vendredi 14 décembre 2012

Marie, 9 ans, témoigne de son rapt et ses cauchemars

Deux ans après avoir été enlevée à Menton, en même temps que son père, par un gang de ravisseurs, Marie, 9 ans, fait des cauchemars macabres où elle assiste à l'exécution de ses parents. La fillette témoignait vendredi à la barre de la cour d'assises des Alpes-Maritimes, la peur au ventre.
Rappel des faits à l'origine du traumatisme de Marie, 9 ans, appelée à la barre pour témoigner de son propre rapt : le vendredi 3 décembre 2010, l'homme d'affaires Davy Baudoin rentre chez lui vers 17 heures à Menton en compagnie de sa fille et se fait agresser par quatre hommes dans le sous-sol de son immeuble.

Le père est menotté, chargé dans le coffre de sa Mercedes, tandis que sa fille pleure seule à l'avant. On les conduit dans l'arrière-pays. Marie est emmenée dans une camionnette. Reconduit à son domicile, l'homme d'affaires est contraint d'appeler sa compagne italienne Giulia pour qu'elle rentre du travail, tandis que les malfaiteurs ramènent Marie. Le couple remet une carte bancaire, ce qui permet aux agresseurs de retirer 900 euros. L'appartement est fouillé: 1.350 euros et des bijoux sont subtilisés. L'homme d'affaires est à nouveau emmené dans l'arrière-pays. Menacé de mort et de représailles sur sa famille, il s'engage à fournir 141.000 euros d'un compte suisse. Les ravisseurs quitteront les lieux le samedi à 5 heures à bord de la Mercedes. M. Baudoin prend alors la poudre d'escampette avec sa compagne, sa fille et la mère de celle-ci, pour se réfugier en Auvergne où il porte plainte.

Six suspects -dont cinq ont des casiers judiciaires lourds- ont été arrêtés en janvier 2011. Ils ont été confondus par des traces ADN et des communications téléphoniques, tandis que deux ont avoué a minima leur participation. Depuis le début du procès prévu jusqu'à mercredi, les accusés peu loquaces refusent d'incriminer leurs camarades, visiblement également effrayés par des représailles.
"Tu as peur ?"
Vendredi, devant la cour d'assises des
Alpes-Maritimes, la petite Marie a posé sa peluche sur une table et s'est tenue bien droite à la barre. Son avocate s'est placée à sa gauche pour éviter tout contact visuel avec les six ravisseurs présumés, impassibles dans le box depuis lundi. "Tu as peur ?", lui demande la présidente de la Cour. "Mmm", opine la fillette. "Tu es contente d'habiter où tu habites ?" "Oui", souffle Marie, qui vit désormais à 800 kilomètres de Menton et de son papa, car sa famille craint des représailles. "Tu fais des cauchemars?" "Oui, depuis très longtemps... tout le monde meurt dans mon rêve, papa, maman", précise l'enfant qui ne veut pas raconter le déroulé d'un événement qui lui fait encore peur. Elle précise que les ravisseurs ont été "gentils" avec elle, méchants avec son papa, qu'elle a vu "deux" armes à feu. "Dans la montagne, j'avais plus peur là-bas. Papa était dans le coffre" de la voiture, confie-t-elle.

Cette semaine, elle a fait beaucoup de dessins de bandits pointant un pistolet contre la tempe de son père agenouillé. Ils passent entre les mains des huit jurés, quatre hommes et quatre femmes. L'émotion est à son comble dans la salle silencieuse. La pause est un soulagement, Marie se précipite dans les bras de son père. La veille, une psychologue, qui avait entendu Marie un an après les faits, avait fait une analyse alarmante, soulignant que la fillette s'était donné comme rôle de protéger son père. "Je suis l'ange de papa, car quand même ils étaient un peu gentils avec lui", lui a confié Marie, en ajoutant "un ange mort est plus efficace qu'un ange vivant, car il peut aller où il veut".

A la barre vendredi, sa maman Sabine a précisé que "les cauchemars ont recommencé depuis trois semaines", à l'approche du procès. Marie, qui a peu parlé avec sa mère, refuse d'être suivie par un psychologue mais a consenti à le faire lorsque les ravisseurs seront en prison.
 

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