mercredi 17 octobre 2012

Doubs : « Il a tué, on lui fout la paix »

Elle n’est ni dans la récrimination ni dans plainte ni dans la haine. « Plus le temps passe, plus je trouve injuste d’avoir l’impression de payer une faute qu’on a subie » : Marie-Line Vallar respire, apaise sa voix. Elle sait que la date anniversaire approche et qu’à chaque fois, c’est plus dur.
Son père, André Lyet, a été tué le 28 novembre 2006 à l’âge de 74 ans, dans sa maison d’Arc-et-Senans, peu éloignée de la sienne. Le meurtrier présumé , Rudy Kramer, 33 ans alors, n’a toujours pas été jugé par les assises du Doubs. Remis en liberté après un an de détention préventive, il a repris sa vie et ses activités à Villers-Farlay, commune du Jura à quelques kilomètres d’Arc-et-Senans. « J’ai appris qu’il avait été relâché parce que je l’ai vu, on ne me l’avait pas dit. Il a interdiction de venir dans le Doubs, il est assigné au Jura et à la Saône-et-Loire. Il ne peut m’identifier mais je le croise souvent à Salins, à Mouchard, il se déplace beaucoup. Cela, je n’en peux plus. Il faut que la justice se fasse, je ne suis plus sûre de contenir mes pulsions. Et puis, notre fratrie a éclaté », rapporte Marie-Line Vallar.

« Digne d’un film noir »

Comme souvent dans les familles marquées par pareil drame, tout s’est brisé et les mots entre frères et sœurs se sont mués en colère masquant la douleur. Marie-Line Vallar n’en peut plus des longueurs de la procédure. Trois juges se sont succédé dans l’instruction de cette affaire qui n’a pas nécessité de longue et complexe enquête. « Rudy Kramer est un forain et commerçant non sédentaire, mon père lui avait déjà acheté un matelas. Il est passé chez mon père, ce 28 novembre vers 11 h 30, ils ont bu l’apéritif et déjeuné ensemble dans la maison. Ils se sont disputés. Mon père, bien que divorcé, n’a pas supporté une remarque sur ma mère. Ils en sont arrivés aux mains, ça a été extrêmement violent. » Coups de couteau au poumon et à une jambe, une moitié du visage défoncée à coups de crosse d’un fusil de chasse, traces de strangulation, le corps sans vie d’André Lyet a été retrouvé par les gendarmes prévenus par un voisin. « Tout était dévasté dans la maison, les meubles retournés, c’était d’une violence digne d’un film noir », lâchait alors un enquêteur. Rudy Kramer était arrêté sur place, il avait 2,16 gr d’alcool dans le sang, le taux relevé sur la victime était de 0,86 gr.
« Mais quelle agonie douloureuse a dû avoir mon père ? Il n’avait plus de visage, plus de hanche, plus d’épaule. Le meurtrier ne nie pas, il dit avoir bu, ne pas se souvenir mais il se souvient que mon père aurait attaqué le premier, il mise sur l’autodéfense. »

« C’est moi que je crains le plus »

Aujourd’hui, Marie-Line Kramer espère des réponses du procès, elle a eu les conclusions des expertises mais dit devoir arracher les informations : « Kramer se promène, parle avec des gens, des propos me sont rapportés, il prend cette affaire avec légèreté, je me dis qu’il bénéficie d’une protection. La dernière fois que je l’ai vu dans une brocante, je suis passée par toutes les couleurs. Serais-je prête à lui foncer dedans, ce n’est pas improbable. Ce n’est pas lui que je crains le plus, c’est moi. On a le sentiment que ce dossier passe à chaque fois en dessous de la pile. Un homme a tué, on lui fout la paix. Je scrute la boîte aux lettres chaque matin en vain. »
Marie-Line Kramer dit avoir perdu la mémoire durant trois ans et avoir fait subir son mal-être à son mari et à ses filles. Cette aide-soignante de nuit, qui suit un travail thérapeutique, parle de deuil encore impossible. Comme ceux qui, tenaillés par un gros sentiment d’injustice, ne savent plus à qui s’adresser, elle a écrit à l’Élysée. Elle a reçu une réponse type de la chancellerie. « J’ai déjà vécu un procès d’assises, ce procès, je l’attends avec impatience, j’en ai peur aussi. »

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2012/10/17/il-a-tue-on-lui-fout-la-paix

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