samedi 12 mai 2012

Mediator. Premier procès pour tromperie aggravée, à partir de lundi

Les victimes attendent ce moment avec impatience. Ont-elles été abusées sur la nature et le danger du médicament des laboratoires Servier ? C’est tout l’enjeu des débats qui débutent à Nanterre lundi.
Ce procès qui va se tenir du 14 mai au 6 juillet arrive vite. « Tant mieux, nous sommes dans le temps des victimes », assure Irène Frachon, la pneumologue brestoise à l’origine de la médiatisation de l’affaire. Elle sera citée comme témoin dans ce premier rendez-vous judiciaire du Mediator, cet antidiabétique des laboratoires Servier accusé d’avoir fait des centaines de victimes.
« On leur a menti »
Pour éviter une instruction longue et complexe, les avocats ont ciblé une seule infraction : la tromperie aggravée. Parallèlement, une autre instruction est toujours en cours à Paris, pour tromperie aggravée mais également blessures et homicides involontaires ou encore destruction de preuves. Elle débouchera sur un autre procès au pénal. Mais quand ?
« Pour Nanterre, nous voulions éviter des expertises sur chaque patient », explique Me Charles-Joseph Oudin, avocat d’une centaine de victimes sur les 300 déclarées. Tous les consommateurs de Mediator sont placés à la même enseigne : « On leur a menti. » Une simple question est au cœur du débat : « Ont-ils été prévenus de la présence d’un produit dangereux, la norfenfluramine ? Pour nous, la réponse est non. »
Pour le démontrer, les avocats s’appuient sur trois dates. 1993 : une étude interne des labos Servier, non publiée, prouve que le Mediator contient de la norfenfluramine. 1997 : l’Isoméride et le Pondéral, autres médicaments de Servier sont retirés du marché. Tous deux en contiennent. Il y a une suspicion de risques. 2000 : une étude publiée dans la revue Circulation prouve la dangerosité de ce produit.
Un renvoi possible
En se référant à la jurisprudence du sang contaminé, les avocats vont réclamer 100 000 € par personne. Des peines complémentaires seront demandées, elles peuvent aller jusqu’à l’interdiction d’exercer pour le laboratoire.
Du côté de chez Servier, on rejette en bloc. « Nous contestons toutes ces accusations, assure Me Hervé Témime, l’avocat du laboratoire. Nous considérons qu’il n’y a eu aucune dissimulation, ni sur la nature du produit ni sur la dangerosité, tant vis-à-vis des consommateurs que des agences du médicament. »
Une certitude qui n’empêche pas l’avocat de soulever deux questions prioritaires de constitutionnalité qui, si elles sont retenues, pourraient bien aboutir au renvoi de l’affaire. « Je ne vois pas comment Servier peut-être jugé en citation directe à Nanterre alors qu’il est aussi mis en examen pour les mêmes faits à Paris. D’autre part, je conteste les délais de prescription en matière de tromperie. » La bataille judiciaire ne fait que commencer. Elle s’annonce tendue.

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