lundi 15 août 2011

Qu'est-il arrivé à « l'héritier de la Redoute » ?

Nul ne sait ce qui est arrivé à ce drôle d'entrepreneur.

 En novembre 1989, le tribunal correctionnel de Lille reçoit un hôte de marque. Il s'appelle Charles Pollet, il habite Roubaix. Son homonymie avec un des fondateurs de la Redoute ne doit rien au hasard : il en est le fils aîné. On le dit millionnaire. Pourtant, il comparaît pour une magouille de bas étage. Il a revendu pour 8 500 francs une voiture qu'il avait achetée 700 francs. Entretemps, il n'a effectué aucune réparation. Il s'est juste contenté de gommer la liste des défauts sur le contrôle technique. L'acheteur était un jeune Roubaisien de 20 ans.

À l'époque, cette comparution qui se solde par une amende de 20 000 francs et 7 800 francs de dommages et intérêts passe néanmoins inaperçue. Pas une ligne dans les journaux. Quand on apprend, le vendredi 16 février 1990, que Charles Pollet a disparu, pas un journaliste ne narre cette anecdote croustillante...

Une passion pour les voitures
Au départ, les renseignements sont succincts. Charles Pollet, 69 ans, a été vu pour la dernière fois le jeudi 8 février. On a retrouvé son appartement toutes lumières allumées, sa voiture n'était plus dans son garage. Il n'a donné aucun signe de vie durant le week-end, alors le lundi, un de ses fils accompagné d'un avocat de la famille s'est rendu au commissariat de Roubaix pour signaler la disparition.
Qu'est-il arrivé à Charles Pollet ? L'affaire semble complexe et touche une « personnalité », alors elle est très vite confiée à la police judiciaire de Lille. La clé se trouve certainement dans la vie de ce millionnaire qui n'avait pas peur des dettes.
La presse le surnomme « l'héritier de la Redoute », mais c'est en partie inexact. Déjà parce que dès 1988, c'est le groupe Printemps qui est devenu majoritaire dans le capital de l'entreprise de vente par correspondance. Charles Pollet en a bien été actionnaire et même administrateur, mais il n'a jamais joué un rôle de premier plan au sein de la Redoute. Son truc, c'était les bagnoles, surtout les voitures anciennes, et les transactions immobilières.
Au travers de différentes SCI (sociétés civiles immobilières), il s'est bâti un petit empire dans le Nord, mais aussi sur la côte d'Azur et en Corse. Sa passion pour les voitures, il l'a longtemps assouvie en gérant un garage spécialisé dans les modèles prestigieux boulevard Victor-Hugo à Lille.
Il n'a jamais réellement pris de retraite : il dispose encore, lors de sa disparition d'un entrepôt rue Winoc-Chocqueel à Tourcoing où il stocke des voitures. À bientôt 70 ans, il est décrit comme un homme encore très actif, dynamique, qui travaille encore 15 heures par jour. Patrick Bonte, alors journaliste à Nord éclair, rencontre les concierges de la résidence Trianon, avenue Gustave-Delory, où se trouve le vaste appartement de Charles Pollet. Ils évoquent un homme « en pleine possession de ses moyens, en excellente santé », un homme « qui court toujours ». Un homme très gentil et aimable.
Pour les policiers, c'est un casse-tête. Aucun indice dans l'appartement : aucun dossier ne semble avoir disparu, tous les objets semblent à leur place.
Aucune trace de lutte. Une disparition volontaire ? Un suicide ? Cela colle difficilement avec la personnalité de Charles Pollet. « Il était plein d'allant, il aimait la vie », assure son avocat, Me Jean-François Perreau. Un rapt ? Aucune demande de rançon n'a été formulée.
La thèse d'un règlement de compte est privilégiée par les enquêteurs et par le Parquet qui ouvre une information contre X le lundi 19 février pour arrestation illégale et séquestration. Son commerce de voitures d'occasion et sa façon très particulière de réaliser des plus-values, comme l'illustre sa condamnation de novembre 1989, pourraient lui avoir valu des inimitiés. À moins que ses transactions immobilières à l'autre bout de la France l'aient fait rencontrer des gens peu recommandables. « Ce n'est probablement pas à Lille que se trouve la clé de l'énigme », glisse le procureur Serge Dintrog. Les policiers se rendent à Marseille, à Nice, à Cannes, en Corse du sud où Charles Pollet gère une SCI propriétaire de 400 hectares dans une zone protégée. Sans résultat.
Les jours passent. Et plus ils passent, plus l'absence d'éléments concrets est propice à la rumeur. Un témoin vient raconter qu'il a vu Charles Pollet en Belgique, à bord de sa Renault 25 couleur grenat. Il est catégorique : Charles Pollet portait même un survêtement. Un témoignage bidon.

Du sang dans sa Renault 25
Plus intéressant, on apprend que Charles Pollet avait coutume de laisser les lumières allumées dans son appartement quand il était absent. Le jour de sa disparition, il est passé à son garage de Tourcoing. Ses ouvriers, occupés à retaper des voitures, se souviennent d'un coup de fil d'un correspondant anonyme. Il aurait fixé un rendez-vous à Charles Pollet qui serait parti juste après.
Un scénario se dessine. Les policiers gardent espoir. Et, coup de théâtre, on retrouve la voiture du disparu le 26 février. La chance semble enfin sourire aux enquêteurs. La Renault 25 grenat immatriculée 3272 NW 59 a été repérée presque par hasard par une patrouille de police à Courbevoie, en région parisienne. Les dernières personnes à avoir conduit le véhicule l'ont garé tout à fait régulièrement, trois jours plus tôt, sur le petit parking d'une résidence et n'ont même pas maquillé les plaques minéralogiques !

Forte récompense
Enfin des indices. La voiture est transportée jusqu'au laboratoire de la police scientifique de Lille. On fouille Courbevoie et ses alentours à la recherche du corps de Charles Pollet. Mais les espoirs des policiers de la PJ sont déçus. La R25 a été retrouvée fermée à clé, l'antivol de la direction n'a pas été forcé. À l'intérieur, on a découvert un journal parisien daté du 8 février 1990 et un bidon rempli de liquide inflammable et muni d'une mèche. Les sièges ont été lessivés, mais il reste des traces de sang. À l'époque, on ne pratique pas encore d'analyse ADN. Les scientifiques déterminent seulement que ce sang est de groupe A+, comme l'est ou l'était celui de Charles Pollet.
Mais tout ça, finalement, ne met pas beaucoup d'ordre dans le puzzle que les policiers tentent de reconstituer. Pas de corps, pas de certitude sur le mobile.
En désespoir de cause, en mai 1990, la famille de Charles Pollet promet une « forte récompense à toute personne susceptible de fournir des renseignements sérieux sur sa disparition ». Le montant n'est pas précisé, mais s'agissant d'une famille fortunée, la promesse est alléchante.
Rien, si ce n'est des rumeurs fantaisistes. En février 1993, trois ans après les faits, Nord éclair publie un article sur « le mystère intact » de la disparition de Charles Pollet. Le brouillard entourant cette affaire est toujours aussi épais.
http://www.nordeclair.fr/Locales/Roubaix/2011/08/14/qu-est-il-arrive-a-l-heritier-de-la-redo.shtml

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