samedi 26 octobre 2013

Procès Muller : les sentiments des proches

« Douce, gentille, cultivée, pétillante, aimant la vie ». Les qualificatifs élogieux pour décrire Brigitte se sont multipliés hier, lors de la cinquième des neuf journées qui vont sceller le sort de son époux, Jean-Louis Muller, condamné en 2008 puis en 2010 à 20 années de réclusion avant que la Cour de cassation ne casse ce verdict. Sa femme, une jolie documentaliste de 42 ans, amoureuse d’art et de littérature, faisait en effet l’unanimité par ses qualités quand elle a perdu la vie, le 8 novembre 1999, dans le sous-sol du pavillon familial, à Ingwiller, le crâne traversé par une balle de 357 Magnum.
Les amis et parents qui ont défilé à la barre ont avancé un dénominateur commun : jamais Brigitte n’a fait état d’idées suicidaires. « Quand je l’ai appris, ça m’a glacé », assure son ex-beau-frère. « La connaissant, c’était tout simplement impensable. Sa priorité dans la vie, son moteur, c’était ses enfants. Et elle reprenait le dessus après son accident de cheval, elle reprochait à son mari de ne pas avoir été présent lors de cet épisode ».
À la barre, l’homme décrit l’aversion de la quadragénaire pour les armes. « Il y en avait au domicile et elle était inquiète de ce qui pouvait se passer. Un jour, Jean-Louis était en effet parti avec une arme (NDLR : pour une sorte de chantage au suicide) et elle avait prévenu les gendarmes ».
« Elle m’avait aussi dit que s’il lui arrivait quelque chose, il ne faudrait pas le croire », poursuit l’ex-beau-frère. Stupeur. « Elle l’a dit en riant », relève Me  Dupond-Moretti. La présidente, qui connaît le dossier par cœur, fait remarquer au témoin qu’il n’a pas fait état de cette confidence quand il a été entendu par les gendarmes, trois semaines après la mort de Brigitte.
Cette révélation est en effet intervenue trois mois après l’ouverture d’une instruction pour meurtre. « Pourquoi n’en avez-vous pas parlé avant ? », questionne la magistrate. « Je ne sais pas… ».

Me Vialle imite Dupond-Moretti !

« Elle m’a confié qu’elle n’était pas heureuse », assure Hans-Peter Bucher. Ce chercheur au CNRS entretenait une relation avec Brigitte depuis un mois, au moment des faits. « Elle n’a pas évoqué l’idée de se séparer de son mari, j’ai senti qu’elle avait peur de se retrouver à la rue ». Le couple, à la relation jusqu’ici platonique, échange un premier baiser le vendredi 5 novembre, place Kléber, à Strasbourg.
Le jour des faits, Brigitte l’appelle dans la matinée. « Elle m’a alors dit qu’il serait étonnant que son mari ne se doute de rien. Elle se sentait surveillée ». L’amant la rappelle, en fin d’après-midi. « La discussion a alors été décousue. J’ai senti une grande lassitude. Elle était d’ordinaire très joyeuse, je n’ai pas pu me rendre compte à quel point elle déprimait. Elle devait être désespérée ».
Lors de cette conversation, Brigitte évoque un film – Bonnie and Clyde – visionné en compagnie de son mari. « Il y a une scène où Bonnie part avec Clyde. Jean-Louis Muller aurait dit à Brigitte ‘’ si tu fais ça, je te tue ‘’ ou ‘’ je me tue ‘’, je ne sais pas. Elle n’articulait pas bien, je n’ai pas souhaité lui faire répéter. C’est Jean-Louis Muller qui m’a annoncé que Brigitte s’était donné la mort, trois jours plus tard. J’ai eu l’impression d’être accusé de son suicide. Quand j’ai été entendu par le juge d’instruction, je me suis dit qu’on commençait enfin à se poser des questions sur ce qui s’était passé. J’avais de sérieux doutes… ».
Des doutes, Véronique Genret n’en a pas émis quand, trois jours avant le drame, sa meilleure amie lui a remis un poème. « Si j’avais perçu qu’elle était en danger, je l’aurais immédiatement appelé ». Le texte, un poil pompé sur celui d’une obscure poétesse québécoise, se termine ainsi : « J’emporte mes secrets/Agenouillée sur le sable mouillé/Dans la peau du temps/Comme une maille dans une faille ». « J’ai considéré qu’elle n’était pas bien, désespérée, mais qu’elle avait envie de renaître ».
Au terme d’une journée marquée une nouvelle fois par moult algarades entre avocats, le dernier mot est finalement revenu à Me  Vialle qui, après avoir imité Dupond-Moretti au milieu du prétoire (du jamais vu…), a lâché : « Un poème n’appartient qu’à celui qui le lit… ».

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2013/10/26/si-tu-fais-ca

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