dimanche 1 avril 2012

Bernard Barresi libre : les raisons d'un acquittement

Lundi, les avocats de Bernard Barresi répétaient : "La messe est dite, mais nous ne serons pas trois pots de géranium…" Face à des jurés alsaciens, un accusé à la faconde méridionale, précédé d'une image de "parrain" marseillais ayant passé les vingt dernières années dans une totale clandestinité, entouré du GIPN… la partie s'annonçait serrée.

Même pour une vieille histoire d'attaque de fourgon blindé réalisée, il y a 22 ans, avec brio et sans un coup de feu. En cinq audiences, la guerre de tranchées qui a fait rage entre la défense et l'avocate générale a viré à l'avantage de Bernard Barresi. Me Jean-Yves Liénard le confiait, à chaud, plus que la consécration de l'innocence de l'accusé, ce verdict semble condamner une enquête mal ficelée, des méthodes policières violentes aujourd'hui démonétisées.

Le symbole de l'échec : Thierry Hartmann, "commissaire toxique"

Plutôt que céder un pouce de terrain, l'accusation a préféré rafistoler ce travail policier discrédité aux yeux des jurés. Un homme incarne l'échec, Thierry Hartmann, "commissaire toxique", selon Me Éric Dupond-Moretti. Sang-froid, langue de bois, rigidité, sa longue déposition, jeudi, est le point de bascule du procès. Devant la cour d'assises, les membres de la famille alsacienne de Bernard Barresi chez laquelle il se trouvait, le jour des faits, avec des gros sacs qu'il a enfermés au grenier, tous ont raconté l'injustice de leurs détentions provisoires destinées à faire craquer la tante de Barresi, les menaces de mettre les enfants à la Ddass, les coups…...

Des braves gens, honnêtes et travailleurs, toujours traumatisés, même après leur acquittement en 1994 par la spirale kafkaïenne qui les avait aspirés. Ils ont ému mais au lieu de concéder des excès, le commissaire Hartmann a persisté à présenter cette famille comme des complices de Barresi, évoquant leurs réflexes "claniques" -- pensez donc des Pieds-Noirs et une tante d'origine sicilienne. Alors que les jurés ont compati à leur descente aux enfers, le commissaire évoquait encore "le chemin de croix" qu'avaient été leurs auditions pour les enquêteurs.

"Il vaut mieux laisser partir un coupable que de condamner un innocent"

Maladresse, voire aveuglément. Son enquête a fait l'objet de toutes les critiques : absence d'interpellation des auteurs en flagrant délit alors qu'ils étaient surveillés, investigations insuffisantes sur la "bande de l'Opéra", une équipe marseillaise, une piste laissée en jachère à l'époque mais qui, bingo, vingt ans plus tard, retrouvera son actualité avec la découverte d'un ADN de Roland Talmon. En cinq jours, il n'est plus resté grand-chose de l'enquête du commissaire Hartmann, essorée par la défense.

Sa stratégie, une fois le travail policier discrédité, a été de rappeler aux jurés leur serment. Ils ont juré de faire bénéficier l'accusé du doute. "Cent fois, il vaut mieux laisser partir un coupable que de condamner un innocent", a martelé Me Liénard. À sa sortie de prison, c'était aussi le credo de Bernard Barresi. "Il fallait avoir une forte personnalité au niveau des jurés, a-t-il déclaré sur RTL, pour aller contre le forcing du parquet, à Marseille et en Alsace, pour pas que je sorte de prison."

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/bernard-barresi-libre-les-raisons-dun-acquittement

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