dimanche 11 août 2013

Les mystères de "Paco", le légionnaire aux deux visages

Quels lourds secrets Francisco Benitez a-t-il emporté avec lui dans la mort? Les trois femmes disparues dans son sillage seront-elles retrouvées un jour? Mortes, ou vivantes…

Simone, Marie-Josée et Allison sont-elles en vie?

Les chances sont faibles. Marie-Josée Benitez, 53 ans, a disparu le 14 juillet avec sa fille Allison, 19 ans, apprentie coiffeuse qui devait participer à l'élection de Miss Roussillon aujourd'hui au Barcarès (Hérault) ; Simone de Oliveira Alves, brésilienne, mère de quatre enfants et serveuse à Nîmes (Gard), depuis fin 2004. Dans les deux cas, un texto comme dernier signe de vie. Et Francisco Benitez, légionnaire de 50 ans, mari et père des premières, amant de la seconde, est le dernier à les avoir vues vivantes. Faute de corps, pas de crime…
Peuvent-elles être séquestrées? À Perpignan, l'enquête reste ouverte pour disparition, mais les enquêteurs admettent s'acheminer "vers une issue malheureuse". Le dossier de Nîmes, clos en 2008, vient d'être rouvert sous la qualification criminelle d'"enlèvement et séquestration". "Fouillez les casernes militaires, autour de Nîmes et à Perpignan, je suis sûre qu'elles s'y trouvent", martèle Edwige, la petite sœur de Marie-Josée. Mario, le beau-frère de Simone, semble suggérer lui aussi que "Paco", le surnom de Francisco, se baladait souvent sur les terrains militaires autour du plateau d'Albion, où il a été en poste. Les enquêteurs comptent inspecter les lieux. Ils scrutent aussi dans les ordinateurs saisis toutes les traces d'achats "servant à faire disparaître des corps".

Le lien entre les deux affaires aurait-il pu être fait plus tôt?

Sans doute. Ce n'est que le lundi 5 août, quand l'ancien compagnon de Simone de Oliveira Alves a vu la photo de Francisco Benitez à la télévision, suicidé le matin même dans sa caserne de Perpignan, qu'il a alerté les enquêteurs. Les enfants de Simone avaient reconnu "l'ancien copain" de leur mère. Francisco est alors passé de "témoin" à "suspect n° 1".
Il avait déjà fallu attendre le 2 août pour que le parquet de Perpignan ouvre une information judiciaire, soit trois semaines après la disparition d'Allison et de sa mère, jugée peu inquiétante puisque majeures, même si le couple battait de l'aile. Pourtant Alexandre, un ami d'Allison, avait alerté le commissariat dès le 25 juillet. En outre, Francisco Benitez avait livré un récit confus aux policiers lors des interrogatoires des 30 et 31 juillet…
Pourquoi la première affaire, dans laquelle il avait été entendu comme témoin en 2004, n'est-elle pas ressortie aussitôt? Selon des proches de Simone, ses états de services (croix de guerre, médaille militaire) avaient déjà, à l'époque, "impressionné" les enquêteurs. L'enquête, close en 2008, se déroulait dans le Gard. "Le fichier Salvac [Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes] aurait dû permettre de faire ce rapprochement", s'étonne l'avocate Corinne Herrmann, à Paris.

Pouvait-on éviter son suicide?

L'acte est, par nature, imprévisible, mais le 5 août, Francisco a emporté un pan de l'énigme. Le légionnaire a attendu le 21 juillet pour signaler la disparition de sa femme et sa fille, avant de raconter, lors de sa déposition complète le 25 juillet, la dispute et le départ des deux femmes, valise en main. Il n'a pas été placé en garde à vue, aucun élément, malgré la perquisition de l'appartement familial, ne prouvant son implication.
Le 3 août, il était au côté de Lydia, la fille aînée de Marie-Josée, qui vit à Béziers. Le 4 août, à Perpignan, il a remis une vidéo à une journaliste de Paris Match, mise en ligne le soir. En larmes, il disait son innocence et son désespoir. Le soir, par mail, il avertit ses supérieurs de sa diffusion, se décrit "à bout de forces", pointant "les critiques des abrutis". Dans la nuit, vers 4 heures, il passe un ultime appel à une maîtresse en Espagne. Puis, avant 7 heures, se pend dans les toilettes de la caserne Joffre. Une fin qui n'était pas inéluctable si Francisco Benitez avait fait l'objet d'une surveillance policière étroite… Mais apparemment, les enquêteurs de Perpignan n'ont pas pris la mesure du drame.

Peut-il y avoir d'autres disparues dans le sillage de "Paco"?

Cela ne semble plus improbable, tant l'image du légionnaire irréprochable, impliqué dans des actions sociales, à la crèche et à l'orchestre de la Légion, a volé en éclats. Francisco était un père aimant, fier d'Allison, qu'il accompagnait partout. Il avait un temps pris sous son aile les quatre enfants de Marie-Josée, Lydia, Karim, Loïc et Roxane, issus d'une précédente union.
Mais il était aussi "Paco", l'homme qui se suicide le visage masqué, dont tout le passé (hormis sa naissance en 1953 en Espagne) a été "gommé" par son entrée dans la Légion en 1986. Sa famille en Espagne cache-t-elle un secret ? Militaire, il avait été affecté à Marseille, où il avait rencontré Marie-Josée "à l'opéra, il y a 22 ans", selon sa sœur Edwige. À Nîmes, à Mayotte, à Saint-Christol, et à Perpignan, où il était, depuis 2010, chargé du recrutement de la Légion. Il était parti en mission au Kosovo, dans le Golfe, en Afrique. Une vie de déraciné, propice aux mensonges, dans le domaine conjugal du moins. À Nîmes, il avait Simone pour maîtresse. À Perpignan, il entretenait une liaison avec une Espagnole, à une heure de route. Interrogée jeudi, elle a affirmé que Francisco avait clamé, une fois de plus, son innocence lors de cette ultime conversation. Marie-Josée, comme Simone avant elle, avait sans doute découvert cette "double vie" amoureuse. À Perpignan, Francisco a eu dix jours pour dissimuler d'éventuelles preuves. Depuis son appartement, il pouvait accéder au parking sans croiser personne, ses voisins étant absents. Que sait Lydia, la fille aînée de Marie-Josée, qui aurait tourné sa vidéo avec lui le samedi? Et Éric, le frère de Marie-Josée, qui l'a vu dimanche et a évoqué de nombreuses "incohérences dans ses explications"? A-t-il livré d'autres secrets à sa maîtresse en Espagne? D'autres "secrets de famille" devraient faire surface…
 

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