dimanche 24 juin 2012

Crime : premières pistes à Culètre

Dans un climat de vive émotion, une enquête est promptement diligentée pour retrouver le meurtrier du curé Daunas et de sa servante. albine novarino-pothier
Dans les enquêtes, préserver la scène de crime, “la geler” afin de relever un maximum d’indices est fondamental pour le succès de l’opération. Ce qui est aujourd’hui une lapalissade n’a pas toujours été une évidence ; pour mémoire, on se souviendra de la fameuse affaire Dominici. Sont inscrits dans la mémoire collective les images des journalistes, badauds, policiers, amis de la famille, foulant allégrement ce que l’on ne nommait pas encore “la scène de crime” tandis que les précieux indices disparaissaient à jamais et qu’entrait dans le légendaire tout ce qu’il faut faire… quand on veut rater une enquête…

Premières constatations

Dans le cas présent, Culibrais et Culibraises ne manquent pas d’envahir le jardin et le presbytère mais des constatations matérielles ont pu être relevées par les premiers observateurs parvenus sur les lieux, et elles se révéleront précieuses :
1. Les deux victimes ont été tuées avec la même arme, un objet contondant.
2. Les deux victimes n’ont pas été en mesure de se défendre.
3. Le meurtrier s’est introduit sur les lieux du crime en passant par le verger après avoir pratiqué une ouverture dans la haie.
4. Il portait des sabots boueux dont les empreintes ont pu être relevées.

Premières interrogations

Dans nos belles campagnes d’autrefois – prions le ciel qu’aujourd’hui ce ne soit plus le cas ! – tout se savait. Tout un chacun connaissait parfaitement le mode de vie de son voisin. Ainsi, les paroissiens de Culètre savent que Joseph Daunas et sa servante, Madeleine Sellenet, gagnaient leur chambre vers 22 heures. Or, compte tenu du fait que des voisins ont entendu le chien de la cure aboyer à 21 heures, compte tenu du fait que les lits n’étaient pas défaits, les enquêteurs sont en mesure de situer l’heure du crime aux environs de 21 heures.
Ceci posé, si l’animal a aboyé, c’était pour donner l’alerte : c’est donc qu’il se méfiait du visiteur du soir qui a laissé ses empreintes boueuses. Dès lors, pourquoi le curé et sa servante ne se sont-ils pas méfiés à leur tour ? Pourquoi ne se sont-ils pas protégés ? Et comment expliquer qu’ils n’aient pas eu la force de se défendre ?

Premières pistes

Les enquêteurs vont alors procéder à un retour sur image. À Culètre, en 1837, une affaire du même genre a fait grand bruit. Et très étrangement, cette affaire s’était déroulée… au presbytère… Coïncidence plus troublante encore, elle avait déjà eu pour victime le curé Daunas. Seul changement dans le précédent scénario : un détail de casting : la servante n’était pas la même.
Dans cette première version du film d’horreur, il s’agissait de Claudine Galland. Et voici l’épisode précédent : février 1837 : un individu s’introduit au presbytère, et s’en prend violemment aux résidents. Le curé perd conscience mais la domestique a suffisamment de présence d’esprit pour faire croire à son agresseur qu’elle a rendu l’âme. Sûr de son coup, le malfrat en profite pour forcer les serrures des meubles et pour dévaliser le presbytère. Or, Claudine Galland a reconnu le voleur. Elle le dénonce aux gendarmes ; interpellé, jugé, l’homme est condamné aux travaux forcés par la cour d’assises de Dijon, le 17 mai 1839. Il décédera au bagne. Il se nommait Jean Billard. On n’a certes jamais vu un mort revenir sur les lieux de son crime mais on connaît l’adage cher au fabuliste préféré des Français et inscrit dans Le Loup et l’agneau : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère », et il se trouve que Jean Billard a justement un frère : Pierre. Cerise sur le gâteau, Pierre n’a jamais accepté la condamnation de son frère ni son décès au bagne. Et il a toujours accusé le curé d’être le responsable de tous les malheurs de sa famille. Alors, s’il s’agissait d’une vengeance de Pierre Billard ?

La thèse de la vengeance

Les enquêteurs vont donc s’intéresser de très près au frère du défunt bagnard et rapidement ils opèrent toute une série de contrôles : surveillance étroite du suspect, analyse de son emploi du temps, recherche de son alibi, enquête de voisinage. Les premiers résultats ne sont guère engageants. Pour autant, ils l’emprisonnent dans l’espoir qu’il finira par parler. Finalement, ils examinent les sabots de leur idéal suspect. Ils déchantent rapidement et doivent abandonner cette piste, a priori séduisante, quand ils constatent que la pointure des sabots ne correspond pas à celle de ceux dont les empreintes ont été relevées dans le verger du presbytère.
Mais Billard est tout de même demeuré derrière les barreaux pendant six mois. Il lui aura fallu attendre le 9 septembre pour que la cour de Dijon rende un arrêt de non-lieu en sa faveur. Mais alors si le frère du premier agresseur du curé Daunas n’est pas le coupable, qui est l’auteur du double crime de Culètre ?

http://www.bienpublic.com/faits-divers/2012/06/17/premieres-pistes-a-culetre

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