Avant de faire relâche, le procès des bénévoles de l'Arche de Zoé, où comparaît le Marnais Alain Péligat en tant qu'ancien logisticien de l'association humanitaire, a permis d'entendre la voix de son président exilé. Les enregistrements d'Éric Breteau en disent long sur sa démarche.
«ON s'en fout de ce que pensent les gens. Nous, on agit ! » Si le président de l'Arche de Zoé, Éric Breteau, est absent à son procès, sa voix a résonné, hier, via les enregistrements de réunions avec les familles d'accueil d'enfants censés être des orphelins du Darfour.
Refusant de comparaître, le principal prévenu, qui vit dorénavant en Afrique du Sud, est notamment poursuivi pour escroquerie et exercice illégal de l'activité d'intermédiaire à l'adoption d'enfants. En l'occurrence des mineurs, présentés aux familles comme des orphelins du Darfour, mais qui étaient pour la plupart tchadiens et avaient au moins un parent.
Début septembre 2007 à Paris ou Valence, soit un mois avant l'équipée, il répétait que l'exfiltration des 103 enfants n'était « pas une opération d'adoption », même si les familles pourraient s'engager par la suite dans cette voie. Il s'agissait de mettre en place « un réseau d'accueil d'urgence », disait-il, affirmant que ladite opération n'était en aucun cas « clandestine » et invoquant le droit international.
« Seuls les enfants qui ont un avenir seront choisis »
Breteau expliquait son choix d'avoir recruté les familles par le biais d'internet, sur des forums sur l'adoption, afin de toucher des personnes qui ont fait « un choix mûrement réfléchi » car, sans cette « motivation », les familles risquaient d'être découragées « face aux problèmes » à venir.
Il ajoutait que les enfants seraient sélectionnés en fonction de leur état de santé, que des tests de dépistage du sida seraient réalisés, afin que « les cas lourds ne soient pas évacués » : « Seuls les enfants qui ont un avenir seront choisis. »
« L'accueil des enfants doit être définitif », insistait-il, expliquant qu'il n'était pas question de les renvoyer vers des orphelinats.
S'il évoquait sa convocation par la police survenue un peu plus tôt, il jugeait que cette opération « dérange(ait) un certain nombre de gens ».
« Vous ne pouvez pas adopter les enfants dans un premier temps, il faudra malheureusement attendre un peu », renchérissait dans l'un des enregistrements Me Céline Lorenzon, avocate d'Éric Breteau, chargée de superviser les aspects juridiques une fois les enfants en France. « Vous n'êtes pas là pour adopter des enfants, juridiquement, vous serez des familles d'accueil », insistait-elle. Car il fallait que « devant les magistrats et les responsables administratifs […] on puisse avoir tous le même discours ».
Poursuivie pour aide à l'entrée ou au séjour irrégulier de mineur, la journaliste Marie-Agnès Pelleran est la première des quatre prévenus présents à avoir été entendue, hier, par le tribunal correctionnel. Partie au Tchad pour faire un reportage sur l'opération, et par ailleurs famille d'accueil, la jeune femme a assuré qu'Émilie Lelouch - elle aussi absente - a « vraiment essayé d'être rigoureuse » pour sélectionner les enfants.
Si elle a douté de la qualité d'orphelins des enfants, citant l'exemple d'une fratrie de trois dont chacun livrait une version différente sur leur situation, Marie-Agnès Pelleran n'a « jamais douté qu'ils soient soudanais ». Mais il y avait une « double barrière » linguistique entre les dialectes locaux et le français, qui pouvait biaiser les réponses, a-t-elle souligné.
Elle pense qu'Éric Breteau et Émilie Lelouch « se sont sentis coupables de ne pas avoir sauvé suffisamment d'enfants à leurs yeux ». Mais, pour autant, elle juge exagéré de dire qu'ils se sentaient « tenus à une obligation de résultat » à l'égard des familles qui aurait pu les conduire à vouloir ramener des enfants coûte que coûte.
Reprise du procès lundi.
http://www.lunion.presse.fr/article/region/proces-de-larche-de-zoe-breteau-a-parle
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