samedi 3 décembre 2011

Drame au château d’Arcy : la fatalité serait-elle écartée ? suite..

Lors des obsèques du curé Plasse, à Saint-Yan, l’abbé Fraty a noté le comportement étrange de Jean-Baptiste Cavalere. Ancien séminariste à Chambéry, Cavalere est un jeune Italien qui occupe les fonctions de précepteur au château d’Arcy. Au cours de la cérémonie, Cavalere était tellement agité que le bon curé lui a proposé de faire halte au presbytère de Vindecy. Le jeune homme s’est confié à l’homme d’église ; il est effectivement très perturbé : il accuse les domestiques du château d’avoir tué son chien, sur lequel il avait reporté toute son affection ; il pense également que ses maîtres lui en veulent. Au cours de la soirée, l’abbé a développé des trésors de patience et d’ingéniosité pour rassurer Cavalere. Au terme d’une nuit de repos au cœur de la quiète campagne brionnaise, les deux hommes se mettent en route. Le bon abbé a en effet décidé de raccompagner le précepteur au château. Il va lui servir d’ambassadeur auprès de M. et Mme de Saint-Cyr puisque le jeune homme pense être en délicatesse auprès des parents de son élève.

La situation va-t-elle s’arranger ?

Nous sommes le 12 décembre 1849. Il a neigé pendant la nuit. Mais la matinée est ensoleillée. Au terme d’une vivifiante promenade dans un paysage d’une douceur féerique, Simon Fraty et Jean-Baptiste Cavalere parviennent à Arcy. Ils sont introduits dans le grand salon, auprès de madame. Elle est seule. Monsieur est parti à Roanne. Il est allé déposer de l’argent à la banque. Dans sa cervelle malade et enfiévrée, Cavalere imagine aussitôt que son maître est allé chercher un nouveau précepteur pour son fils. Il commence à s’agiter. Il a des gestes désordonnés. Il se met à respirer bruyamment, à lever les yeux au ciel. Son français se fait plus hésitant. Il truffe ses propos d’expressions italiennes à peine compréhensibles. C’est bien connu, depuis que le monde est monde, et sous tous les cieux de la terre, les nerveux énervent, les agacés agacent, les malades rendent malades. Madame de Saint-Cyr en son beau château, n’échappe pas à la règle : froide et hautaine, elle ne tarde pas à congédier son précepteur. Sur un ton qui n’admet pas de réplique, elle l’engage à rejoindre son élève, le jeune François-Marie-Théodore Thomé de Saint-Cyr. L’abbé Fraty reste auprès de Mme de Saint-Cyr. Cavalere monte dans sa chambre, qui sert également de salle d’études. Il va prier son élève de l’y rejoindre afin de lui dispenser son enseignement ; qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, il faut toujours qu’il intéresse l’enfant aux charmes de la cueillette des olives en Provence, aux mystères de la reproduction des libellules et aux subtilités de l’accord du participe passé, sans oublier, naturellement, les charmes de la 4 e déclinaison latine et les mystères qui subsistent autour de la sépulture de Marguerite de Bourgogne, qui vécut les heureuses heures de son enfance à Couches.

Conversation de salon

La châtelaine irrite le bon abbé. Elle tient à son fils unique comme à la prunelle de ses yeux et place en lui toutes ses espérances afin que le nom si prestigieux de son noble époux ne s’éteigne pas. Soit. L’abbé lui oppose qu’ a fortiori dans ce cas, il serait pour le moins bienvenu qu’elle donne à son enfant un précepteur jouissant d’une bonne santé physique et mentale. Il conseille même à Madame de Saint-Cyr de renvoyer Cavalere se reposer quelques mois dans son pays et lui suggère même un remplaçant pour cette période. Mais la châtelaine s’insurge. Dans un envol de ses mains baguées, elle pousse des cris d’orfraie : ce Cavalere ne coûte rien ! Il est juste logé et nourri et il a fort peu d’appétit, ce qui est tout bénéfice. Le bon abbé est outré. Un jour, un paroissien lui a dit, au sujet des Saint-Cyr : « Ils n’usent pas de leur fortune comme ils devraient. Ils ne pratiquent pas la charité à l’égard des pauvres, un jour, Dieu les punira. » Selon d’adage, à laver la tête d’un âne, on perd son eau, son savon et son temps, à vouloir convaincre une femme qui ne veut rien entendre, on met ses nerfs en péril. L’abbé insiste une dernière fois sur les multiples dangers qu’il y a à confier l’éducation d’un jeune garçon à un précepteur perturbé, puis il prend congé, met sa cape sur son dos, prend sa canne et tandis que ses souliers ferrés résonnent sur le chemin qui le conduit vers sa cure. Il prie Dieu que dans sa mansuétude, il veille sur les brebis égarées.

L’espérance et la foi

Il fait beau, le ciel est bleu, la neige adoucit un paysage déjà naturellement suave. Le bon abbé est confiant. Il marche d’un pas alerte, le cœur plus léger. Il a accompli son devoir. Il se dit que tout va rentrer dans l’ordre. Cavalere sera rassuré, les châtelains plus indulgents à son égard, les autres domestiques aussi. Mais pendant ce temps que se passe-t-il dans la chambre – salle d’études du précepteur du château d’Arcy ?
lbine novarino-Pothier
Anthologiste et écrivain, Albine Novarino-Pothier a publié notamment Les Grandes affaires criminelles de Saône-et-Loire et Les Grandes affaires criminelles du Rhône aux éditions de Borée.
à suivre.....
http://www.bienpublic.com/faits-divers/2011/11/27/drame-au-chateau-d-arcy-la-fatalite-serait-elle-ecartee

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