons récupéré », se remémore Noël Vacaresse, qui l'accompagne lors de l'entrevue. Le père de famille ne peut même pas aller jusqu'au bout de l'entretien tant il est encore fragile.
Le 8 mars, il reçoit sa lettre de licenciement. Motif : faute grave. Le courrier est parti alors que le médecin expert n'avait même pas établi une date de reprise du travail pour le salarié ! Conseillé par la section syndicale et un avocat saint-quentinois, Sumith Amarasinghe porte le dossier aux Prud'hommes.
La juridiction, dans sa décision, coupe grossièrement la poire en deux. Trois ans plus tard, fin juin dernier, la cour d'appel s'est prononcé ensuite largement en faveur du salarié. La partie adverse a porté l'affaire devant la cour de cassation. La haute juridiction va statuer sur la forme. Sur le fond, l'affaire est déjà jugée.
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/chateau-de-fere-un-salarie-licencie-gagne-en-appel

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