jeudi 1 mars 2012

L'épais mystère du rapt à 22 000 euros

Trois Amiénois suspectés d'avoir tenté une violente extorsion de fonds, en mai 2010 dans le quartier de la Hotoie, sont de retour devant la justice. L'un d'eux se dit innocent.

C'est une histoire qui sent à plein nez le trafic de stupéfiants. Mais à aucun moment pourtant, on ne parlera de substances illicites dans ce dossier. « Pourquoi précisément cette victime ? s'interroge ainsi Me Guillaume Combes. C'est un point d'interrogation qui persistera ».

Trois Amiénois étaient de retour dans le box des prévenus mercredi. Francisco Correira Moreira et Adil El Hassnaoui, 25 ans tous les deux, s'en seraient bien passés. Ils avaient accepté leur peine de 4 ans de prison en première instance. Abdelkader Sakho, lui, avait fait appel. Il n'accepte pas les 6 ans de prison. Il se dit innocent.

Le 18 mai 2010, vers 22 heures, un habitant du quartier de la Hotoie, à Amiens, revient d'un entraînement de football à Rivery. Près de son domicile, trois hommes encagoulés surgissent. Le jeune homme tente de s'enfuir. Il est rattrapé, frappé à coups de crosse de pistolet, et emmené de force dans une Audi A3. On lui met des sacs poubelles sur le visage.

La voiture roule une demi-heure. Il est frappé sur le trajet. Il se retrouve dans une cabane, au bout d'un chemin de terre, ligoté à une chaise. Il est de nouveau frappé.

Ce que veulent ses bourreaux ? 22 000 € ! Les ravisseurs ramènent finalement la victime près de son domicile, pieds nus, sans avoir renoncé au magot : l'homme doit leur rapporter la somme le lendemain soir, près d'une station-service de Rainneville, à une dizaine de kilomètres d'Amiens.

L'état de la victime nécessite son hospitalisation. La police est prévenue. Le lendemain, ce sont des policiers en civil qui se trouvent au rendez-vous. Deux hommes à scooter arrivent sur les lieux.

Le passager s'approche de la voiture, soulève son T-shirt pour exhiber son pistolet et signaler qu'il n'est pas là pour rigoler. Les policiers entrent en action, interpellent les deux hommes.

«Je ne peux pas le dire par peur de représailles »


Le conducteur du scooter est Adil El Hassnaoui. Le passager, Francisco Correira Moreira. Arrêtés en flagrant délit, les deux hommes des quartiers nord d'Amiens ne peuvent nier l'évidence. Cependant, en appel, ils ont maintenu leur ligne de défense : oui ils ont bien cherché à récupérer le magot, mais non ce ne sont pas eux qui ont procédé à l'enlèvement et à la séquestration.

Ils disent qu'on leur a fourni le pistolet (qui porte des traces du sang de la victime), ainsi que le scooter volé pour aller récupérer l'argent. En échange, ils devaient, disent-ils, recevoir 200 €. Qui leur a demandé ce service ? «Je ne peux pas le dire, par peur de représailles », répète El Hassnaoui.

Leur version est compatible avec leur profil, leur casier judiciaire est très léger, mais des éléments les accablent. L'ADN d'Adil El Hassnaoui est sur l'Audi A3, retrouvée calcinée. Les relevés téléphoniques montrent que les protagonistes se sont beaucoup appelés au moment des faits. Leurs téléphones ont aussi activé des bornes, soit sur les lieux des faits, soit à proximité immédiate.

Les avocats des deux prévenus, Mes Guillaume Combes et Djamila Berriah, ont insisté sur un point : «Ils ont accepté leur condamnation ». «Je me suis fait embarquer, j'ai été naïf », dit Correira ; « J'ai fait une erreur, j'ai compris, je compte me racheter », ajoute El Hassanoui. Pour ces deux-là, le procès en appel semble ne pas avoir beaucoup d'enjeu.

«Y a-t-il eu vraiment enlèvement ce soir-là ? »


Abdelkader Sakho, en revanche, en attend beaucoup : la relaxe. L'enquête est remontée jusqu'à lui grâce à un renseignement anonyme l'accusant d'être impliqué dans l'enlèvement. Il sera placé en détention provisoire quatre mois après les deux autres.

Il possède un passé de délinquant assez conséquent, il a déjà été condamné pour extorsion. On a retrouvé son ADN sur un gant porté par Correira, son téléphone a déclenché une borne sur les lieux de l'enlèvement.

Son avocat Me Hubert Delarue, monte au créneau : « Il possède deux téléphones. L'autre a déclenché au même moment à Camon. Il y a un doute ! » Pour lui, «il n'y a aucune preuve de sa culpabilité ». Il va même plus loin : «Y a-t-il eu vraiment enlèvement ce soir-là ? »

L'avocat général a requis la confirmation des peines, «sévères mais justes » : 4 ans pour El Hassnaoui et Correira Moreira, 6 ans pour Sakho compte tenu de son casier judiciaire. L'arrêt sera rendu le 28 mars.
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/L-epais-mystere-du-rapt-a-22-000-euros

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