lundi 3 septembre 2012

Au tribunal à cause de sa vache

Une voiture a percuté une vache fugueuse, en octobre 2009, à Ponthoile, à l'Ouest d'Abbeville. La passagère est morte. Ce mardi, le fermier répondait d'homicide involontaire.

Faute «à pas de chance» ou négligence impardonnable: c'est le débat que tranchera le 25 septembre le délibéré des juges amiénois, chargés d'examiner, ce mardi, l'accident qui a coûté la vie à une femme de 41 ans, le 9 octobre 2009, à Ponthoile, au bord de la Baie de Somme.

Ce soir-là, vers 21 heures, un couple part au cinéma à bord de sa Renault 19. «Quand la vache noire a surgi sur la route, je n'ai rien pu faire. Elle a rebondi sur le capot, côté passager», se souvient le conducteur. Il est blessé mais ce n'est rien à côté de son épouse, victime d'un traumatisme crânien. Elle mourra quatorze jours plus tard.

«Plaider la relaxe n'empêche pas un minimum d'humanité»


La vache appartient à Jacques D., un éleveur de 61 ans. À l'époque, il faisait paître sur une mollière (une pâture en baie de Somme) louée à la commune de Ponthoile, quinze vaches laitières et quinze génisses, dont celle qui a causé le drame. Le terrain était clos par un simple fil électrique alimenté en neuf volts, tendu aux deux extrémités à deux solides poteaux, mais relayés par ce que la présidente Briet, au vu des photos, décrit comme «des petits bouts de bois».

On reproche au fermier un homicide involontaire. Autrement dit, d'avoir, par sa négligence et en connaissance de cause, permis que toutes les conditions d'un drame soient réunies. Son avocate Dorthée Fayein estime pour sa part «la causalité très indirecte», entre la clôture ouverte, l'évasion des vaches, la collision avec l'une d'entre elles et la mort de la victime. Elle insiste: «Nous ne savons pas pourquoi les vaches ont divagué ce soir-là».

Jacques explique qu'au fond de sa pâture sont situées sept huttes et qu'un chemin de promenade la traverse. Une barrière, facile à ouvrir, lui était donc imposée. «Déjà plusieurs fois, on l'avait retrouvée ouverte.» Son problème, c'est qu'il ne peut feindre de découvrir que ses bêtes fuguaient sur la route. Au moins deux fois, en septembre de la même année, les gendarmes l'avaient interpellé à ce sujet. De plus, il convient lui-même qu'il vérifiait sa clôture «environ tous les huit jours». «Pour moi, c'est suffisant.» Son fatalisme a quelque chose de choquant. «Plaider la relaxe n'empêche pas un minimum d'humanité, le tance la procureure Mme Wipf. Pour vous, deux ans après, il n'y a toujours pas de problème. C'est lamentable.» Elle a requis un an de prison avec sursis et 2000 euros d'amende.

L'homme qui se lève ne compte plus ses nuits blanches. C'est le veuf. Depuis le début de l'audience, lui et ses trois filles se tiennent la main comme des naufragés sur un radeau de fortune. Il dit l'indicible: «On était marié depuis 22 ans. Vous savez ce que c'est de voir la vie s'en aller des yeux de sa femme sur le bas-côté d'une route? Vous savez ce que c'est de dire à ses trois filles que leur maman est morte? Au bout de quatorze jours, l'hôpital m'a dit qu'il n'y avait pas d'espoir. On l'a débranchée et je l'ai serrée dans mes bras. Ce monsieur, lui, en deux ans, il ne s'est jamais excusé, il n'a jamais essayé de prendre contact. Rien.»

http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Au-tribunal-a-cause-de-sa-vache

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