mardi 30 octobre 2012

Meurtre en prison : tout le monde ment sauf les accusés

Au deuxième jour du procès de Rodrigue Sophie et Thierry Théophile, une impression se dégage, de plus en plus en forte : pour les deux hommes, tout le monde ment, sauf eux, bien sûr.
Sophie et Théophile ont déjà été condamnés à de lourdes peines pour de multiples crimes et délits : ils sont donc parfaitement rompus à l'exercice judiciaire et savent très bien où est leur intérêt. Pour éviter la perpétuité, ils doivent impérativement démontrer qu'ils n'avaient pas prémédité leur geste et qu'ils n'avaient pas vraiment l'intention de tuer Rachid Benchetouia. Un exercice auquel ils se livrent depuis deux jours déjà et qui semble, au fur et à mesure que les débats avancent, de plus en plus périlleux. Ils savent aussi qu'en tant qu'accusés, ils n'ont pas à prêter serment. Ce qui implique qu'ils ont le droit, tout à fait légal et reconnu, de mentir. Ils ne s'en privent pas. Au bout de deux jours, on commence à avoir une idée de plus en plus précise du déroulement des événements : les constatations, les expertises et les témoignages allant tous dans le même sens.

«Que des conneries !»

Tout a commencé dans la salle de télé, d'où Benchetouia est sorti «en chancelant, pour aller s'effondrer à l'entrée de la salle d'activités, après avoir titubé dans le couloir», affirme un gardien qui a tout vu. Pour chanceler ainsi et s'effondrer ensuite, c'est qu'il a pris un premier coup dans la salle de télé : un coup asséné avec une chaussette garnie d'un bocal de verre. «Y a mon ADN sur le verre ? s'emporte Sophie. Non ! Bon, ben alors ?» Benchetouia a été frappé avec le pied de table en fer : «Vous avez trouvé du sang dessus ? Non ! Bon, ben alors ?» Le sang a parfaitement pu être lavé dans les toilettes avant que la barre soit jetée par la fenêtre. Et les experts affirment qu'on peut très bien ne pas retrouver d'ADN en quantité suffisante sur un objet qui a pourtant été manipulé. Du sang en grande quantité a été retrouvé et analysé sur les vêtements des accusés : «C'est des conneries tout ça. Le sang, y en avait pas. Et le surveillant, il raconte n'importe quoi. C'est une honte. C'est un malhonnête !» Les experts ? «Qu'est ce qu'il raconte celui-là ? Il a rien, il peut rien prouver ! Il a pas trouvé d'ADN, alors il l'invente.» Les deux hommes plaident la légitime défense : «C'est l'Arabe qui nous a attaqués !». Benchetouia n'avait pas d'armes, même si elles fleurissent en prison. Le témoignage du légiste est également battu en brèche de façon presque absurde : Benchetouia a été massacré et a saigné abondamment, précise le docteur Disteldorf, qui a 35 ans de pratique et plus de 2.500 autopsies derrière lui : «C'est pas vrai, il a pas saigné ! Pas du tout». Le légiste précise que le sang a giclé jusqu'au plafond, à 2,50 m de hauteur : «Qu'est ce qu'il raconte ? C'est pas une fontaine non, ce mec ! Il a pas pu gicler jusqu'à 2 m !» Ce trait, qui se voulait humoristique, va faire éclater de rire les deux accusés. Mais personne d'autre. Hier, ils ont laissé à leurs avocats respectifs le soin de tenter de déstabiliser les experts et les témoins. En vain.

http://www.ladepeche.fr/article/2012/10/24/1473231-tout-le-monde-ment-sauf-les-accuses.html

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