Albine Novarino-pothier
Anthologiste et écrivain, Albine Novarino-Pothier a publié Les Grandes affaires criminelles de Saône-et-Loire et Les Grandes affaires criminelles du Rhône aux éditions De Borée.C’est au cours de la nuit du 4 au 5 janvier 1845 que le curé Joseph Daunas a été tué, ainsi que sa servante, Madeleine Sellenet. Le mobile de ce double crime semble bien avoir été, non la vengeance comme on l’a d’abord longtemps cru, mais le vol. Or, les années passent, les cloches de l’église continuent de sonner pour les matines et pour l’angélus chaque jour que Dieu fait au fil des saisons. Et, pour autant, les investigations sur la mort du bon curé et de sa dévouée domestique ne donnent aucun résultat.
Le long sommeil de l’enquête
Entre le moment où Pierre Billiard, injustement soupçonné en 1845, après les faits, est officiellement blanchi, neuf mois plus tard, et le moment où l’enquête reprend, il va s’écouler cinq années.Certes, au cours de cette période tumultueuse, la France a connu des turbulences politiques de 1845 à 1850, et les tribunaux ont eu à gérer des affaires urgentes et importantes ; mais ce n’est pas le désengorgement des tribunaux qui va permettre à l’affaire du presbytère Culètre d’être élucidée… c’est le hasard… et ce hasard va se présenter sous la forme d’une lettre anonyme.
Le corbeau de Culètre
Le juge de paix de Culètre reçoit une lettre non signée, postée le 7 février 1850 ; la missive dénonce un certain Jean Mignotte, manouvrier de son état, comme étant l’assassin du presbytère. L’auteur du billet anonyme, qui, de toute évidence, ne peut être qu’un voisin – et même un très proche voisin dudit Mignotte – fournit, à l’appui de sa dénonciation, un certain nombre de preuves qui vont crescendo ; et à ce premier ensemble viendront s’en ajouter d’autres :1. La nuit du double crime, Mignotte était seul chez lui à Longecourt. Sa femme était partie dormir chez sa sœur à Musigny.
2. Cette même nuit, la porte de sa grange était restée entrouverte, à la différence des autres nuits passées et à venir.
3. Le lendemain des meurtres, Mignotte arborait un pantalon et une blouse flambant neufs et on ne lui a plus revu les vêtements qu’il portait la veille et les jours précédant les crimes.
4. Mignotte, qui croulait sous les dettes, les a remboursées, comme par magie, après le drame du presbytère.
Jean Mignotte sur la sellette
Cette dénonciation est suffisamment prise au sérieux pour que Mignotte, père de cinq enfants, et âgé de cinquante-sept ans, déjà condamné à six mois de prison pour vols, soit interrogé. D’autant que ce prévenu potentiel exerce le métier de bûcheron et qu’il a donc eu la force physique de tuer le curé et sa domestique.Le réquisitoire ira jusqu’à préciser que celui qui fait figure de suspect idéal dans le meurtre du presbytère était « renommé comme le premier bûcheron du pays, sa main robuste et exercée était capable de faire avec la cognée ou le vouge les blessures observées sur les victimes. »
20 avril 1850 : interrogé par le juge Pierre Robin, le bûcheron reconnaît qu’il a dû emprunter de fortes sommes d’argent pour effectuer des travaux dans sa ferme, qu’il a connu de grosses difficultés financières et qu’il s’est trouvé dans une mauvaise posture.
Il ne parvient pas en revanche à expliquer la manière dont il a pu rembourser ses créanciers en espèces sonnantes et trébuchantes… juste après les crimes… Il reconnaît également s’être rendu à la cure à trois reprises, mais il dit que c’était en vue d’organiser le baptême de ses enfants.
L’interrogatoire des témoins
Il faut des preuves matérielles aux gendarmes. Or, ils n’ont pas été en mesure d’évaluer la somme d’argent qui a été dérobée au presbytère ; elle semble avoir été assez considérable, le curé ayant, depuis des années l’habitude de thésauriser dans des enveloppes et dans des boites diverses l’argent des quêtes, des dons, le denier du culte, produit de la vente des chandelles. Mais que Mignotte ait réglé ses dettes en argent liquide constitue une présomption et non une preuve. Et ce sont d’autres objets qui vont intéresser les enquêteurs. Agathe Jourot, une jeune blanchisseuse qui est venue travailler en journée chez les Mignotte va déclarer avoir vu chez eux une chaîne en or. Mme Mignotte a beau dire qu’il s’agissait d’un cadeau fait à sa fille par son futur époux, elle n’est pas crue. Antoine Guilleminot, va déclarer, lui, qu’un jour de juin 1847, Mignotte avait proposé de lui vendre une montre quatre-vingt francs. Quand il a décliné cette offre, Ie bûcheron lui a vivement recommandé de ne parler à personne de cette montre. Ce qui laisse bien supposer que la provenance de cet objet était plus que douteuse. Face à ce faisceau de présomptions, Jean Mignotte est emmené à la prison d’Arnay où il tente de se suicider dans sa cellule, le premier soir de son incarcération. Il y a donc fort à parier qu’il n’a pas la conscience tranquille. Jugé le 23 février 1851, il est condamné aux Travaux Forcés à perpétuité. S’il échappe à la condamnation à mort, c’est probablement parce qu’il est père de cinq enfants.http://www.bienpublic.com/faits-divers/2012/06/24/crimes-de-culetre-resolution-de-l-enigme
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