Si tout être humain digne de ce nom veut savoir qui est à l'origine de la mort affreuse d'Élodie Kulik, en janvier 2002, le même principe d'humanité oblige à entendre la voix de la défense, cette empêcheuse de condamner en rond. Dans le cas de Willy Bardon, M e Stéphane Daquo, du barreau d'Amiens, dorénavant accompagné de M e Grégoire Lafarge, du barreau de Paris, a longtemps joué profil bas. Le respect du secret d'instruction en est la première raison. Et puis, disons-le, l'arrestation du deuxième homme, après que le premier - aujourd'hui mort - eut été confondu, soulageait tout le monde.
Les actes de procédure obligent cet été les défenseurs à sortir du bois. En juillet, Willy Bardon a formulé une demande de remise en liberté, rejetée par la chambre de l'instruction. « On recommencera », affirme Stéphane Daquo.
Le 17 septembre, il s'apprête à plaider trois requêtes en nullité : l'une relative à l'expertise psychiatrique, l'autre à la qualification exacte des faits reprochés à son client (séquestration, viol, assassinat), et la dernière à l'expertise de la voix.
« Dans ce dossier, il n'y a ni aveu, ni empreinte digitale, ni trace ADN. Aucune preuve que Willy Bardon se trouvait à Tertry (le lieu de l'assassinat ndlr) ce soir-là », scande l'avocat amiénois.
Juste une voix...
Quand Élodie a été enlevée, avant d'être sexuellement agressée, elle a réussi à appeler les pompiers. Ils ont gardé l'enregistrement de cette communication tragique. On y entend des cris, les mots angoissés de la jeune femme et des voix. Des hommes et une femme ? Deux, trois personnes en plus d'Élodie et de l'opératrice des pompiers ? En la matière, il n'y a pas de certitude. « La prudence s'impose. Il faut en effet savoir qu'à l'époque les pompiers enregistraient les conversations sur des cassettes qui, sauf incident notable, étaient réenregistrées les jours suivants. On a longtemps pensé discerner une voix de femme et maintenant on nous dit qu'il pourrait s'agir d'une superposition, souligne M e Daquo. Il y a un vrai débat sur cette troisième voix. »Débat crucial : le cas échéant, au moins un criminel se trouve encore dans la nature.
Quand, en janvier 2012, Grégory Wiart, un habitant de l'Aisne mort en janvier 2003 à l'âge de 24 ans, a été identifié comme le porteur de l'ADN retrouvé sur la scène de crime, les gendarmes se sont naturellement intéressés à son cercle d'amis, et notamment ceux au sein d'un club d'amateurs de 4x4.
C'est ainsi qu'ils sont tombés sur Bardon. « Il avait passé plusieurs coups de fil après l'identification de son copain Wiart, ça peut être naturel, non ? pointe Stéphane Daquo. Puis il a juste dit que la voix de l'enregistrement pourrait ressembler à la sienne. Ce n'est pas un aveu. »
Une proche aurait aussi reconnu cette voix. Mais là, c'est la faiblesse humaine du témoignage qui est pointée du doigt par la défense. « Une femme a bien reconnu, formellement, Willy Bardon comme l'homme qui l'avait agressée dans la Somme un week-end où nous avons la preuve qu'il se trouvait à Val-d'Isère, en Savoie. »
Une sacrée bataille, de procédure d'abord, de prétoire peut-être ensuite, s'annonce donc.
En attendant, Wiart est un détenu modèle, placé à l'isolement pour le protéger de la vindicte des autres prisonniers.
http://www.courrier-picard.fr/region/l-accusation-tient-a-un-fil-de-voix-ia0b0n157583
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